- Obligation pour l'employeur de verser une indemnité de déplacement au représentant du personnel
Une circulaire interne PERS 793 du 11 août 1982 prévoit en l’espèce le versement d’une indemnité de déplacement à certains salariés dans le cadre de l’exercice de leur métier.
Cette indemnité est forfaitaire et doit être versée même sans justificatif de déplacement.
Or, en l’espèce, l’employeur ne voulait pas verser cette indemnité à un délégué du personnel.
Il a saisi les Tribunaux qui lui ont donné raison et la Cour de Cassation a estimé que l’exercice de la fonction de réprésentant du personnel ne devait pas priver le salarié de cette indemnité considérée comme un complément de salaire :
« L’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire ou d’avantage pour le représentant du personnel. »
L'employeur est ainsi condamné à verser un rattrapage d’indemnités pour entrave aux fonctions représentatives et syndicales.
(Cass. soc. 25 Novembre 2015, n°14.15148).
- Mission de consultation et d’information du CE : attention aux délais
Le Comité d’entreprise dispose, en vertu l’article L.2323-1 du Code du travail, d’une mission générale d’information et de consultation.
Il peut solliciter l’avis du CHSCT. Sa mission est cependant encadrée dans certains délais, spécialement si d’autres instances sont saisies pour cette consultation.
L'article R. 2323-1-1 du Code du travail énonce ainsi que :
" Pour les consultations mentionnées à l'article R. 2323-1, à défaut d'accord, le comité d'entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date fixée à cet article.
En cas d'intervention d'un expert, le délai mentionné au premier alinéa est porté à deux mois.
Le délai mentionné au premier alinéa est porté à trois mois en cas de saisine d'un ou de plusieurs comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et à quatre mois si une instance de coordination des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est mise en place à cette occasion, que le comité d'entreprise soit assisté ou non d'un expert.
L'avis du ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est transmis au comité d'entreprise au plus tard sept jours avant l'expiration du délai mentionné au troisième alinéa."
Que se passe-t-il si le CHSCT ne respecte pas ce délai de 7 jours ?
La Cour d’Appel de VERSAILLES a estimé que ce délai était impératif et liait le Comité d’entreprise.
Ce qui signifie qu’en l’absence de tout avis du CHSCT dans le délai fixé (en l’espèce en raison de la non communication par l’employeur d’une liste de salariés devant faire l’objet de mobilité suite à la fusion de deux sociétés), le Comité d’entreprise est réputé, en vertu du dernier article précité, avoir rendu un avis négatif.
(CA Versailles n° 14/09234, 4 juin 2015)
- Recours à un expert par le CHSCT et information préalable de l’employeur ?
Dans le cadre de ses fonctions, le CHSCT peut faire appel à un expert, en vertu l’article L. 4614-12 du Code du travail, lequel précise :
« Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :
1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ;
2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1. »
Par ailleurs, l'article R. 4614-3 du Code du travail dispose que " L'ordre du jour de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et, le cas échéant, les documents s'y rapportant sont transmis par le président aux membres du comité et à l'inspecteur du travail quinze jours au moins avant la date fixée pour la réunion, sauf cas exceptionnel justifié par l'urgence."
Est-ce à dire que de son côté, le CHSCT est obligé de communiquer à l’employeur son projet de délibération consistant à recourir à un expert, et ce préalablement à la réunion ?
Dans le cas d'espèce, le CHSCT s’est vu reprocher par l’employeur de ne pas avoir communiqué son projet de délibération visant à recourir à un expert en vue de réaliser « une étude détaillée des situations de travail susceptibles de constituer un risque grave pour la santé physique et mentale au travail, aider le CHSCT à formuler des propositions de mesures de prévention en matière de santé et de sécurité au travail et de prendre toutes autres initiatives permettant d'éclairer le CHSCT sur les particularités de ces situations de travail ».
La société en contestait tant la régularité que le bien-fondé. A tort, selon la Cour de cassation, qui a jugé que ce projet de délibération ne faisait pas partie des documents nécessitant un examen préalable et un envoi avec l’ordre du jour.
D’autre part, les Juges avaient vérifié que « l’avis de chaque membre du CHSCT avait été recueilli sur le projet de résolution, laquelle précisait sans ambiguïté la mission de l’expert. »
Sur le fond, les Juges ont relevé l’existence d’un risque grave au sens de l’article L. 4614-12 du Code du travail (Cass. Soc. 25 nov. 2015, n° 14-15.815)
Un arrêt similaire avait déjà été rendu en ce sens (Cass. Soc. 19 nov. 2014, n° 13-215.23)
- Désignation d’un représentant syndical au CE
Selon l’article L. 2324-2 du code du Code du travail : « Sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, prévues à l'article L. 2143-22, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité. Il assiste aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au comité d'entreprise fixées à l'article L. 2324-15. »
Cet article, modifié par la loi du 05 mars 2014, est ambigu en ce qu’il ne précise pas à quel niveau la représentativité du syndicat doit s'entendre, et a suscité des controverses au sein des Tribunaux d’instance.
La question est finalement réglée par la Cour de Cassation, laquelle relève « qu’ayant constaté que le syndicat SUD de la RATP, bien que représentatif au niveau de l’entreprise, ne l’était pas au niveau de l’établissement GDI, pour ne pas avoir recueilli au moins 10 % des suffrages lors de l’élection des membres du comité d’établissement, le tribunal d’instance a exactement décidé que ce syndicat ne pouvait pas désigner une représentant au sein du comité d’établissement » (Cass. Soc. 08 juillet 2015, n°14-60.726)
Autrement dit, lorsqu'un syndicat est représentatif au niveau de l'entreprise, mais non au niveau de l'établissement, il ne peut pas désigner un représentant au sein du comité d'établissement.
- Exemples de délits d'entrave
L'article L. 2328-1 du Code du travail dispose que " Le fait d'apporter une entrave soit à la constitution d'un comité d'entreprise, d'un comité d'établissement ou d'un comité central d'entreprise, soit à la libre désignation de leurs membres, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 7 500 €.Le fait d'apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d'une amende de 7 500 €. "
L'article L. 4742-1-1 du Code du travail dispose que :
"Le fait de porter atteinte ou de tenter de porter atteinte soit à la constitution, soit à la libre désignation des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, notamment par la méconnaissance des dispositions du livre IV de la deuxième partie relatives à la protection des représentants du personnel à ce comité, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 7 500 €. Le fait de porter atteinte au fonctionnement régulier du comité est puni d'une amende de 7 500 €. "
Voici quelques exemples de délits d'entrave :
1 - Le fait pour un Conseil d'administration d'une association (l'UCPA) de rendre une délibération sur la fermeture définitive d'un centre sportif en Guadeloupe avant la fin de la consultation du Comité d'entreprise.
Et d'avoir ainsi approuvé le 27 mai le projet de plan de désengagement du centre sportif et autorisé le directeur général d'effectuer toutes démarches et de signer tous actes nécessaires à la réalisation de cette opération, et de n'avoir commencé à consulter le CE que le 18 mai , consultation qui s'est poursuivie jusqu'au 15 septembre suivant, soit bien après la décision de fermer le site.
Il y entrave au fonctionnement régulier du CE.
Outre la sanction pour délit d'entrave, le CE a obtenu des dommages-intérêts, fixés à 2 000 euros (Cass. crim., 30 mars 2016, n°15-80.117).
2- La décision de déménagement prise par une société avant d'engager la procédure d'information et de consultation du Comité d'entreprise.
Une société d'ingénierie informatique a dénoncé le bail de ses locaux le 28 octobre, et n'a convoqué le CE que le 6 décembre pour une procédure d'information et de consultation en rapport avec son projet de déménagement des salariés sur de nouveaux sites.
La décision de déménagement était pourtant devenue définitive avant que le CE soit informé et consulté sur les restructurations, puisque la dénonciation du bail entraînait des regroupements et des modifications des conditions de travail des salariés résultant de ce transfert.
Il y a donc délit d'entrave au bon fonctionnement du CE, lequel, outre la sanction pénale, a obtenu des dommages-intérêts de 3 000 euros
(Cass. crim., 15 mars 2016, n°14-85.078).
3- La décision d'une société d'ameublement d'engager des travaux et la réorganisation des conditions de travail résultant d'un nouveau concept d'implantation de la surface de vente du magasin (agrandissement du magasin, extension des produits de vente, vente "libre" de produits n'ouvrant pas droit à rémunération pour les vendeurs) avant que le CHSCT ne soit concerté.
En l'espèce, l'employeur avait été informé de la mise en place du nouveau concept en novembre 2008 et pris connaissance des plans le 26 mars 2009, alors que le CHSCT n'a été consulté que le 27 avril 2009.
Il s'agissait d'une décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail nécessitant la consultation préalable du CHSCT en application de l'article L. 4612-1 du Code du travail.
Il y a donc délit d'entrave au fonctionnement du CHSCT. Outre la sanction pour délit d'entrave, le CHSCT a obtenu des dommages-intérêts de 3 000 euros en l'espèce.
(Cass. crim., 30 mars 2016, n°13-81.784).
- Consultation du CE sur les orientations stratégiques de l’entreprise : illustration
L’article L. 2323-10 du Code du travail dispose :
« Chaque année, le comité d'entreprise est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Cette consultation porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et sur les orientations de la formation professionnelle.
Le comité émet un avis sur les orientations stratégiques de l'entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre.
La base de données mentionnée à l'article L. 2323-8 est le support de préparation de cette consultation. [Une base de données économiques et sociales, mise régulièrement à jour]
Le comité d'entreprise peut se faire assister de l'expert-comptable de son choix en vue de l'examen des orientations stratégiques de l'entreprise. Cette possibilité de recours à l'expert-comptable ne se substitue pas aux autres expertises. Par dérogation à l'article L. 2325-40 et sauf accord entre l'employeur et le comité d'entreprise, le comité contribue, sur son budget de fonctionnement, au financement de cette expertise à hauteur de 20 %, dans la limite du tiers de son budget annuel. »
Le CE de l’UES du groupe MARKEM-IMAJE (MI) a ainsi pu obtenir pour lui-même du Tribunal des informations précises sur le groupe :
- Evolution des ventes en unité par gamme et produit par zone géographique et pour la France,
- évolution des parts de marché de MI et des principaux concurrents en unité et en CA au niveau global et en France,
- analyse de l’évolution du marché global du marquage codage avec une projection à trois ans sur le groupe,
- projections des ventes 2017 et 2018 en unités par gamme de produit,
- le CA prévisionnel par nature par région en France,
- le plan de développement « produits » à trois ans concernant l’ensemble des produits de la gamme MI du groupe,
- le plan de production détaillé pour 2016 et les perspectives pour 2017 et 2018 ;
(TGI Valence, ordonnance de référé du 25 janvier 2016, n°16-00036)
Cette décision de justice semble marquer ainsi la volonté croissante des Tribunaux
d’impliquer les représentants du personnel en amont des décisions de l’employeur par l’étude détaillée du contexte économique du groupe et plus seulement de l’entreprise, et cela indépendamment du recours à l’expert-comptable, lequel a également été saisi en l’espèce.
Cela en conformité avec les objectifs de l’accord national interprofessionnel (ANI) signé le 11 janvier 2013 : « Comprendre la stratégie de l’entreprise » et « anticiper les conséquences de cette stratégie »
Sources : ELNET Social et Cahiers sociaux du Barreau
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