Par un arrêt en date du 9 septembre 2025, la Cour d'appel de Grenoble s'est prononcée sur la contestation du licenciement pour faute grave d'une salariée ayant occupé les fonctions de responsable d'un service traiteur au sein d'une société coopérative exploitant des magasins sous enseigne de distribution alimentaire biologique. Cette décision mérite attention en ce qu'elle articule la protection du salarié dénonçant des faits de harcèlement moral avec la qualification des fonctions réellement exercées.
Les faits de l'espèce concernent une salariée embauchée en juin 2016 en qualité d'employée polyvalente. En mai 2018, l'employeur l'a affectée à un nouveau service traiteur, sans régulariser d'avenant à son contrat de travail. À la suite d'un arrêt maladie et d'une mise au point par la direction en décembre 2020, la salariée a pris l'initiative de fermer le service traiteur le 31 décembre 2020. Convoquée à un entretien préalable le 25 janvier 2021, elle a adressé le même jour deux courriels à l'ensemble du personnel, dénonçant notamment des faits de harcèlement moral. L'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave le 8 février 2021.
La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Gap aux fins de contester son licenciement et d'obtenir un rappel de salaire au titre de sa classification conventionnelle ainsi que le paiement d'heures supplémentaires. Par jugement du 23 janvier 2023, la juridiction prud'homale a validé le licenciement pour faute grave tout en reconnaissant le repositionnement de la salariée au niveau AM2 de la convention collective. L'employeur a interjeté appel principal sur les condamnations pécuniaires et la salariée a formé appel incident sur la qualification du licenciement.
Devant la cour, la salariée soutenait que son licenciement était nul en raison d'une atteinte à sa liberté d'expression et à la protection des salariés dénonçant des faits de harcèlement moral. L'employeur rétorquait que la salariée avait abusé de cette liberté en tenant des propos diffamatoires et déstabilisants.
La question posée à la cour était la suivante : la référence dans la lettre de licenciement à la dénonciation de faits de harcèlement moral par le salarié entraîne-t-elle la nullité de la rupture lorsque la mauvaise foi du dénonciateur n'est pas établie ?
La Cour d'appel de Grenoble a infirmé le jugement entrepris et prononcé la nullité du licenciement. Elle a jugé que « le grief tiré de l'expression de fausses accusations de harcèlement moral par la salariée, dont la mauvaise foi n'est pas démontrée, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement ».
Cet arrêt présente un intérêt certain tant par la réaffirmation de la protection du salarié dénonçant des faits de harcèlement moral (I) que par l'application rigoureuse des critères de classification conventionnelle fondée sur les fonctions réellement exercées (II).
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