L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Rennes le 11 septembre 2025 constitue une illustration significative de la distinction entre faute grave et cause réelle et sérieuse en matière de licenciement disciplinaire dans le secteur bancaire. Cette décision s'inscrit dans un contentieux relatif à la rupture du contrat de travail d'une conseillère clientèle professionnelle, employée depuis 2001 au sein d'un établissement de crédit, licenciée pour faute grave en novembre 2019.

Les faits de l'espèce révèlent qu'une salariée, occupant les fonctions de conseillère clientèle professionnelle, avait accordé plusieurs prêts à des sociétés gérées par un même couple, pour un montant total supérieur à un million d'euros. Le responsable des risques de l'établissement bancaire, alerté par des défauts de paiement constatés en août 2019, diligenta une enquête interne. Celle-ci révéla des irrégularités dans neuf dossiers sur quatorze contrôlés, portant notamment sur le non-respect des règles de délégation, la minoration du taux d'endettement des emprunteurs et l'utilisation d'une fiche de détermination du niveau de délégation pour deux prêts distincts.

La procédure suivit un cours particulier. Le conseil de prud'hommes de Rennes, par jugement du 28 octobre 2022, jugea le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamna l'employeur au paiement de diverses indemnités. L'établissement bancaire interjeta appel, contestant l'absence de cause réelle et sérieuse retenue par les premiers juges. La salariée forma appel incident, sollicitant des dommages et intérêts majorés.

La question posée à la Cour d'appel de Rennes était double. Il s'agissait d'abord de déterminer si les faits reprochés à la salariée étaient prescrits ou relevaient d'une insuffisance professionnelle plutôt que d'une faute disciplinaire. Il convenait ensuite d'apprécier si ces faits, à les supposer établis et fautifs, présentaient le caractère de gravité justifiant la privation du préavis.

La cour infirme partiellement le jugement. Elle écarte la prescription des faits, considérant que l'employeur n'en avait eu une connaissance exacte qu'au terme de l'enquête interne. Elle retient que les manquements caractérisés constituent des fautes disciplinaires et non une simple insuffisance professionnelle. Elle juge toutefois que ces fautes, si elles constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement, ne présentent pas le caractère de gravité justifiant la privation du préavis.

Cette décision mérite examen tant sur la qualification des faits reprochés, oscillant entre insuffisance professionnelle et faute disciplinaire (I), que sur l'appréciation de la gravité de la faute et ses conséquences indemnitaires (II).

 

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