La Cour d'appel de Rennes, 9 septembre 2025 (1re chambre B), se prononce sur l'action paulienne engagée par une créancière contre la vente en viager du seul immeuble du débiteur à la fille de sa compagne. La difficulté porte sur la réunion des conditions de l'action, l'absence d'aléa du viager et la sanction d'inopposabilité dans la limite de la créance.

Mariés sans contrat, les ex-époux ont divorcé en 2010. Par jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 18 février 2014, confirmé par la Cour d'appel de Rennes le 5 octobre 2015, une récompense de 110 000 € a été mise à la charge du mari envers la communauté, avec une contre-récompense de 20 673,54 €. Huit mois après le premier jugement, le débiteur a vendu en viager sa maison à la fille de sa compagne, moyennant un bouquet de 10 000 € et une rente mensuelle de 1 100 €.

Le vendeur est décédé un an plus tard. La créancière a assigné en 2019 le tiers acquéreur devant le tribunal judiciaire de Lorient, qui l'a déboutée le 28 avril 2020 en l'absence, selon lui, de preuve quant à l'insolvabilité, à la certitude de la créance et au caractère frauduleux. En appel, un curateur à succession vacante a dressé un état actif-passif montrant un solde positif de 543,61 €, et le dossier médical a été partiellement communiqué sur injonction du conseiller de la mise en état.

La question posée est celle des conditions et effets de l'action paulienne au regard d'un viager dépourvu d'aléa, en présence d'une créance non encore liquidée mais certaine en son principe. L'arrêt rappelle l'article 1341-2 du code civil: "Le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d'établir, s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude."

La Cour d'appel de Rennes infirme le jugement, retient la fraude paulienne et déclare inopposable à la créancière la vente en viager, dans la limite de 44 867,70 €. Elle rejette la demande de dommages-intérêts pour appel abusif et condamne le tiers acquéreur aux dépens et aux frais irrépétibles.

 

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