D'après l’article 15 de la directive 2002/58/CE, telle que modifiée par la directive 2009/136/CE, interprétée à la lumière des articles 7, 8, 11 et 52 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) impose des garanties strictes lorsqu’une mesure autorise la collecte en temps réel de données de localisation.
La CJUE précise notamment dans ses décisions du 6 octobre 2020 (La Quadrature du Net, e.a., French Data Network e.a., C-511/18, C-512/18, C-520/18) que :
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Une telle mesure doit être prévue par la loi et reposer sur des critères objectifs et non discriminatoires.
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Seules les personnes ayant un lien avec l’objectif poursuivi (par exemple, la prévention du terrorisme) peuvent être visées.
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La collecte en temps réel doit être strictement nécessaire.
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Un contrôle préalable doit être effectué avant la mise en œuvre de la mesure, par une juridiction ou une autorité administrative indépendante dont la décision a un effet contraignant.
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En cas d’urgence dûment justifiée, ce contrôle peut intervenir rapidement après le début de la mesure.
Dans un arrêt du 2 mars 2021 (H.K./Prokuratuur, C-746/18), la CJUE a également jugé que le ministère public n’est pas une autorité indépendante au sens du droit de l’Union pour ce type de contrôle. En effet :
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Le procureur dirige l’enquête et exerce l’action publique ; il n’agit donc pas en arbitre impartial mais comme partie au procès.
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Même soumis à des obligations légales et déontologiques, il ne dispose pas du détachement nécessaire pour être considéré comme un « tiers » indépendant.
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Par conséquent, il ne peut pas assurer le contrôle préalable exigé par le droit de l’Union.
En France, la Cour de cassation (Crim., 12 juill. 2022, n° 21-83.710) a appliqué cette jurisprudence en déclarant contraires au droit de l’Union certaines dispositions du code de procédure pénale (articles 60-1, 60-2, 77-1-1 et 77-1-2, version applicable à l’époque) uniquement dans la mesure où elles permettaient au procureur, ou à la police agissant sur ses instructions, d’accéder à des données de trafic ou de localisation sans contrôle préalable par une juridiction ou une autorité administrative indépendante.
Une mesure de géolocalisation en temps réel d'une ligne téléphonique autorisée par le seul Procureur de la République est donc contraire au droit de l'union et sera annulée dès lors qu'il est fait la démontration d'un grief.
La Cour de Cassation (Crim., 27 févr. 2024, n° 23-81.061) précise qu'un " tel grief n'est caractérisé que lorsque l'accès à ces données [la géolocalisation en temps réel de la ligne téléphonique, ndlr] n'a pas été circonscrit à une procédure relevant de la lutte contre la criminalité grave ou a excédé les limites du strict nécessaire"
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