Selon le baromètre de l’institut Montaigne, une entreprise françaises sur deux rencontre des situations marquées par des actes, des comportements ou des demandes ayant une dimension religieuse.
Protégée par la Constitution et le droit international, la liberté religieuse fait partie des droits fondamentaux. Elle couvre la liberté de conscience et implique la liberté de manifester sa religion.
Cependant, elle doit s’articuler avec d’autres intérêts, notamment dans le cadre du droit du travail.
Dans le cadre professionnel, elle peut être encadrée pour préserver l’organisation de l’entreprise.
Pour rappel, dans le domaine public, le principe de laïcité implique que les agents du service public se doivent d’être neutres et ne pas montrer pas leur appartenance à une religion. Cependant, ce principe n’est pas applicable en droit privé, excepté s’ils ont la charge de la gestion d’un service public (Soc. 19 mars 2013, no 11-28.845). Ainsi, le salarié d'une entreprise privée est par principe libre d'afficher et d’exprimer ses convictions religieuses. Toutefois, il existe des tempéraments à cette liberté.
I/ L’interdiction de la discrimination fondée sur les convictions religieuses
- Interdiction de la discrimination à l’embauche
Lors de l’entretien d’embauche, l’employeur a pour interdiction de poser des questions relatives aux convictions religieuses des candidats. Ces derniers sont donc libres de ne pas y répondre. Par exemple, un ouvrier est libre de ne pas révéler sa qualité de pasteur lors de son embauche.
Également, il ne peut pas écarter un candidat d’une procédure de recrutement pour ses convictions religieuses réelles ou supposées (Art. L1132-1 du code du travail).
L’employeur s’expose par ailleurs à des sanctions civiles (amendes, indemnisations) et pénales (amendes et peine d’emprisonnement) en cas de discrimination à l’embauche.
- Pendant l’exécution du contrat : Interdiction des sanctions disciplinaires ou mesures discriminatoires
Le salarié ne peut pas faire l'objet de sanctions disciplinaires ou de mesures discriminatoires en raison de ses opinions politiques ou de ses convictions religieuses (Article L1132-3 du code du travail). Il découle de cette interdiction que le salarié peut librement exprimer ses croyances religieuses au sein de son entreprise, sans craindre de mesures discriminatoires ou de procédures disciplinaires à son encontre.
Cela signifie que vous avez le droit de :
- ✅ Porter un vêtement ou un signe religieux discret,
- ✅ Demander un congé pour une fête religieuse (l’employeur peut le refuser pour raisons organisationnelles légitimes),
- ✅ Demander un aménagement d’horaires pour pratiquer votre religion,
- ✅ Jeûner pendant le ramadan, sans que cela puisse justifier un licenciement.
En revanche, le droit positif permet de sanctionner les comportements excessifs :
- Le salarié ne peut se soustraire aux obligations de son contrat de travail pour des raisons religieuses. Dans un arrêt de cassation, il a été jugé qu’un employé au rayon boucherie d’un magasin alimentaire ne peut refuser de toucher à de la viande de porc en raison de sa confession (Soc., 24 mars 1998, n°95-44738).
- Le salarié ne peut se livrer à des actes de prosélytisme. Ainsi, il ne doit pas chercher à convertir les autres salariés à sa religion ou à influencer leurs croyances réelles ou supposées, leur athéisme (attitude consistant à ne pas croire en l’existence de Dieu, ou leur agnosticisme (L’agnostique est celui que ni ne croit ni ne croit pas : il doute, il s'interroge, il hésite, ou bien il refuse de choisir).
II/ Les limites de la liberté religieuse en entreprise
- La clause de neutralité : un outil de l’employeur pour prévenir et anticiper
L’employeur a la possibilité d’insérer une clause de neutralité au sein du règlement intérieur de l’entreprise et d’ainsi encadrer la liberté religieuse de ses salariés. Cependant, elle doit être nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise et proportionnée au but recherché (Article L1321-2-1 du code du travail).
Exemple : Peut être interdit le port d’un vêtement religieux qui annihile l’utilité d’un équipement de protection et qui serait donc dangereux pour la santé du salarié et de ses collègues.
Il est conseillé d’allier cette clause de neutralité d’une charte ou un guide afin d’expliquer le but de cette neutralité aux salariés.
Pour les salariés, le non-respect de cette clause peut mener à un licenciement pour faute.
- Les restriction répondant à une exigence professionnelle essentielle et déterminante
En l’absence de neutralité, une restriction à la liberté religieuse peut être légitime si elle répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. L’exigence doit être objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle. Il revient à l’employeur d’en apporter la preuve (Cass. Soc. 8 juillet 2020, 18-23743). Le porte de signes, de bijoux, de certains vêtements, de couvre-chef peut être objectivement incomptable avec le poste.
- Les entreprises de tendance
Les entreprises dont leur finalité est fondée sur la religion ou les convictions, sont dites de tendance. Dans ce genre d’entreprise, notamment lorsqu'elles poursuivent une finalité idéologique ou religieuse déterminante, et que cela constitue une exigence essentielle et déterminante, légitime et justifiée eu égard à l’éthique de l’organisation. Ainsi, il peut être porté atteinte à la liberté religieuse. Exemple : salarié d’une école privée catholique (ou d’une autre religion) sous contrat, d’un diocèse ou d’un lieu de culte, de structures caritatives gérées par des associations religieuses, de médias ou organisme de presse à identité religieuse.
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