Réforme de la justice des mineurs : une révision historique mais décriée  -Cabinet Goudard-

La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a concouru à l’abrogation de l’ordonnance du 2 février 1945, référence en matière de principes structurant l’enfance délinquante et la procédure pénale des mineurs. Essentielle jusqu’alors et réécrite plus d’une quarantaine de fois, elle sera remplacée par un Code de la justice des mineurs, qui entrera en vigueur à compter du 30 septembre 2021.

La novation de ce texte porté par le garde des sceaux Eric Dupont Moretti réside dans une simplification de la procédure, une limitation de la détention provisoire pour les mineurs délinquants et une forte réduction des délais.

Suppression de la procédure d’instruction devant le juge des enfants 

Le futur CJPM supprime la phase d’instruction devant le juge des enfants sauf pour les dossiers criminels ou complexes nécessitant davantage d’investigations. Le nouveau texte prévoit le prononcé d’un jugement sur la culpabilité dans un délai de 3 mois maximum à compter de l’engagement des poursuites. S'ensuit une période dite de mise à l’épreuve éducative de 6 à 9 mois durant laquelle pourront être prononcées des mesures d’investigation afin de permettre le recueil d’éléments sur la personnalité du mineur, une mesure éducative judiciaire provisoire ainsi que des mesures de sûreté. Le jugement définitif devrait donc en principe être rendu sous douze mois (contre 18 mois en moyenne aujourd’hui - en effet, actuellement, 45 % des dossiers sont jugés après que le mineur ait atteint sa majorité). 

 

                                    Source : Ministère de la justice

Limitation de la détention provisoire aux cas les plus graves

La réforme vise également à réduire le recours à la détention provisoire. Celle-ci ne sera autorisée que pour les faits les plus graves (procédures criminelles ou correctionnelles si elles sont assorties d’une violation des astreintes auxquelles le mineur était soumis en centre éducatif ou les obligations de son contrôle judiciaire) ou les mineurs réitérants.

Fake News sur la question du discernement

Le Code instaure une présomption de discernement pour les mineurs de moins de treize ans. Une présomption très mal perçue du grand public. En effet, certains internautes dénonçaient un ‘abaissement de la majorité sexuelle’ de 15 à 13 ans. La polémique s’est enflammée sur les réseaux sociaux, en pleine affaire Duhamel, or ce n’est nullement ce que prévoit cette loi qui, au contraire, durçit les sanctions encourues. 

D’emblée, il convient de rappeler qu’à ce jour, en droit français, il n’existe pas de “majorité sexuelle” à proprement parler. Toutefois, l’article 227-25 du Code pénal dispose qu’hors le cas de viol ou de toute autre agression sexuelle, le fait, par un majeur, d’exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende”. Ainsi, est susceptible d’être poursuivi le majeur qui aurait une relation sexuelle avec un mineur de quinze ans ou moins et ce sans tenir compte de la question du consentement. 

Par conséquent, le nouveau texte n’abaisse aucunement l’âge du consentement (qui par ailleurs n’existe pas) mais crée un nouveau crime sexuel contre mineur de moins de treize ans. Il permet donc de trancher les débats autour du consentement de la victime dès lors que celle-ci est âgée de moins de treize ans, à condition que l’auteur connaisse ou ne pouvait ignorer son âge. 

Enfin, le ministre de la justice a souhaité définir le terme de ‘discernement’ : le mineur a compris et voulu son acte et est apte à comprendre le sens de la procédure pénale. 

Une réforme rudement critiquée

  • Par le gouvernement 

Le passage du texte en commission mixte paritaire (chargée de trouver un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat en cas de désaccord persistant entre ces deux chambres sur un projet ou une proposition de loi) témoigne de la difficulté qu’ont eu les parlementaires à s’entendre sur un projet final. 

D’un côté, une gauche de la France Insoumise qui regrette l’intention de cette réforme qu’elle juge “technocratique” et dont le viseur serait orienté à tort sur une ‘gestion des flux’ et l’encombrement de la justice plutôt que pensé dans l'intérêt de la protection des mineurs. L’opposition déplore également une insuffisante concertation avec les acteurs de la justice pénale des mineurs.

  • Par les syndicats de la magistrature

Le projet de loi a également scindé la magistrature. Certains syndicats de juges soulignent l’insuffisance budgétaire dont la justice fait l’objet, mais soutiennent également que la réforme a une portée bien trop répressive, faisant obstacle à une prise en charge spécifique des mineurs, ce dont ils auraient besoin.

  • Par les associations militantes

Plusieurs associations de défense de mineurs déplorent le seuil fixé par le Parlement, arguant que de nombreuses victimes d’atteintes sexuelles sont âgées de 13 à 15 ans. Dès lors, elles militent pour un seuil fixé à 15 ans.

En tout état de cause, le gouvernement rendra un rapport sur l’application de ce Code, précisant notamment les avancées et difficultés rencontrées tout du long et préconisant des corrections, voire des suppressions.