La Cour d'appel de Rouen, 4 septembre 2025, chambre sociale, statue sur la requalification d'une succession de missions d'intérim en contrat à durée indéterminée. Le litige porte sur l'usage du motif d'accroissement temporaire d'activité et sur les effets indemnitaires attachés à la rupture ultérieure.
Un salarié a été mis à disposition de l'entreprise utilisatrice du 10 juillet 2023 au 5 juillet 2024, au titre de missions successives de remplacement et d'activité accrue. La première mission, conclue pour remplacer un salarié en congés, a été jugée régulière, pièces comptables à l'appui, quant à la réalité de l'absence. La seconde, engagée du 25 au 31 août 2023 pour faire face à un pic d'activité lié à un lancement produit, n'a pas été suffisamment démontrée.
Le conseil de prud'hommes de Louviers avait rejeté la requalification le 27 juin 2024, décision frappée d'appel par le salarié quelques semaines plus tard. Devant la cour, l'intéressé sollicitait la requalification, des rappels liés à la participation et au PERCO, et l'indemnisation d'une rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse. L'employeur concluait à la confirmation, contestant l'irrégularité alléguée et les montants revendiqués, notamment pour l'exercice 2024 faute d'éléments chiffrés communicables.
La question posée tenait à la preuve du motif de recours au travail temporaire et à l'étendue des droits collectifs consécutifs à la requalification. La cour rappelle: « Il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve du motif invoqué, celui-ci s'appréciant au jour de la conclusion du contrat de mission ». Estimant insuffisants un communiqué externe et un graphique interne, elle l'écarte. Elle motive ainsi: « Cet élément émanant de ses services de communication ne saurait permettre d'établir l'existence de l'accroissement temporaire d'activité visé au contrat de mission ». Elle énonce enfin: « Il convient en conséquence, sans qu'il soit nécessaire de répondre à l'ensemble des moyens développés tant il n'est pas justifié la réalité de l'accroissement temporaire d'activité invoqué pour justifier le deuxième contrat ayant débuté le 25 août 2023, d'ordonner la requalification des contrats d'intérim en contrat à durée indéterminée mais seulement à compter du 25 août 2023, date de début du premier contrat irrégulier ». Sur les droits collectifs, la cour affirme que « Le salarié dont le contrat est requalifié en contrat à durée indéterminée est réputé avoir été lié à l'employeur par un contrat à durée indéterminée dès le premier contrat irrégulier et, peut prétendre de manière certaine, et non pas selon une probabilité raisonnable, aux primes de participation et d'intéressement ». La perte de chance relative à l'abondement est définie en ces termes: « La perte de chance implique seulement la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain. » Et la réparation « doit être mesurée à la chance perdue et ne peut jamais être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré ». Enfin, « compte tenu de la requalification intervenue et à défaut de tout motif valable de rupture, celle-ci s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ».
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