Dans un arrêt rendu le 5 novembre 2025 (n° 23-10.637), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’application de la loi française en vertu d’une clause de choix de loi applicable insérée dans un contrat de travail international.
Un salarié de nationalité italienne et résidant en Italie a été engagé par une société française ayant son siège social à Paris. Il a ensuite été affecté à Anvers, en Belgique. Il a démissionné deux mois plus tard.
Il a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour faire valoir, sous l’empire de la loi française qu’il considère comme étant applicable en vertu d’une clause de choix de la loi applicable insérée dans le contrat de travail dit « international », que sa démission avait été causée par les manquements graves de son employeur et alléguant une situation de travail dissimulé au sens de l’article L. 8221-5 du code du travail.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel ayant considéré que le droit français est applicable au contrat de travail qualifié de « droit français » ou « international » et qui, en conséquence, l’a condamné à payer au salarié certaines sommes à titre de salaire, d’indemnité de congés payés et d’indemnité pour travail dissimulé.
La cour d’appel avait admis que les parties étaient soumises à la fois à un contrat dit « local », qui ne précisait pas expressément la loi applicable, mais faisait référence au droit belge, et à un contrat dit « international » régi par le droit français, de sorte que le salarié pouvait se référer à un seul des deux contrats, et qu’une telle distinction ne s'explique que par la volonté commune des parties de soumettre une partie de leurs obligations résultant du contrat dit « international » à une législation autre que celle régissant le contrat dit « local ».
Le demandeur au pourvoi conteste cette analyse en considérant qu’aucun contrat de travail écrit n’avait été conclu entre les parties, de sorte que la relation de travail ne pouvait être régie que par une seule loi et qu’elle devait donc rechercher, par application de la règle de conflits de loi appropriée, quelle était la loi applicable à la globalité de la relation de travail, en application des articles L. 1221-1 du code du travail, 3 et 8 du règlement CE n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).
La Cour de cassation devait donc statuer sur l’applicabilité de la loi française à une relation de travail régie par un contrat dit « local », faisant référence au droit belge mais sans stipulation d’une clause de choix de loi, et par un contrat dit « international » régi par le droit français.
La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l'article 3, § 1, du Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.
Aux termes de l'article 10, § 1, du même règlement, l'existence et la validité du contrat ou d'une disposition de celui-ci sont soumises à la loi qui serait applicable en vertu du présent règlement si le contrat ou la disposition étaient valables.
L’arrêt d’appel constate que le contrat de travail dit « contrat international » précise en introduction : « This contract will be based on the french law, as a reference. » (Selon traduction libre : « Ce contrat est basé sur le droit français comme référence. ») et en conclusion : « This agreement shall be governed by and construed in accordance whith the laws of France to the juridiction of whose courts the parties hereto agree to submit. » (« ce contrat est soumis et doit être interprété selon les dispositions du droit français et les parties acceptent de soumettre leur différend aux juridictions françaises »).
L’arrêt constate également que, si le contrat de travail dit « local » ne précise pas expressément la loi applicable, il vise néanmoins, parmi les normes législatives permettant de déterminer les éléments de rémunération du salarié, un décret royal, et mentionne que les jours de congés seront accordés au prorata temporis conformément au droit belge.
Il retient que l'absence de signature du salarié sur les deux contrats de travail qui lui ont été soumis par l'employeur n'a pas interdit la mise en œuvre des relations de travail et n'affecte donc pas la validité du lien contractuel, que la distinction entre contrat « belge » et contrat « international » résulte donc de la volonté expresse, manifeste et non équivoque de l'employeur qui a rédigé les contrats, les a signés, les a adressés au salarié et lui a demandé avec insistance de les lui retourner signés et de l'accord, libre et éclairé, du salarié malgré son refus final de signer les documents pour d'autres causes, que la rencontre des volontés des parties sur ce point s'est concrétisée par le caractère effectif de l'engagement du salarié par l’employeur pour une prestation de travail et un lieu d'affectation du salarié conformes au contrat « international », moyennant une rémunération décomposée en deux salaires, versée sur deux comptes bancaires différents et ayant donné lieu chaque mois à l'émission de deux bulletins de paie, comme prévu par chacun des contrats « belge » et « international », qu'une telle distinction ne s'explique que par la volonté commune des parties de soumettre une partie de leurs obligations résultant du contrat dit « international » à une législation autre que celle régissant le contrat dit « local ».
Dans l'exercice de son pouvoir souverain, la cour d'appel a constaté ainsi le choix exprès et non équivoque par les parties de la loi française, s'agissant du contrat dit « international », pour régir une partie de leur contrat.
La Cour de cassation a donc approuvé l’application de la loi française comme étant celle qui résultait aussi bien des termes du contrat de travail dit « international » que de la volonté commune des parties.
Le fait que les deux contrats de travail n’aient pas été signés n’a pas fait obstacle à l’application de la clause de choix de loi figurant dans l’un d’eux. La solution retenue met en lumière la volonté commune des parties de soumettre chacun des contrats de travail à une législation distincte, comme l’autorise le règlement Rome I au nom du principe de libre choix de la loi applicable par les parties.
Jérémy DUCLOS
Avocat au barreau de Versailles
Spécialiste en droit du travail
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Avocat titulaire d'un certificat de spécialisation en Droit du travail
Compétences : Droit du travail
Barreau : Versailles
Adresse : 53 boulevard de la Reine 78000 VERSAILLES

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