Lorsqu’il s’agit de lutter contre les constructions irrégulières, l’action civile en référé s’avère particulièrement opportune et efficace pour les communes. Les jurisprudences récentes de la Cour de cassation le démontrent (Cass. civ., 20 mars 2025, n°23-11.527 ; Cass. civ., 27 mars 2025, n° 22-12787).
Mais voilà que la Cour d’appel d’Aix-en-Provence vient ajouter une pierre à l’édifice. Dans un arrêt du 18 septembre 2025 (n°24/12298), elle indique que dans le cadre d’un référé introduit sur le fondement de l’article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, les mesures conservatoires ou de remise en état sollicitées ne sont soumises à aucun délai de prescription.
En l’espèce, la commune de Roquette-sur-Siagne faisait grief à deux sociétés d’avoir procédé, sans autorisation, à des aménagements, installations et constructions sur des parcelles situées en zone naturelle (N), en méconnaissance des prescriptions du règlement du plan d’urbanisme local (PLU) et du plan de prévention des risques incendie de forêt (PPRIF).
La commune a fait assigner les deux sociétés devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse, sur le fondement de l’alinéa 1er de l’article 835 du code de procédure civile, afin que des mesures de démolition, de suppression et d’interdiction soient ordonnées pour faire cesser le trouble manifestement illicite et le dommage imminent subis.
Par une ordonnance du 20 août 2024, le tribunal judiciaire de Grasse a condamné les sociétés à restituer aux parcelles une destination conforme aux prescriptions du règlement du PLU.
Les sociétés ont interjeté appel de cette ordonnance. Elles se prévalaient de la prescription décennale prévue à l’article L.480-14 du code de l’urbanisme. Elles soutenaient en effet que les constructions édifiées sur les parcelles existaient depuis plus de dix ans.
La Cour d’appel rejette le moyen en affirmant que l’action de la commune ne se fonde pas sur l’article L.480-14 du code de l’urbanisme, mais sur l’article 835, alinéa 1, du code de procédure civile. Dans ce cadre, les mesures conservatoires ou de remise en état sollicitées « ne sont soumises à aucun délai de prescription ». L’inopposabilité de la prescription décennale tient, selon la Cour d’appel, à la différence d’objet entre les mesures de remises en état et de l’action en démolition :
« En effet, la mesure de remise en état sollicitée, qui vise à mettre fin à un trouble manifestement illicite et un dommage imminent tenant à des constructions irrégulières, a un objet différent de l'action en démolition, conduisant au prononcé d'une mesure définitive, et non provisoire, qui aurait pu être exercée devant le juge du fond en application de l'article L 480-14 du code de l'urbanisme »
Et d’en déduire :
« Ainsi, même à supposer que l'action au fond qu'aurait exercée la commune à l'encontre de la société Immobiliare pouvait être considérée par le juge du fond comme étant prescrite, il n'en demeure pas moins que l'action en référé exercée sur le fondement de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile n'est pas, en elle-même ou en soi, irrecevable directement par l'effet d'une prescription. »
Il n’y a donc pas lieu, comme l’a fait le juge de première instance, d’apprécier la prescription soulevée, comme une fin de non-recevoir de la mesure de remise en état sollicitée, mais comme un moyen tenant à l’absence de trouble manifestement illicite et/ou de dommage imminent pouvant faire obstacle à la mesure sollicitée.
Lien vers la décision : Décision Cour d'appel d'Aix-en-Provence : RG n°24/12298 | Cour de cassation
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