Un avis se définit comme une prise de position revêtant une importance particulière du fait de la compétence ou de la représentativité de la personne qui l’émet. Il arrive que la médecine du travail soit sollicitée afin de formuler un avis sur une question ou une situation qui lui est présentée. A cet effet, elle confronte des données médicales avec des notions juridiques. Dans certains cas, cet avis peut entraîner des répercussions significatives sur la carrière professionnelle d’un salarié ou encore sur l’organisation interne d’une entreprise.
 
S’il est possible de contester les avis, propositions, conclusions ou indications émises par un médecin du travail, une procédure précise doit être respectée. Ainsi, il est important d’être correctement guidé dans ce processus.
 
Maître Johan Zenou, expert en droit du travail à Paris, vous expose en premier lieu les enjeux fondamentaux d’un avis délivré à l’issue d’une visite médicale (I). Dans un second temps, il vous informe des modalités d’une éventuelle contestation de celui-ci (II). Ainsi, que vous vous trouviez du côté du salarié ou de l'employeur, vous pourrez appréhender pleinement les implications d'un tel recours juridique (III).

 

I. Les enjeux d’un avis rendu par la médecine du travail
 
Les différents types de visites médicales
 
Dans le cadre du suivi régulier de son état de santé, un salarié peut être amené à effectuer plusieurs types de visites médicales au cours de sa carrière professionnelle :
 

  • Une visite d'information et de prévention effectuée après l'embauche, qui donne lieu à la délivrance d'une attestation.
  • Un suivi individuel renforcé, qui concerne seulement les salariés exposés à des risques spécifiques.
  • Une visite de pré-reprise, facultative.
  • Une visite de reprise, obligatoire après un congé maternité, une absence pour maladie professionnelle, ou une absence d’au moins 30 jours résultant d’un accident ou d’une maladie.
  • Une visite médicale de mi-carrière, qui s’effectue en général à 45 ans.
  • Une visite effectuée à la demande de l'employeur, du salarié ou du médecin du travail.
  • Une visite périodique, tous les 5 ans dans la plupart des cas.

 
Dans ces diverses situations, l'avis de la médecine du travail joue un rôle crucial dans la préservation de la santé des travailleurs.
 
Les conséquences d’une prise de position du médecin du travail
 
L’objet d’une visite médicale peut être de vérifier si le poste de travail occupé par le salarié est compatible avec son état ou s’il présente un risque pour sa santé physique et/ou mentale.
 
Conformément à l’article L4624-4 du Code du travail, le médecin du travail échange avec le salarié et l'employeur, et effectue une étude pour tenir compte des spécificités et des difficultés du poste. À l'issue de cette démarche, il formule un avis éclairé.
 

  • Un avis d'aptitude est délivré s'il estime que le salarié est capable de reprendre son emploi dans les mêmes conditions qu'avant son absence.
  • Un avis d'aptitude sous réserve d'aménagements, d'adaptations ou de transformations du poste ou du temps de travail du salarié est émis s’il le juge nécessaire.
  • Un avis d'inaptitude totale est rendu s’il estime que le salarié est incapable de reprendre son poste de travail (L'article R 4624-32 du Code du travail). Dans ce cas, l’avis contient des indications relatives à un éventuel reclassement du salarié. Des conclusions écrites obligatoires accompagnent cet avis d’inaptitude.

 
Depuis la loi du 8 août 2016, une seule visite de reprise est nécessaire pour rendre un tel avis. Néanmoins, s’il l’estime nécessaire, le médecin du travail peut procéder à un second examen médical dans un délai qui n’excède pas 15 jours après le premier examen. Pour le salarié, cet avis concerne directement sa santé et sa capacité à occuper un poste potentiellement dangereux. Pour l’employeur, cet avis peut entraîner la mise en œuvre d’une procédure de reclassement, ou de licenciement pour inaptitude. C’est pourquoi, à la vue de l’importance cruciale de cet avis, un mécanisme de contestation est mis à leur disposition.
 

II. Les voies de contestation des avis médicaux du travail
 
L’objectif de la saisine du Conseil de prud'hommes
 
Selon l’article L4624-6 du Code du travail, l'employeur et le salarié sont tenus de prendre en considération les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail. En cas de désaccord avec ces avis, il est préconisé d'initier des échanges amiables avec la médecine du travail, afin d’exprimer les motifs d’opposition à cet avis et d’en comprendre la justification. Si les réponses fournies ne se révèlent pas satisfaisantes, il est alors envisageable d'avoir recours à des procédures contentieuses.
 
La partie qui s’oppose à cet avis doit saisir le Conseil de prud'hommes selon une procédure accélérée au fond puis en informer par écrit le médecin du travail. La contestation doit exclusivement viser l'obtention d'un nouvel avis technique et doit être uniquement en lien avec l’état de santé du salarié. Par conséquent, elle ne peut en aucun cas porter sur le déroulement de la procédure d'aptitude ou d'inaptitude, ni sur l’origine professionnelles de l'inaptitude. Dans le cas où la contestation émane du salarié, elle ne peut avoir pour objet de faire juger l'employeur sur son non-respect des préconisations du médecin du travail.
 
Le déroulé de la procédure de contestation
 
Cette démarche doit être entamée dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'avis (L'article R4624-45 du Code du travail). Le dépassement de ce délai entraîne un rejet de la contestation, rendant celle-ci irrecevable. Les modalités de recours contre un tel avis, ainsi que les délais à respecter, sont principalement définis par l'article L4624-7 du Code du travail. Cependant, ces informations sont également mentionnées sur les avis et les mesures émis par le médecin du travail.
 
Il est à noter que le médecin du travail, une fois informé officiellement de la contestation, ne sera pas partie au litige. Par conséquent, les parties impliquées ne pourront pas demander au Conseil des prud'hommes de le convoquer à l'audience. Cependant, il pourra être entendu par le médecin-inspecteur du travail pour exposer les éléments de toute nature ayant motivé son avis. Le Conseil de prud'hommes, si nécessaire, peut consulter le médecin-inspecteur du travail, lequel peut à son tour faire appel à des tiers pour l’éclairer dans son expertise. Initialement, c’est le médecin territorialement compétent qui sera désigné. Toutefois, en cas d'indisponibilité ou de récusation, le Conseil de prud'hommes peut en désigner un autre.
 
Bien que le recours au médecin inspecteur du travail ne soit pas décidé d’office par le Conseil de prud’hommes, il peut être sollicité par l’employeur ou le salarié. Or, selon un arrêt rendu par la Cour de cassation, cette demande n’est pas un droit et peut être refusée par le Conseil de prud’hommes (Cass. soc. 3-6-2020 n°18-21.952). Si le recours est accordé, la partie demanderesse doit en notifier l’autre partie. Dans ce cadre, elle est habilitée à poser uniquement des questions au médecin inspecteur du travail. Il est alors préférable de formuler des interrogations précises.
 
Lorsque cette démarche est entreprise par l'employeur, le médecin mandaté ne peut lui divulguer aucune information relative à l’état de santé du salarié. Il demeure tenu au secret médical et au respect des règles déontologiques prévues par le Code de santé publique.
 

III. Les conséquences économiques et juridiques du recours
 
 
Le rôle du Conseil de prud'hommes
 
Dès lors, jusqu’à ce qu’une décision soit rendue par le Conseil de prud'hommes, l’avis initial du médecin du travail doit être exécuté et garde un caractère impératif. Cependant, il semble que le médecin inspecteur du travail ne soit soumis à aucun délai pour rendre son rapport. Au terme de la procédure de recours, la décision rendue par le Conseil de prud'hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés. Toutefois, avant de la débuter, il est judicieux de se renseigner sur les coûts liés à cette procédure, notamment sur les modalités de paiement de l'expertise réalisée par le médecin inspecteur du travail.
 
La charge du coût de la procédure
 
Le Conseil des prud'hommes peut décider de ne pas imputer l’intégralité ou une partie des honoraires et frais d'expertise à la charge de la partie perdante, à condition que l'action en justice n'ai pas été dilatoire ou abusive. Quant à ces honoraires et frais, ils sont réglés conformément au tarif établi par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget.
 
En ce qui concerne les frais de déplacement engagés par une partie pour se rendre à l’expertise du médecin-expert ordonnée par le juge prud’homal, un arrêt de la Cour de cassation datant de 2020 a clarifié cette question (Cass. soc. 4-3-2020 n° 18-24.405). Ces frais ne pourront être remboursés à l’intéressé qu'en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile. Celui-ci dispose que le juge peut condamner la partie perdante à verser, à l’autre partie une indemnité destinée à couvrir l’ensemble des frais non compris dans les dépenses.
 
Vous êtes un salarié insatisfait par un avis rendu par la médecine du travail parce qu’il ne vous semble pas juste ou correctement éclairé ? Le Cabinet Zenou, en droit du travail, à Paris 20ème arrondissement vous aide à procéder à une contestation afin d’obtenir une autre décision, rendue par le Conseil de prud'hommes.