L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 11 septembre 2025 illustre les difficultés auxquelles se heurte un salarié protégé dont l'autorisation de licenciement a été annulée par le juge administratif, lorsque l'entreprise a cessé toute activité. Cette décision précise les contours du droit à réintégration et les conditions d'indemnisation dans un contexte de liquidation amiable.

Une salariée, titulaire d'un mandat de conseiller du salarié depuis février 2020, avait été embauchée en juin 2013 au sein d'une société exploitant des lignes de transport reliant les aéroports parisiens au centre de la capitale. En juillet 2020, la direction a annoncé la cessation totale et définitive d'activité. Un plan de sauvegarde de l'emploi a été validé en novembre 2020 et l'ensemble du personnel a été licencié en décembre 2020. S'agissant de la salariée protégée, une demande d'autorisation de licenciement a été adressée à l'inspecteur du travail, qui l'a accordée le 17 mars 2021. Le licenciement a été notifié le 22 mars suivant.

Par jugement du 12 mai 2023, le tribunal administratif a annulé cette autorisation. La cour administrative d'appel a confirmé cette annulation le 26 mars 2024 en raison du défaut de pouvoir du signataire. Un pourvoi devant le Conseil d'État a été formé et demeure pendant. La salariée a sollicité sa réintégration dans le délai de deux mois suivant chacune des décisions d'annulation. L'employeur a refusé en invoquant l'impossibilité matérielle résultant de la cessation d'activité. La salariée a alors saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes pour obtenir sa réintégration sous astreinte et le versement de provisions au titre des salaires et de la rupture illicite.

Le conseil de prud'hommes a constaté l'absence de trouble manifestement illicite justifiant la réintégration, mais a alloué une provision de 7 500 euros au titre de la rupture illicite. L'employeur a interjeté appel. Devant la cour, la salariée soutenait que le refus de réintégration constituait un trouble manifestement illicite et sollicitait des provisions au titre des salaires sur la période couverte par la nullité ainsi qu'une indemnité minimale de six mois de salaires. L'employeur opposait l'impossibilité de réintégration du fait de la cessation d'activité et contestait le caractère définitif de l'annulation.

La question posée à la cour était double. D'une part, le refus de réintégrer une salariée protégée dont l'autorisation de licenciement a été annulée constitue-t-il un trouble manifestement illicite lorsque l'entreprise a cessé son activité et ne relève d'aucune unité économique et sociale ? D'autre part, le salarié protégé peut-il obtenir une provision sur son indemnisation alors que le pourvoi contre la décision d'annulation est toujours pendant ?

La cour confirme partiellement l'ordonnance. Elle juge qu'il n'existe pas de trouble manifestement illicite dès lors que la société a cessé toute activité et ne dépend pas d'une unité économique et sociale préalablement reconnue. Elle infirme en revanche la provision accordée en première instance, considérant que les demandes indemnitaires se heurtent à une contestation sérieuse tant que l'annulation n'est pas devenue définitive et que l'application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail suppose une appréciation au fond de l'absence de cause réelle et sérieuse.

Cet arrêt invite à examiner successivement les limites du droit à réintégration du salarié protégé en cas de cessation d'activité (I), puis les conditions restrictives de son indemnisation en référé (II).

 

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