Dans un arrêt rendu le 23 octobre 2024 (n° 23-18.381), inédit, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est intéressée à la question de l’obligation de loyauté du manager sportif à l’épreuve des faits tirés de sa vie personnelle.

Un salarié a été engagé en qualité de manager sportif par une société exploitant une salle de sport.

Il est licencié pour faute grave au motif qu’il a participé à une séance d’entraînement au sein d’une salle de sport concurrente à celle de son employeur et en diffusant cette séance sur un réseau social, assortie de commentaires élogieux.

Il a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, puis devant la cour d’appel.  

La cour d’appel a retenu que le salarié avait gravement manqué à son obligation de loyauté et a jugé que le licenciement était justifié par une faute grave.

Le salarié forme un pourvoi en cassation en considérant qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ou se rattache à la vie professionnelle. 

La Cour de cassation devait déterminer si le fait pour un manager sportif de s’entraîner dans une salle de sport concurrente et de diffuser des images de son entraînement sur un réseau social, dans le cadre de sa vie personnelle, constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail.  

Elle vise l’article L. 1121-1 du code du travail selon lequel :

« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Il résulte de ce texte qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

Ce principe jurisprudentiel est constamment rappelé par la chambre sociale de la Cour de cassation lorsque l’employeur fonde son licenciement sur des faits extérieurs à l’exécution du contrat de travail.

Cela peut concerner les infractions au code de la route commises pendant les temps de trajet durant lesquels le salarié n'était pas à la disposition de l'employeur (Cass. Soc., 4 octobre 2023, 21-25.421) ou bien encore la conversation privée avec une collègue au moyen de la messagerie intégrée au compte Facebook personnel du salarié installé sur son ordinateur professionnel (Cass. Soc., 22 décembre 2023, n° 21-11.330).

En l’occurrence, la question est de savoir si le comportement du manager sportif, bien que s’inscrivant dans le cadre de sa vie personnelle, est de nature à caractériser un manquement à son obligation de loyauté rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

En substance, il y a bien une confrontation entre d’un côté l’obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail, résultant de l’article L. 1222-1 du code du travail, et de l’autre le droit au respect de la vie privée inscrit à l’article 9 du code civil.

Selon la Cour de cassation, le fait pour un manager sportif de pratiquer une activité sportive dans une salle concurrente et de diffuser des images de son entraînement sur un réseau social, dans le cadre de sa vie personnelle, ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail.

Si cette solution s’inscrit dans un cas d’espèce bien particulier, elle ne reflète pas moins l’influence des réseaux sociaux, et plus généralement des nouvelles technologies, dans la création de problématiques prétoriennes nouvelles, tout en faisant intervenir des règles juridiques anciennes.

Jérémy DUCLOS
Avocat au barreau de Versailles
Spécialiste en droit du travail

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