Lorsqu'un salarié est déclaré inapte en raison d'un accident ou d'une maladie, d’origine professionnelle ou non, l'employeur est tenu de lui proposer un reclassement à un autre poste.

En cas de refus de la proposition ou en l'absence de solution de reclassement, l'employeur peut procéder à un licenciement pour inaptitude. Selon l’article L.1226-11 du Code du travail, si le salarié n'est ni reclassé ni licencié dans un délai d'un mois, l'employeur doit lui verser son salaire habituel pour le poste qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Le non-respect de ce délai ou une lenteur dans la procédure de reclassement ou de licenciement constitue un manquement aux obligations légales ou contractuelles de l’employeur. C'est ce que rappelle la chambre sociale de la Cour de cassation dans une décision du 4 décembre 2024 (pourvoi n°23-15.337).


I/ L’inaptitude au travail

L'inaptitude au travail désigne l'incapacité pour un salarié d'exécuter une ou plusieurs tâches pour lesquelles il a été embauché, en raison d'une condition physique ou mentale, partielle ou totale, causée par un accident ou une maladie. Cette inaptitude est déterminée par le médecin du travail, qui émet un avis accompagnant souvent des recommandations sur l'aménagement du poste ou le reclassement du salarié. Il peut également mentionner une impossibilité, selon lui, de reclasser le salarié, ce qui justifiera dans ce cas, le licenciement pour inaptitude. Le médecin du travail constate l’inaptitude du salarié en réalisant une étude de poste.

En cas d’impossibilité de reclassement, l’employeur ne pourra pas licencier le salarié pour un motif autre que l’inaptitude, même en cas de faute lourde (Cass. Soc. 8 févr. 2023, pourvoi n°21-16.258). Cet avis peut être contesté devant le conseil de prud’hommes par le salarié ou l’employeur dans un délai de 15 jours à compter de sa notification.

II/ L’obligation de reclassement


L'employeur a l'obligation de proposer un poste adapté à l'inaptitude du salarié, en tenant compte de l'avis du médecin du travail. Cette obligation de reclassement est valable, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non. En cas d'inaptitude professionnelle, l'obligation est prévue par l'article L.1226-10 du Code du travail, et en cas d'inaptitude non professionnelle, par l'article L.1226-2 dudit code.

L'employeur doit aussi consulter le CSE (comité social et économique) avant d'engager un licenciement, sous peine de nullité de celui-ci (article L.1226-15 du code du travail). Cette illicéité sera sanctionnée par l’indemnité d’au moins six mois de salaire prévue en cas de nullité de licenciement (article L.1235-3-1 du code du travail).

D’après une décision rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 29 mars 2023 (pourvoi n°21-15.472), la recherche de reclassement doit être menée par tous moyens, de manière loyale et sérieuse. Les juges considèrent qu’« il appartient à l'employeur de proposer au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ».

Le reclassement ne se limite pas à l'entreprise d'origine, mais doit également être effectué dans les entreprises du groupe auquel appartient l’employeur. Depuis les ordonnances Macron de 2017, la proposition d'autres postes doit être limitée au niveau national.

Le reclassement implique l'acceptation par le salarié d'un nouveau poste, entraînant ainsi une modification de son contrat de travail. Si le salarié éprouve des difficultés à tenir son nouveau poste, l’employeur doit rechercher d’autres postes plus adaptés. Le licenciement pour inaptitude après le reclassement est alors susceptible d'être annulé. Dans une décision rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 7 mars 2012 (pourvoi n°11-11.311), la Cour affirme que « le simple fait qu'un salarié victime d'un accident du travail, reclassé sur un nouveau poste conformément à l'avis du médecin du travail, ne puisse, en dépit d'une formation professionnelle, occuper cet emploi, ne suffit pas à caractériser une inadaptation de ce nouveau poste aux capacités professionnelles du salarié ».

En principe, l'employeur n’est pas tenu de rémunérer le salarié pendant le premier mois de recherche de reclassement, sauf si des conventions collectives prévoient le contraire. Si aucune proposition de reclassement n’est faite dans le mois suivant la déclaration d'inaptitude, l'employeur doit verser au salarié son salaire habituel, conformément à l'article L.1226-4 du Code du travail.

Dans la décision du 4 décembre 2024 citée précédemment, la Cour de cassation a rappelé que l’employeur commet un manquement lorsqu’il tarde à engager la procédure de reclassement, puis de licenciement. Dans cette affaire, le salarié avait été déclaré inapte par le médecin du travail en juin 2019 mais l’employeur n’a lancé la procédure de reclassement qu’en octobre 2019, maintenant le salarié dans une situation d’inactivité forcée au sein de l’entreprise pendant plusieurs mois. Après le refus des propositions de reclassement du salarié, l’employeur avait engagé la procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement en novembre 2019. Par ailleurs, le paiement du salaire n’a repris qu'en septembre 2019, soit trois mois après la déclaration d'inaptitude, ce qui constituait un manquement à l'obligation légale prévue à l’article L1226-4 du code du travail. Selon la Cour d’appel, cette lenteur ne justifiait pas en soi un manquement de l’employeur à ses obligations.

Selon elle, l'obligation de reclassement serait distincte de celle de reprendre le paiement du salaire et ne serait pas soumise à un délai précis. Par conséquent, selon elle, ce retard ne pourrait être considéré comme un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles ou légales. Mais la chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel, c’est-à-dire qu’elle a annulé l'arrêt de la cour d'appel en soulignant que l’employeur avait provoqué une situation préjudiciable pour le salarié, pouvant justifier une rupture du contrat de travail par le biais d’une résiliation judiciaire demandée par le salarié.

La résiliation judiciaire est la rupture du contrat prononcé par le juge suite à la saisine du conseil de prud'hommes par le salarié en invoquant des manquements de l’employeur. Cette décision démontre donc que l’omission de cette obligation de reclassement ou du versement du salaire ne constitue pas à eux seuls un manquement de l’employeur. Le non-respect des délais de reclassement ou du versement du salaire peut également constituer un manquement grave aux obligations de l’employeur, donnant droit au salarié à des indemnités de rupture, conformément aux barèmes Macron.

Pour rappel, les barèmes Macron prévus à l’article L.1235-3 du code du travail, fixent une indemnisation minimale et maximale en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les indemnités qu’un salarié peut prétendre ne pourra pas dépasser le montant maximal prévu par ce barème.

III/ Le licenciement pour inaptitude

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie, soit de son impossibilité de proposer un emploi compatible avec l’état de santé du salarié tel qu’il est prévu à l'article L.1226-2 du code du travail, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans les conditions dudit article, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Trois motifs de licenciement sont donc possibles : inaptitude sans reclassement, refus de reclassement ou impossibilité de reclassement. Si le salarié bénéficie d'une protection spécifique, l'employeur doit en outre obtenir l’autorisation de l’inspecteur du travail (article L1226-2-1 du code du travail).

Lorsque le salarié refuse un emploi conforme aux préconisations légales, son licenciement est présumé justifié à condition que l’employeur ait proposé un poste adapté et comparable à son emploi précédent, en tenant compte des aménagements nécessaires (articles L.1226-2-1 et L.1226-12 du code du travail).

Dans le cas où l’inaptitude résulte d’une faute de l’employeur, le licenciement est considéré comme étant causé par cette faute, ce qui rend le licenciement illégal.

Lorsque l’avis du médecin du travail mentionne que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, ou que tout reclassement est impossible, l’employeur n’est pas tenu de procéder lui-même à des recherches de reclassement. Il peut licencier de manière justifiée sur la seule foi de cet avis (article L1226-12 du code du travail).

S'il prononce le licenciement, l'employeur doit respecter la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue aux articles L1232-1 à L1232-14 du code du travail.

Si vous êtes salarié et que vous vous reconnaissez dans cette situation, n’hésitez pas à contacter le Cabinet Zenou, expert en droit du travail et en droit de la sécurité sociale, pour obtenir des conseils et une assistance juridique. Il est important de noter que les règles relatives à l'inaptitude au travail diffèrent selon qu’il s’agisse du droit du travail ou du droit de la sécurité sociale, et Maître ZENOU saura vous accompagner dans ces deux domaines.

En effet, en sécurité sociale, le fait d’être incapable d’exercer une profession quelconque n’est pas la même chose qu’être inapte au sens de l’assurance chômage (incapacité d’exercer la fonction occupée, mais capable d’en exercer une autre dans un autre secteur d’activité et dans une autre entreprise).