TEXTES et JURISPRUDENCE

* Définition novatrice du handicap et des personnes handicapées

"Le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres." 

"Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres."

Une personne salariée peut être « en situation de handicap », de façon provisoire ou durable, alors qu’elle n’est pas reconnue comme "travailleur handicapé" sur le plan administratif (RQTH) : 

"La notion de «handicap» (...) doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut un état pathologique causé par une maladie médicalement constatée comme curable ou incurable dès lors que cette maladie entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs, et que cette limitation est de longue durée." (depuis CJUE 11 avril 2013, § 41 et dispositif, infra).

La Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2006 (ratifiée par la France et par l’Union européenne) constitue un progrès du droit sur de nombreux points essentiels).

Le droit international des droits de l’Homme et le droit de l’Union européenne substituent à l'ancienne approche du handicap, médicale et centrée sur une déficience individuelle de la personne, une nouvelle approche du handicap, sociale et centrée sur l’environnement de travail dans sa dimension collective.

Ce nouveau paradigme demeure à intégrer dans la législation française et dans les pratiques de l’ensemble des acteurs (publics et privés).

* Aménagements raisonnables

L'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. 

"Il convient de prévoir des mesures appropriées, c'est-à-dire, des mesures efficaces et pratiques destinées à aménager le poste de travail en fonction du handicap, par exemple en procédant à un aménagement des locaux ou à une adaptation des équipements, des rythmes de travail, de la répartition des tâches ou de l'offre de moyens de formation ou d'encadrement." (Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, Considérant 20 et Article 5 Aménagements raisonnables).

Ces aménagements raisonnables peuvent notamment consister en des actions de sensibilisation des salariés pour favoriser le recrutement et la bonne intégration de personnes handicapées ou en siutation de handicap dans les entreprises https://www.linkedin.com/company/mouvintelligent/?originalSubdomain=fr

Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide (Agefiph) qui peut compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur. 

Les aménagements raisonnables sont une garantie de l'égalité de traitement dans l'emploi (DDD https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/2023-08/ddd_guide_amenagement-raisonnable_20171205.pdf).

* Discrimination fondée sur le handicap

"La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable".

Ainsi, une travailleuse salariée dont l'état de santé est dégradée mais qui n’est pas reconnue (administrativement) comme travailleuse handicapée peut bénéficier du droit international et européen concernant la mise en place d'aménagments raisonnables et la protection contre les discriminations : l'employeur s'il n'a pas procédé à des aménagements raisonnables du poste de travail, ne peut licencier la salariée qui souffre d’une limitation de sa capacité de travail, résultant d’atteintes physiques, au regard de critères de sélection choisis par l'employeur pour déterminer les personnes à licencier; un tel licenciement constituerait une discrimination indirecte liée au handicap (CJUE, 11 septembre 2019, DW contre Nobel Plastiques Ibérica SA, C-397/18).

 

ÉVOLUTIONS DU DROIT NATIONAL POUR LA MISE EN OEURVRE DES APPORTS INTERNATIONAUX ET EUROPÉEN

LÉGISLATION

La législation française doit donc sérieusement évoluer en ce qui concerne les textes et leur mise en oeuvre pour permettre aux personnes de bénéficier effectivement des apports du droit international et du droit européen.

Les insuffisances de la législation française (Loi du 11 février 2005, etc.) et des politiques publiques font l'objet de fortes critiques des institutions internationales (Comité des droits des personnes handicapées - CIDPH / ONU, « La France n’a pas encore intégré l’approche du handicap fondée sur les droits de l’Homme » - Voir l'audition de la ministre : https://www.ungeneva.org/fr/news-media/meeting-summary/2021/08/la-france-na-pas-encore-integre-lapproche-du-handicap-fondee-sur et le Rapport final du Comité du 14 septembre 2021 https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CRPD%2fC%2fFRA%2fCO%2f1&Lang=en ; La Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées de l'ONU a demandé à la France, en 2019, de faire évoluer la législation  https://undocs.org/fr/A/HRC/40/54/ADD.1 et a relevé un certain nombre de lacunes ; par exemple, « elle a été surprise d’apprendre que la notion d’aménagement raisonnable, centrale pour lutter contre la discrimination sur le lieu de travail, n’est presque pas connue. »).

JURISPRUDENCE NATIONALE

Le juge national met en oeuvre le droit international et européen au bénéfice des personnes salariées en situation de handicap :

* http://Soc., 3 juin 2020, pourvoi n° 18-21.993, publié au Bulletin.

La chambre sociale a ainsi approuvé le raisonnement de la cour d'appel qui, ayant constaté que l'employeur, nonobstant l'importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers, ne justifiait pas d'études de postes ni de recherche d'aménagements du poste du salarié et n'avait pas consulté le service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés, bien qu'il y ait été invité à deux reprises par le salarié, a pu en déduire qu'il avait refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à ce dernier de conserver un emploi, ce dont il résultait que le licenciement constitutif d'une discrimination à raison d'un handicap était nul.

* Soc. 15 mai 2024, 22-11.652, B https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049602260 

La Cour de cassation se fonde explicitement sur les apports du droit international et du droit européen :

- Selon l'article 2 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, signée à New York le 30 mars 2007, on entend par « discrimination fondée sur le handicap » toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, sur la base de l'égalité avec les autres, de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres. La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d'aménagement raisonnable.

Selon l'article 27 de cette Convention les Etats Parties garantissent et favorisent l'exercice du droit au travail des personnes handicapées, y compris pour celles qui ont acquis un handicap en cours d'emploi, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour notamment :

h) Favoriser l'emploi de personnes handicapées dans le secteur privé en mettant en oeuvre des politiques et mesures appropriées, y compris le cas échéant des programmes d'action positive, des incitations et d'autres mesures ;

i) Faire en sorte que des aménagements raisonnables soient apportés aux lieux de travail en faveur des personnes handicapées.

- Selon l'article 5 de la directive du Conseil 2000/78/CE du 27 novembre 2000, afin de garantir le respect du principe de l'égalité de traitement à l'égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus. Cela signifie que l'employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser, ou pour qu'une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée. Cette charge n'est pas disproportionnée lorsqu'elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée par l'Etat membre concerné en faveur des personnes handicapées.

Pour trancher le litige, le juge, saisi d'une action au titre de la discrimination en raison du handicap, doit, en premier lieu, rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination, tels que :

- le refus, même implicite, de l'employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d'aménagements raisonnables, le cas échéant sollicitées par le salarié ou préconisées par le médecin du travail ou le comité social et économique, ou

- son refus d'accéder à la demande du salarié de saisir un organisme d'aide à l'emploi des travailleurs handicapés pour la recherche de telles mesures (Agefiph).

Il appartient, en second lieu, au juge de rechercher si l'employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap, tenant

- à l'impossibilité matérielle de prendre les mesures sollicitées ou préconisées ou

- au caractère disproportionné pour l'entreprise des charges consécutives à leur mise en oeuvre.

Le débat judiciaire doit porter en premier lieu sur l’existence de mesures concrètes et appropriées d’aménagements raisonnables, de façon à ce que le litige sur l’existence d’une possible discrimination en raison du handicap puisse se nouer.

* Soc. 8 janvier 2025, 23-15.410, B https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051012256?isSuggest=true

"l'employeur avait constamment adapté le poste de travail du salarié en considération des prescriptions du médecin du travail et n'avait pas manqué à son obligation d'adaptabilité en raison du handicap du salarié, lequel a bénéficié d'un suivi tous les deux mois de sa situation par le médecin du travail, de sorte que le salarié ne présentait pas d'éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination à raison du handicap."

 

EN PRATIQUE POUR LES SALARIÉS ET POUR LES EMPLOYEURS 

ACTIONS DU SALARIÉ 

Le salarié a intérêt à écrire et à conserver des traces de ces écrits et des réponses de l'employeur concernant ses demandes d'aménagements raisonnables.

Les élus du CSÉ peuvent intervenir auprès de l'employeur.

En cas de difficultés, un élu du CSÉ peurt déclencher un droit d'alerte pour atteinte aux droits des personens - discrimination en lien avec la situation de handicap.

Le médecin du travail peut être sollicité.

En cas de difficulté persistante, l'inspection du travail peut intervenir, notamment pour établir des constats.

Sur le droit applicable en matière de discrimination liée au handicap (textes et jusrisprudence) : Droit des discriminations dans l'emploi et le travail https://www.larcier-intersentia.com/fr/droit-discriminations-emploi-travail-9782390130710.html (notamment Chapitre 9).

POLITIQUE D'INCLUSION PAR L'ENTREPRISE POUR PRÉVENIR TOUTE DISCRIMINATION

Un bon contact pour mettre en oeuvre dans l'entreprise une politique d'inclusion des personnes en situation de handicap https://mouvintelligent.com