Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a publié le 23 janvier 2025 une circulaire qui marque un tournant dans la politique de régularisation des étrangers en situation irrégulière en France. Cette circulaire remplace la circulaire Valls de 2012 et vise à restreindre l'accès à l'admission exceptionnelle au séjour (AES). Voici une analyse des principales dispositions de ce texte et de leurs implications juridiques.

1. Durée de présence requise portée à 7 ans

La circulaire Retailleau élève la durée minimale de résidence continue en France pour pouvoir prétendre à une régularisation de 5 à 7 ans. Cette modification traduit une volonté claire de restreindre l'accès à l'AES en rendant les critères plus sélectifs.

Ainsi, cette nouvelle durée rend l'application de cet article beaucoup plus restrictive, limitant les cas susceptibles d'être pris en considération par les préfets.

2. Accent sur la maîtrise de la langue française

La circulaire exige des preuves concrètes de la maîtrise de la langue française, telles qu'un diplôme ou une certification linguistique. Cette mesure est justifiée par l’objectif d’intégration, mais elle pose des questions quant à son accessibilité pour les étrangers précaires qui peuvent ne pas avoir les moyens financiers ou les ressources pour obtenir une telle certification.

3. Respect des valeurs de la République

Une nouveauté notable est l’insistance sur le respect des valeurs républicaines, incluant les principes de laïcité, d'égalité, et le refus de pratiques comme la polygamie. Cette exigence ouvre la voie à des interprétations discrétionnaires qui pourraient conduire à des situations litigieuses devant les juridictions administratives.

4. Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF)

La circulaire prévoit que toute demande de régularisation refusée devra être systématiquement accompagnée d’une OQTF. Il convient de rappeler que le délai d'exécution des OQTF est aujourd'hui de trois ans contrairement à 1 an auparavant. 

Par ailleurs, toute personne ayant déjà fait l'objet d'une OQTF non exécutée ne pourra pas obtenir de titre de séjour. Cette disposition restreint fortement les possibilités de régularisation, puisqu'il est peu courant de pouvoir attester d'une présence de 7 ans sur le territoire sans avoir reçu une OQTF. 

5. Conséquences juridiques et sociétales

La circulaire Retailleau, en rendant plus stricts les critères de régularisation, réaffirme le caractère exceptionnel de l'AES. Toutefois, elle risque d’entraîner des difficultés juridiques pour les préfectures, qui devront examiner des dossiers de plus en plus complexes, et pour les étrangers concernés, qui voient leurs chances de régularisation considérablement réduites.

En conclusion, cette circulaire s’inscrit dans une logique de durcissement des politiques migratoires en France, avec un accent sur l’ordre public et l’intégration linguistique. 

Néanmoins, son application pratique devra être surveillée, notamment en matière de respect des droits fondamentaux des étrangers, pour éviter des dérives ou une multiplication des contentieux judiciaires.