Le Conseil d’Etat précise les prérogatives du Bureau de conciliation et d’orientation

La réforme de la procédure prud'homale résultant de la loi n° 2015-990 du 06 août 2015 et du décret du 20 mai 2016 a sensiblement fait évoluer les prérogatives affectées au bureau de conciliation, depuis dénommé bureau de conciliation et d'orientation. Cette réforme a cependant soulevé des contestations dont certaines ont été portées devant de Conseil d’Etat.

La loi d’août 2015 a notamment introduit une nouvelle disposition dans le Code du travail, à savoir l’article L.1454-1-3 qui dispose que : « Si, sauf motif légitime, une partie ne comparaît pas, personnellement ou représentée, le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués. Dans ce cas, le bureau de conciliation et d’orientation statue en tant que bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l’article L. 1423-13 ».

Il ressort de cet article que le bureau de conciliation et d'orientation dispose de la faculté de juger une affaire en l'état, empruntant la composition restreinte du bureau de jugement, lorsque l'une des parties ne comparaît pas personnellement ou représentée et qu'elle ne fait pas état d'un motif légitime.

Le décret du 20 mai 2016 a apporté certaines précisions et a notamment transformé la faculté offerte au bureau de conciliation et d’orientation inscrite dans l’article L.1454-1-3 du Code du travail. Il est en effet mentionné à l’article R.1454-13 du Code du travail (4° de l’article 14 du décret de mai 2016) que lorsque le défendeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, le bureau de conciliation et d'orientation doit juger l’affaire en l’état des pièces et moyens contradictoirement communiqués par le demandeur. L’article précise aussi que le bureau ne peut renvoyer l’affaire à une audience ultérieure du bureau de jugement, réuni en formation restreinte, que pour s’assurer de la communication des pièces et moyens au défendeur.

 

Le caractère impératif de l’article R.1454-13 du Code du travail ayant été jugé comme un excès de pouvoir par l’organe règlementaire et par de nombreux praticiens, plusieurs requêtes ont été portées devant le Conseil d’Etat. Dans sa décision du 30 janvier 2019 (CE Contentieux, 30 janvier 2019, n° 401681), le Conseil d’Etat a annulé la seconde phrase de l’article R.1454-13 du Code du travail en estimant qu’elle méconnaissait l’article L.1454-1-3 du code du travail qui ne prévoit qu’une simple faculté pour le bureau de conciliation et d’orientation de juger une affaire en cas de non-comparution du défendeur sans motif légitime. Seule la faculté de juger que permet la loi est donc à prendre en compte.

En pratique, je constate que le bureau de conciliation et d'orientation est d'une nature frileuse.

Je n'ai encore jamais vu de décision sur le fond prise dès la phase de conciliation en l'absence du défendeur, auquel il est systématiquement donné une seconde chance par un renvoi de l'affaire en bureau de jugement.

Un tel couperet pour les employeurs aurait pourtant la vertu de les inciter à ce manifester rapidement en présentant des arguments et des pièces et donc de répondre à l'objectif du législateur de favoriser ce mode de règlement amiable.

Julien DAMAY