Selon l’article L. 551-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,
« Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile, au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, comprennent les prestations et l'allocation prévues aux chapitres II et III ».
Conformément à l’article 2 g) de la Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, les conditions matérielles d’accueil recouvrent « les conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournis en nature ou sous forme d'une allocation financière ou de bons, ou en combinant ces trois formules, ainsi qu'une allocation journalière ».
Les conditions matérielles d’accueil sont proposées à chaque demandeur d’asile par l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) après l’enregistrement de sa demande d’asile par l’autorité compétente.
Par conséquent, tout demandeur d’asile, qu’il se trouve en procédure normale ou « Dublin » (en application du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013) doit bénéficier d’un hébergement et de l’allocation pour demandeur d’asile, après évaluation de sa vulnérabilité par l’OFII et à la condition qu’il ait accepté l’offre de prise au titre du dispositif national d’accueil et qu’il remplisse les conditions d’âge et de ressources visées par l’article D. 553-3 du code susvisé (en substance, être majeur et avoir des ressources inférieures au revenu de solidarité active).
Toutefois, selon L. 551-15 du code susvisé,
« Les conditions matérielles d'accueil peuvent être refusées, totalement ou partiellement, au demandeur dans les cas suivants :
1° Il refuse la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 551-3 ;
2° Il refuse la proposition d'hébergement qui lui est faite en application de l'article L. 552-8 (…) »
C’est ainsi et souvent sans en comprendre les conséquences qu’un demandeur d’asile peut, à l’occasion de son entretien individuel avec l’OFII, refuser, en toute bonne foi, une proposition d’hébergement qui lui est faite (au motif qu’il est temporairement hébergé chez un proche notamment), ou une orientation dans une autre région déterminée conformément à l’article L. 551-3.
L’intéressé, bien qu’assisté d’un interprète mais intervenant par la voie des télécommunications, ce qui peut engendrer des difficultés de communication, comprend la plupart du temps, qu’il ne s’agit que d’une « suggestion » (les textes parlent en effet de « proposition » d’hébergement).
La machine s’enclenche et le demandeur d’asile se voit alors notifier un refus total d’attribution des conditions matérielles d’accueil, qu’il sera difficile de contester par la suite.
Non seulement il ne pourra plus prétendre à un hébergement, en dépit du caractère précaire de celui dont il bénéficiait éventuellement au moment de son entretien avec l’OFII, mais il sera privé de l’allocation pour demandeur d’asile, dont le montant est fixé à l’article D. 553-8 (6.80 euros journalier pour une personne + un montant additionnel pour le demandeur n’ayant pas obtenu d’hébergement).
Le tribunal administratif de Paris vient, par un jugement du 21 février 2023 n°2224240, d’apporter un bémol à l’application stricte de ces dispositions.
En l’espèce, une ressortissante nigérienne, dont la demande d’asile était en cours auprès de l’office français de protection des réfugiés et apatrides, avait fait l’objet d’une décision de refus des conditions matérielles d’accueil après avoir refusé une orientation dans une autre région et une « proposition » d’hébergement.
Hébergée temporairement chez la mère de son compagnon, à la date de son évaluation de vulnérabilité, elle s’était pourtant rapidement retrouvée à la rue, sans le moindre subside, alors qu’elle était enceinte.
Dans un premier temps, le juge des référés a, par une ordonnance particulièrement sévère, rejeté le référé-suspension déposé par celle-ci pour défaut d’urgence, principalement aux motifs qu’elle ne justifiait pas ne pas bénéficier d’autres aides matérielles et qu’elle n’invoquait « aucun problème de santé permettant de la faire regarder comme étant dans une situation de vulnérabilité particulière en dehors de sa grossesse ».
Dans son jugement du 21 février 2023, le juge de l’excès de pouvoir procède toutefois, à juste titre, à l’annulation de la décision de l’OFII portant refus total du bénéfice des conditions matérielles d’accueil.
Il constate en effet que la requérante était enceinte, sans ressources et ne disposait d’aucun hébergement pérenne dès lors qu’elle résidait dans un « squat », parfois contrainte de dormir dans l’escalier et dans des conditions de sécurité peu sûres.
Cette position, outre son caractère manifestement pragmatique, est également et surtout conforme aux dispositions de l’article L. 551-15 précité selon lequel une décision de refus des conditions matérielles d’accueil, doit, en toute hypothèse, prendre en compte la vulnérabilité du demandeur.
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