Depuis près d’un mois, les Français apprennent, contraints, à vivre différemment, à réorganiser leur vie personnelle et professionnelle.

En cette période difficile, beaucoup de questions surgissent, notamment juridiques.
Toutefois, très peu d’informations ont circulé concernant un pan de notre droit qui touche tristement de plus en plus de nos concitoyens : le droit des successions.

Lorsque l’on est douloureusement touché par le deuil d’un être cher, les démarches qui s’ensuivent peuvent paraître secondaires, elles sont toutefois indispensables.

De nombreuses questions apparaissent et la réponse à y apporter, déjà complexe en temps normal, peut paraître insurmontable en période de confinement alors qu’à la douleur, s’ajoutent de nouveaux obstacles qui s’imposent à nous, jour après jour : funérailles restreintes, administrations fermées, offices notariaux ne recevant plus de public, banque en service restreint…

Nous vous proposons une petite foire aux questions afin de répondre aux interrogations les plus courantes et de soulager un peu la charge mentale et émotionnelle qui repose sur vous.

1. Quelles sont les premières démarches à accomplir au décès d’un proche ?

Le règlement d’une succession commence par une phase administrative.

Si le décès n’a pas lieu dans un établissement de santé, il faut faire venir un médecin qui établira un certificat de décès. Il faut ensuite, dans les 24 heures, déclarer le décès à la mairie du lieu du décès, laquelle vous délivrera un acte de décès.

En cette période troublée, les mairies maintiennent leurs services d’état civil, c’est d’ailleurs bien souvent le seul service toujours en activité.

Vous devez ensuite organiser les obsèques en respectant les dernières volontés du défunt.

Certains désaccords peuvent intervenir à ce stade entre les proches du défunt. A défaut de terrain d’entente, il faudra engager une procédure judiciaire en urgence pour qu’un juge tranche les désaccords.

S’ensuivent ensuite différentes démarches chronophages mais indispensables : envoyer l’acte de décès aux banques qui bloqueront les comptes du défunt, prévenir l’employeur ou les caisses de retraites, la CAF, résilier certains abonnements….

2. Dans quels délais doivent être célébrées les obsèques ?

En temps normal, le délai pour célébrer des obsèques est de 6 jours.

Toutefois compte tenu de la crise sanitaire actuelle, un arrêté est venu allonger le délai pour procéder à l’inhumation ou à la crémation du défunt à 21 jours ou plus avec l’accord du préfet.

L’arrêté prévoit également la possibilité pour les familles qui souhaiteraient disposer d’un délai supplémentaire, de déposer la dépouille dans un cercueil hermétique qui pourra être conservé pendant une durée de 6 mois dans un dépositoire.

3. Combien de personnes peuvent assister aux obsèques ?

En temps normal aucune règle ne vient limiter le nombre de personne pouvant assister aux obsèques.

A l’heure actuelle, les cérémonies funéraires dans les cimetières doivent être limitées à 20 personnes, employés des pompes funèbres compris.

Dans les crématorium, le nombre est plus réduit sans pour autant qu’un texte ne soit intervenu pour en préciser les modalités.

4. Vais-je devoir quitter mon domicile suite au décès de mon conjoint, partenaire, concubin ?

La réponse à cette question dépend de beaucoup de paramètres et notamment de votre lien de droit sur votre logement.

Dans tous les cas, sachez que vous disposez d’un droit de jouissance gratuit sur le logement et les meubles pendant une année à compter du décès et ce, que vous ayez été marié ou pacsé.

Si le logement était une location, c’est la succession qui paiera les loyers pendant cette durée d’un an.

En revanche, il faut préciser que les concubins ne peuvent bénéficier de ce droit et peuvent dès lors être contraints par les héritiers de quitter les lieux.

Si le défunt était propriétaire de votre résidence principale, le mariage vous protège au-delà du délai d’un an car le conjoint survivant peut demander un droit d’usage et d’habitation viager sur son domicile ainsi que le mobilier à condition d’en faire la demande dans l’année du décès.

Ce droit viager sera valorisé dans le cadre du règlement de la succession et viendra en déduction des droits recueillis par le conjoint survivant. Si la valeur de ce droit d’usage est supérieure au droit du conjoint survivant dans la succession, ce dernier ne devra toutefois rien reverser aux héritiers.

Pour autant, ce droit n’est ouvert que si le défunt était propriétaire du logement seul ou avec son conjoint.

Enfin, ce droit d’usage et d’habitation sur le logement du défunt n’existe pas pour les couples pacsés ou les concubins.

Si le défunt était locataire de votre résidence principale, vous disposez d’un droit au transfert du bail à votre bénéficie.

Ce droit prévu par la loi s’applique que vous soyez marié, pacsé ou en concubinage.

Pour en bénéficier le concubinage doit toutefois être notoire et les concubins devaient vivre depuis plus d’une année ensemble dans le logement.

5. Suis-je obligé de prendre un notaire pour régler une succession ?

L’intervention du notaire pour régler une succession n’est obligatoire que pour l’établissement de l’acte de notoriété et ce uniquement si le montant de l’actif successoral est supérieur à 5.333 €.

L’acte de notoriété est le premier acte établi dans le règlement d’une succession, il vise à dresser la liste des héritiers.

Toutefois, en dessous de ce montant, cet acte peut être établi en mairie, il s’appelle alors certificat d’hérédité.

Pour la suite du règlement de la succession, l’intervention du notaire n’est obligatoire que dans 3 situations :

  • Quand la succession contient un ou plusieurs bien immobilier ;
  • En présence d’un testament ;
  • En présence d’un contrat de mariage ou d’une donation.

En dehors de ces cas, vous pouvez gérer seul la succession.

Toutefois il vous faut savoir qu’à compter de 50.000 € d’actif successoral (3000 € quand il n’y a pas d’enfant ou de conjoint survivant), vous êtes contraint de déposer une déclaration de succession aux services des impôts.

Si cet acte très important n’a pas obligatoirement à être notarié, sa complexité conduit bien souvent à se tourner vers le notaire.
Le choix du notaire est alors capital.

6. Pourquoi avoir recours à un avocat en droit des successions ?

L’avocat peut tout d’abord vous recommander des notaires avec lesquels il a l’habitude de travailler et dont il connaît les compétences, si vous n’en connaissez pas vous-même.

Cela facilitera et fluidifiera le règlement de la succession d’autant qu’avocat et notaire parlent la même langue difficilement compréhensible pour un profane.

Force est d’ailleurs de reconnaître que si les études notariales n’accueillent actuellement plus de public, elles continuent toutefois de traiter les dossiers et d’échanger avec leurs interlocuteurs directs, notamment les avocats.

L’intervention de l’avocat devient indispensable quand les héritiers s’opposent ou tout simplement quand des doutes sont émis par certains héritiers concernant la gestion ou l’étendue du patrimoine du défunt.

Le notaire, même s’il est désigné par une partie des héritiers seulement et intervient à la succession en concours d’un de ses confrères, est tenu d’un devoir de conseil vis à vis de l’ensemble des parties.

Tenu au secret professionnel, l’avocat ne conseille que vous !

Il sera à même de vous accompagner pour vous aider à reconstituer au plus juste le patrimoine du défunt afin de déterminer vos droits.

Il vous expliquera également ce qui peut ou non être rapporté à la succession.

Il engagera une discussion avec le notaire et/ou la partie adverse afin de tenter de parvenir à un accord pour régler amiablement la succession.

Enfin, en cas de désaccords concernant la proposition de règlement de la succession, l’avocat est le seul à pouvoir engager une procédure en partage judiciaire devant les tribunaux.

Une fois le jugement rendu et sous réserve de voies de recours, le juge renverra la succession devant un notaire afin qu’il la liquide et règle les désaccords conformément à ce qui aura été tranché dans le jugement.

Ce notaire sera le plus souvent différent de celui initialement choisi.

A l’inverse, l’avocat qui vous a accompagné depuis l’ouverture de la succession continue de vous représenter dans la phase d’application du jugement.

Il est alors le seul à disposer de l’ensemble des éléments et informations depuis l’ouverture de la succession jusqu’à sa liquidation.

7. Comment engager une procédure judiciaire en période de confinement ?

Le confinement n’empêche pas la constitution des dossiers ou encore la rédaction des actes de procédure.

Les avocats continuent à régulariser leur travail auprès des tribunaux via un service de messagerie sécurisée. Ils continuent également à échanger avec leurs interlocuteurs que ce soit leurs confrères ou les notaires.

Seules les réunions physiques sont interdites.

En revanche, vous pouvez parfaitement échanger avec votre avocat par téléphone et lui adresser les documents dont vous disposez par voie dématérialisée.

Il n’y a donc aucune raison de reporter à l’après confinement le traitement d’un dossier.

La seule difficulté tient à la signification par huissier des actes de procédure car les huissiers ne délivrent actuellement plus d’acte (sauf cas d’extrême urgence).

Or, l’acte d’huissier est celui qui vient interrompre ce que les juristes appellent la « prescription ».
La prescription est le délai au-delà duquel vous ne pouvez plus agir en justice pour demander la reconnaissance d’un droit.

La crise sanitaire actuelle risquait donc de conduire à l’extinction des droits de nombreux de nos concitoyens du seul fait du confinement

Pour y remédier, le gouvernement a publié le 25 mars 2020 une ordonnance qui prévoit, en son article 2, la suspension de nombreux délais et notamment les délais de prescription.

Dès lors, si le délai qui vous était ouvert pour agir en justice expire pendant le confinement, ne vous inquiétez pas, vos droits sont maintenus jusqu’à un délai d’un mois suivant la levée de l’état d’urgence sanitaire qui est actuellement fixé au 24 mai 2020.

8. Puis-je attendre la fin du confinement pour m’occuper de la succession de mon proche ?

Les délais étant suspendus pendant l’état d’urgence sanitaire, il est légitime de vouloir se concentrer sur d’autres choses et de reporter à l’après confinement la gestion d’un sujet aussi douloureux.

Pour autant, ce serait une grave erreur !

En effet, il est un domaine capital du droit des successions non pris en compte par l’ordonnance du 25 mars 2020, c’est celui des délais de dépôt des déclarations de succession.

Cet acte qui a pour finalité d’établir l’état et la valeur du patrimoine successoral afin de déterminer notamment les droits de succession prélevés par l’Etat doit impérativement être enregistré au service des impôts dans un délai de 6 mois suivant le décès (1 an en cas de décès hors de France métropolitaine) si le montant de la succession est supérieur à 50.000 € (3.000 € quand il n’y a pas d’enfant ou de conjoint survivant).

Ainsi que ce soient les successions ouvertes avant le confinement ou pendant celui-ci, il est impératif de travailler à la finalisation de ce document complexe et capital et ce, même en période de confinement.

Le non-respect des délais précités est sanctionné par une pénalité de 0,4% des droits de succession par mois de retard outre une majoration de 10% à compter de 12 mois ce qui, les mois passant, peut s’avérer très coûteux.

Or, rien dans l’ordonnance du 25 mars 2020 n’est prévu pour reporter ou suspendre ces pénalités en période de confinement, elles devraient donc continuer à courir.

Des solutions peuvent être mises en place, puisqu’à défaut d’accord des héritiers sur le projet d’acte, l’administration fiscale semble estimer que le versement d’acompte chez le notaire permet d’arrêter le compteur des pénalités.

Mais cela ne permet pas de faire avancer le règlement de la succession.

Il faut donc manier habilement les tenants et aboutissants de la déclaration de succession car des biens omis conduiront à des déclarations rectificatives avec les incidences fiscales qui s’imposent voire à des actions en recel successoral.

En outre, la rédaction de la déclaration de succession nécessite préalablement de liquider le régime matrimonial du défunt si celui-ci était marié, ce qui peut s’avérer également très complexe.

L’avocat est à vos côtés pour vous conseiller dans cette étape importante du règlement d’une succession.

Disposant de l’ensemble des éléments de la succession, il pourra vous conseiller sur vos droits et les risques encourus.

Il pourra également vous alerter sur les anomalies qu’il viendrait à découvrir et vous orienter dans les investigations à mener pour arrêter au plus juste le patrimoine du défunt et partant vos droits.

Plus le travail sera réalisé en amont, plus les chances de parvenir rapidement à un règlement amiable de la succession seront grandes.

Ainsi, vous l’aurez compris, en cette période endeuillée, les questions sont nombreuses alors que le nombre de décès ne cesse malheureusement de croître.
Alors que beaucoup réfléchisse au monde d’après, pour d’autres la gestion du présent se rappelle cruellement à eux, sans relâche.

https://www.village-justice.com/articles/faq-les-successions-periode-confinement,34856.html