Selon le dernier rapport annuel de l’Assurance maladie, 47 398 maladies professionnelles ont été prises en charge en 2021, dont 86% dus à des troubles musculosquelettiques qui représentent ainsi la majorité des sinistres. En France, les dossiers de reconnaissance des maladies professionnelles liées au travail sont examinés par le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP ou C2RMP).

Maître Johan Zenou, expert en droit de la sécurité sociale, vous explique le rôle, les compétences et la composition du CRRMP. Le Cabinet vous éclaire également sur les délais d’examen de votre demande de reconnaissance et sur les voies de recours suite à une décision défavorable du CRRMP.  

I. le CRRMP : rôle, compétences et composition du comité

Le rôle du CRRMP Le CRRMP est en charge de l’examen des demandes de reconnaissance des maladies professionnelles. Celles-ci sont reconnues dans les conditions fixées à l’article L.461-1 du Code de la sécurité sociale. La maladie professionnelle implique que le salarié ait été exposé à un risque psychique, physique, chimique, ou biologique, au cours de l’exercice de ces missions professionnelles.

Deux cas d’espèces se présentent : soit la maladie fait partie de celles répertoriées et figure dans le tableau des maladies professionnelles, soit elle n’y figure pas et doit être reconnu par le CRRMP. Dans le premier cas de figure, il existe deux tableaux pour le régime général et agricole. Si la maladie figure au tableau, des conditions doivent tout de même être remplies pour que votre dossier de maladie professionnelle soit accepté (e.g. liste indicative des travaux susceptibles de provoquer la maladie, délai de prise en charge, désignation de la pathologie, etc..).

Néanmoins, l’origine professionnelle est présumée et la jurisprudence interprète de manière assez souple la notion de risque auquel a été exposé le salarié (Cass. Soc. 7 décembre 1989 n°88-140332). Dans le second cas de figure, la maladie ne figure pas sur le tableau ou du moins vous ne remplissez pas toutes les conditions pour que votre maladie professionnelle soit reconnue comme telle. Vous devez donc suivre une autre procédure et votre demande fera l’objet d’un examen casuistique.

Le CRRMP doit alors étudier votre demande de reconnaissance de la maladie professionnelle. Il doit établir si un lien de cause à effet existe entre l’exposition et la maladie professionnelle. Le CRRMP est donc l’institution compétente pour reconnaitre une maladie professionnelle.

À noter qu’est reconnue d’origine professionnelle, une maladie, qui bien qu’elle ne figure pas au tableau susmentionné, résulte des conditions de travail habituelles de l’employé.

Pour plus d’information sur la reconnaissance d’une maladie professionnelle, vous pouvez consulter notre précédent article sur le sujet.  

La compétence du CRRMP  

La demande est formulée auprès de la sécurité sociale. Le salarié atteint d’une maladie doit d’abord soumettre son dossier de demande de reconnaissance de maladie professionnelle à la CPAM compétente. Le CRRMP est alors obligatoirement saisi par la CPAM et a un rôle clé, comme la jurisprudence le rappelle (Cass, ch. civile 2, 21 septembre 2017, n°16-18.088, publié au bulletin).

Si le CRRMP est capable de déterminer l’existence de ce lien, quel est le CRRMP compétent pour votre dossier ? Votre dossier est examiné par le CRRMP régional du lieu de résidence du salarié atteint d’une maladie professionnelle.

Le CRRMP va pourvoir examiner les éléments professionnels et médicaux du dossier (notamment les examens médicaux, les certificats médicaux, les données d'exposition professionnelle, etc..). Il dispose également de la faculté de demander des expertises complémentaires si nécessaire.

La compétence du CRRMP est définie suivant les règles d’attribution de compétence susmentionnée, seulement pour le régime général. A contrario, pour le régime agricole, le régime minier et les autres régimes spéciaux, le CRRMP auquel vous êtes rattaché est celui du siège de l’organisme de sécurité sociale du salarié. Il faut également comprendre que le CRRMP compétent peut être désigné par le directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie pour désengorger les comités et réduire les délais d’instruction des dossiers de demandes de reconnaissance de maladies professionnelles.

L’article D 461-28 du Code de la sécurité sociale dispose : « Par dérogation […], le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie peut donner compétence à un autre comité régional que celui du lieu où demeure la victime, pour une durée maximale de six mois, renouvelable dans les mêmes conditions […], afin d'améliorer le délai dans lequel l'avis mentionné à l'article L. 461-1 sera rendu. La victime est informée de cette décision dans le cadre de la notification mentionnée à l'article R. 461-10.»  

La composition du CRRMP  

Comment est composé le CRRMP ?

Votre dossier est étudié par un comité, composé de médecins experts des maladies liées à l’exercice professionnel. Conformément à l’article D 461-27 du Code de la sécurité sociale :

« Le comité régional comprend : 1° Le médecin-conseil régional mentionné à l'article R.315-3 du code de la sécurité sociale ou un médecin-conseil de l'échelon régional ou un médecin conseil retraité qu'il désigne pour le représenter ; 2° Le médecin inspecteur du travail mentionné à l'article L 8123-1 du Code du travail ou, en cas d'indisponibilité, un médecin particulièrement compétent en matière de pathologies professionnelles, en activité ou retraité 3° Un professeur des universités-praticien hospitalier ou un praticien hospitalier, particulièrement qualifié en matière de pathologie professionnelle nommé pour quatre ans et inscrit sur une liste établie par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé. »

Cet article a notamment été modifié par l’article 1 du décret n°2022-374 du 16 mars 2022, en permettant à des médecins retraités de faire partie du comité. Cela permet de réduire les délais et de traiter de plus dossier de demande de reconnaissance de maladies professionnelles.

Bon à savoir : Lorsque le comité est saisi dans les conditions prévues à l’article L 461-1 du même Code, il dispose de la faculté de rendre son avis en présence de seulement deux de ses membres. Si toutefois, les deux membres ne parviennent pas à un accord, le dossier est à nouveau soumis aux trois membres du comité. Ces professionnels de la santé au travail sont chargés de confirmer ou d’infirmer le lien entre la pathologie du salarié et l’exercice de sa profession. L’avis de ce comité s’impose à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).  

II. Les délais d’examen par le CRRMP et les voies de recours contre une décision du CRRMP  

Les délais d’examen d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle devant le CRRMP

L’article D 461-35 du Code de la sécurité sociale dispose que : « Le dossier, constitué conformément aux prescriptions de l'article D.461-34, est transmis par l'organisme ou l'administration gestionnaire au comité régional compétent qui dispose de quatre mois à compter de sa saisine pour rendre son avis motivé […] »

Aussi, le délai commun d’examen de votre demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle, par le CRRMP compétent, est de quatre mois. Il est important de savoir que ce délai peut être prolongé de deux mois additionnels lorsqu’une enquête complémentaire est diligentée.  Le délai d’examen peut donc aller jusqu’à six mois devant une première CRRMP.  

Le recours devant le pôle social du tribunal judiciaire  

Une fois la décision du CRRMP prise, l’assuré et l’employeur sont tous deux informés de l’acceptation ou du rejet de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle. Que vous soyez dans la position du salarié victime d’une maladie professionnelle ou dans celle de l’employeur, la décision du CRRMP peut ne pas vous satisfaire.

Dans ce cas de figure, vous avez la possibilité de contester l’avis du CRRMP en saisissant la commission de recours amiable (CRA), dans un délai de droit commun de deux mois à compter de la décision litigieuse. Si aucun accord amiable n’est trouvé, les deux parties peuvent saisir le pôle social du tribunal judiciaire qui peut requérir l’avis d’un deuxième CRRMP, préalablement au rendu de sa décision.

En effet, conformément à l’article R.142-17-2 du Code de la sécurité sociale, lorsque le litige « porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du huitième alinéa de l'article L. 461-1 ».

Le tribunal fait appel au CRRMP de la région la plus proche, après celui qui avait été initialement saisi. Les CRRMP se communiquent le dossier entre elles afin de faciliter le bon déroulement de la procédure. Le tribunal judiciaire fondera sa décision sur les conclusions des deux CRMMP et tranchera ainsi le litige, soit en faveur de l’assuré, soit en faveur de l’employeur.

Les juges sont libres de suivre les avis antérieurs ou de prendre une décision qui va dans le sens inverse. Dans les deux cas, ils sont tenus de motiver leur décision. La jurisprudence récente démontre bien que le juge n’est pas tenu de suivre les avis des CRRMP, même lorsque ceux-ci concordent (CA NANCY, 29 mars 2022, RG n° 21/02416).  

Le recours devant la chambre sociale de la Cour d’appel  

Les parties pourront attaquer les motivations fournies et interjeter appel de cette décision devant la chambre sociale de la Cour d’appel. En effet, l’article L.311-16 du Code de l'organisation judiciaire dispose qu’une « cour d'appel spécialement désignée connaît des litiges mentionnés au 7° de l'article L.142-1 du Code de la sécurité sociale ».

Ce recours doit être introduit à compter de la notification de la décision du tribunal judiciaire, dans un délai d’un mois maximum. Pour rendre sa décision, la Cour d’appel peut s’appuyer sur l’avis d’un troisième CRRMP, si un des avis précédents a fait l’objet d’une annulation. La Cour rend son arrêt en étudiant de nouveau l’ensemble du dossier depuis la première demande de reconnaissance de la maladie professionnelle.  

L’accompagnement et le conseil d’un avocat sont indispensables pour cette longue procédure. Le Cabinet ZENOU en droit de la sécurité sociale, à Paris 20ème, se tient à votre disposition pour vous accompagner tout au long de l’examen de votre demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle.