Le Conseil constitutionnel a rendu, le 2 juin 2017, une décision attendue concernant la procédure applicable aux décisions médicales d’arrêt de traitements (loi Léonetti).
Sur demande de l’Union Nationale des Associations de Familles de traumatisés Crâniens (UNAFTC), le Conseil d’Etat avait saisi en mars dernier le Conseil constitutionnel pour trois articles du Code de la Santé publique dans leur rédaction issue de la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
La requête de l’UNAFTC était fondée sur deux arguments : dans le cas d’un patient hors d’état de donner son consentement, et pour lequel un traitement apparaîtrait comme relevant de l’obstination déraisonnable, la décision d’arrêt de traitement est prise par un seul médecin, sans qu’il ait à tenir compte de l’avis de la famille, de la personne de confiance ou d’autres médecins (il doit seulement, et formellement, recueillir leur avis, mais n’est pas obligé d’en tenir compte) ; et aucun recours effectif n’a été prévu en cas d’opposition familiale ou médicale à cette décision, si ce n’est la saisine des juridictions de droit commun.
Le Conseil constitutionnel a toutefois validé ces trois dispositions (articles L. 1111-4, L. 1110-5-1 et L. 1110-5-2 CSP) en se limitant à considérer que des garanties suffisantes ont été apportées, et qu’un recours effectif de droit commun existait, de sorte que le processus de décision n’est pas contraire à la constitution.
Ce type de décisions d’arrêts de traitement n’est pas neutre. Elles peuvent être parfaitement légitimes. Mais elles peuvent également être inadaptées à la situation médicale ou couvrir des euthanasies par omission, en particulier pour des handicapés (cf. affaires Vincent Lambert ou Marwa Bouchenafa). C’est pourquoi une discussion doit être réelle entre le corps médical et familial et doit déboucher sur un consensus et non sur une décision brutale.
Il est ici triste de constater que le Conseil constitutionnel n’a pas tenu compte de la réalité vécue au quotidien par les familles ou par certains médecins qui ne partagent pas l’avis médical de celui qui prend la décision. Autrement dit, la question n’est pas de savoir si la loi a prévu des garanties, mais quelle est la valeur réelle de ces garanties. Le Conseil ne répond pas à cette question. Et ouvre la porte à de très grandes injustices.
Il aurait pu en être autrement. Le Conseil constitutionnel aurait pu faire du consensus médico-familial une exigence, quitte à en passer par des médiations, en cas de désaccord. Il aurait également pu réclamer qu’un recours effectif, par exemple auprès d’un cercle de trois médecins, puisse être réalisé si la famille, la personne de confiance ou un membre du corps médical le réclame, afin de vérifier la valeur médicale réelle de la décision prise.
Pourquoi la vie d’un être humain devrait-elle reposer sur la décision d’un seul de ses semblables, fût-il médecin ? La seule volonté de décharger les familles du poids moral de la décision n'est pas ici suffisante.
Cette décision n’est en réalité une bonne nouvelle ni pour les familles (écartées du processus décisionnel), ni pour les juges (les contentieux vont continuer) et c’est une fausse victoire pour les médecins, parce que la légitimité de leurs décisions sera de plus en plus remise en cause, alors même que tout le droit médical s’appuie aujourd’hui sur la codécision. In fine, c’est la confiance dans le médecin qui est en cause. C’est très regrettable.
Jean Paillot, avocat à Strasbourg, enseignant en droit de la Santé
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