« Maître, je souhaite protéger mon concept. Je fais comment ? » Cette question, que j’entends souvent, traduit une préoccupation majeure pour les entrepreneurs, créateurs, startups et entreprises établies : comment sécuriser une idée innovante dans un environnement où la concurrence est féroce ? Protéger un concept peut sembler complexe, car, juridiquement, une idée abstraite n’est pas directement protégeable. Cependant, en matérialisant votre concept et en utilisant les bons outils de propriété intellectuelle, vous pouvez sécuriser votre projet et maximiser sa valeur. Voici un guide pour y voir plus clair.
1. QU’EST-CE QU’UN CONCEPT ET COMMENT LE PROTÉGER ?
Un concept est une idée abstraite, une vision ou un projet. En droit, les idées brutes ne bénéficient pas de véritable protection.
Pourtant protéger votre concept est essentiel pour :
- Préserver votre avantage concurrentiel : Empêcher d’autres acteurs d’exploiter votre idée sans autorisation.
- Valoriser votre projet : Une idée protégée devient un actif immatériel, augmentant la valeur de votre entreprise auprès d’investisseurs ou de partenaires.
- Anticiper les litiges : Une protection solide vous donne des recours juridiques en cas de copie ou d’utilisation non autorisée.
Néanmoins, si les idées ne sont pas directement protégeables, l’expression concrète de ces dernières peut l’être. Un produit, une marque, un design, une œuvre, un code source ou encore une base de données sont autant d’objet qui peuvent être protégés juridiquement.
La première étape est donc de transformer votre concept en une ou plusieurs formes tangibles et d’identifier les outils juridiques adaptés pour le protéger.
2. LES OUTILS JURIDIQUES POUR PROTÉGER UN CONCEPT
La propriété intellectuelle offre plusieurs mécanismes pour sécuriser les différentes facettes d’un concept. Voici un panorama des options disponibles :
A) LE BREVET : PROTÉGER UNE INVENTION TECHNIQUE

Quand l’utiliser ? Si votre concept est une invention technique avec une application industrielle (par exemple, un nouvel outil, une technologie innovante ou un procédé technique), le brevet est l’outil adapté. Comment ça fonctionne ? Un brevet confère un monopole d’exploitation pour une durée maximale de 20 ans, à condition que l’invention soit :
- Nouvelle : elle ne doit pas avoir été divulguée publiquement avant le dépôt.
- Inventive : elle ne doit pas découler de manière évidente des connaissances existantes.
- Industrialisable : elle doit pouvoir être fabriquée ou utilisée dans l’industrie.
B) LA MARQUE : SÉCURISER L’IDENTITÉ DE VOTRE CONCEPT
Quand l’utiliser ? Si votre concept s’accompagne d’un nom, d’un logo, d’un slogan ou d’une identité visuelle distinctive. Comment ça fonctionne ? Une marque déposée vous donne un monopole d’exploitation dans les secteurs d’activité choisis (classes de Nice). En France, le dépôt se fait auprès de l’INPI ; pour l’Europe, auprès de l’EUIPO. La protection dure 10 ans, renouvelable indéfiniment. Démarche : Vérifiez la disponibilité de la marque (recherche d’antériorité), déposez-la en précisant les classes de produits ou services concernés, et surveillez son utilisation pour éviter les contrefaçons. Conseil : Une pour être valide, le signe doit être distinctif. Evitez les termes génériques ou descriptifs ! Si des recherches d’antériorité préliminaires peuvent être faites soi-même, une fois le nom ou le logo arrêté, il est recommandé d’avoir recours à un avocat ou un CPI pour s’assurer de la disponibilité du signe ainsi que les classes les plus appropriés pour le dépôt.
C) LE DROIT D’AUTEUR : PROTÉGER UNE CRÉATION ORIGINALE
Quand l’utiliser ? Si votre concept se traduit par une œuvre originale, comme un design graphique, un texte, une musique, une vidéo, un code source ou une interface utilisateur. Comment ça fonctionne ? En France, le droit d’auteur s’applique automatiquement dès la création, sans formalité, à condition que l’œuvre soit originale (c’est-à-dire qu’elle reflète la personnalité de son créateur). La protection dure toute la vie de l’auteur plus 70 ans après sa mort. Démarche : Pour prouver votre antériorité, horodatez votre création via : une enveloppe Soleau, un dépôt auprès d’un notaire, une blockchain ou un service d’horodatage numérique. Limite : Le droit d’auteur ne protège pas l’idée sous-jacente, mais uniquement son expression originale concrète.

D) LE DESSIN OU MODÈLE : SÉCURISER LES APPARENCES
Quand l’utiliser ? Si votre concept inclut un design, comme la forme d’un produit ou un motif. Cette protection peut se cumuler avec celle du droit d’auteur. Comment ça fonctionne ? Le dépôt d’un dessin ou modèle protège l’apparence esthétique d’un produit (pas sa fonction technique). En France, le dépôt se fait à l’INPI ; en Europe, auprès de l’EUIPO. La protection dure jusqu’à 25 ans (renouvelable tous les 5 ans). Démarche : Fournissez des visuels précis (photos, dessins) lors du dépôt. Une recherche d’antériorité est recommandée pour éviter les conflits. Conseil : Assurez-vous que le design est nouveau et possède un caractère individuel.
E) LE DROIT DES BASES DE DONNÉES : PROTÉGER VOS COMPILATIONS DE DONNÉES

Comment ça fonctionne ? En Europe, les bases de données bénéficient de deux types de protection :
- Droit d’auteur : Si l’organisation de la base est originale (par exemple, une structure créative ou un choix spécifique des données), elle est protégée comme une œuvre.
- Droit sui generis : ce droit protège l’investissement substantiel (financier, humain ou technique) réalisé pour constituer, vérifier ou présenter la base. Il permet au producteur de la base d’interdire l’extraction ou la réutilisation non autorisée d’une partie de la base de données pendant 15 ans, renouvelable en cas de mise à jour importante.
Exemple : Une base de données clients pour une plateforme de commerce en ligne. Démarche : Documentez la création et l’investissement réalisé (contrats, factures, logs de travail). Un dépôt auprès de l’INPI (enveloppe Soleau) ou un horodatage peut renforcer la preuve d’antériorité. Limite : La protection sui generis ne s’applique qu’aux bases nécessitant un investissement significatif. Par ailleurs, l’interdiction ne concerne que l’extraction ou la réutilisation de la base de données dans sa totalité ou d’une partie substantielle de cette dernière (ou l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de la base de données, lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d’utilisation normale de la base de données).
F) LE SECRET : PROTÉGER PAR LA CONFIDENTIALITÉ ET LE SECRET DES AFFAIRES
Quand l’utiliser ? En complément d’autres protection et en particulier lorsque votre concept est en phase de développement ou ne peut pas être protégé par les outils classiques (par exemple, un savoir-faire ou une stratégie commerciale) Comment ça fonctionne ?
- Accords de confidentialité (NDA) : Ces contrats encadrent la confidentialité des échanges d’informations avec vos partenaires, employés ou investisseurs. Ils dissuadent ces derniers de divulguer vos informations stratégiques.
- Secret des affaires : Depuis la directive européenne 2016/943, transposée en France par la loi du 30 juillet 2018, le secret des affaires protège les informations confidentielles ayant une valeur commerciale, à condition qu’elles soient :
- Secrètes (non accessibles publiquement).
- Identifiées comme confidentielles (par exemple, via des marquages ou clauses contractuelles).
- Protégées par des mesures raisonnables (systèmes de sécurité, accès restreint, etc.). Ce régime couvre les savoir-faire, les données stratégiques ou les prototypes, et permet des sanctions civiles ou pénales en cas de violation.
Démarche : Mettez en place des NDA clairs, limitez l’accès aux informations sensibles, utilisez des outils de sécurité (chiffrement, serveurs sécurisés), identifier les informations sensibles et documentez vos procédures de protection.
3. LES ÉTAPES PRATIQUES POUR PROTÉGER VOTRE CONCEPT
Pour sécuriser efficacement votre concept, suivez ces étapes concrètes :
- Documentez-le : Conservez des traces datées et signées de votre concept (croquis, descriptions, prototypes, logs de travail, structure de base de données, investissement réalisés). Utilisez des outils comme l’enveloppe Soleau, un dépôt notarial ou un horodatage numérique pour prouver votre antériorité.
- Assurer sa confidentialité dans sa phase de développement : avant toute relation avec vos partenaires, pensez à signer un NDA pour assurer la confidentialité de vos échanges.
- Faites un audit de propriété intellectuelle : identifiez les éléments protégeables de votre concept et les outils juridiques adaptés.
- Pensez international : Si votre concept a un potentiel global, envisagez des dépôts dans plusieurs pays ou une protection européenne/internationale (via l’EUIPO, l’OMPI ou le PCT pour les brevets).
- Surveillez et faites respecter vos droits : Une fois les éléments de votre concept protégés, utilisez des services de veille (marques, brevets) pour détecter les infractions. En cas de violation, nous vous accompagnons pour engager des actions (mise en demeure, saisie-contrefaçon, assignation).
4. LES ERREURS À ÉVITER
Protéger un concept demande de la rigueur. Voici les pièges courants à éviter :
- Divulguer trop tôt : Publier votre concept sur les réseaux sociaux, un site web ou lors d’un événement avant de le protéger peut compromettre un dépôt de brevet, ou rendre difficilement applicable les accords de confidentialité qui pourront être conclus par la suite.
- Négliger les recherches d’antériorité : Avant de déposer une marque ou un brevet, vérifiez qu’aucun droit antérieur ne bloque votre projet.
- Oublier les mesures de confidentialité : Le secret est souvent primordial que ce soit seul ou en complément d’autres protections. Dès le début de vos relations avec vos partenaires, assurez-vous de la confidentialité de vos échanges.
- Ignorer les aspects internationaux : Une protection nationale ne vous couvre pas nécessérement à l’étranger. Anticipez si votre concept vise un marché global.
5. CONCLUSION : ANTICIPEZ POUR PROTÉGER VOTRE CONCEPT
Protéger un concept, c’est transformer une idée en un actif sécurisé et valorisé. L’important est d’agir de manière stratégique et anticipée. Entourez-vous d’experts, documentez vos démarches et restez vigilant face aux risques de contrefaçon ou de concurrence déloyale.

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