Par un arrêt rendu le 4 septembre 2025, la Cour d'appel de Dijon s'est prononcée sur l'opposabilité à l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie professionnelle. Cette décision illustre les exigences probatoires pesant sur les caisses primaires d'assurance maladie lorsqu'elles entendent imputer une pathologie au titre du tableau 57A des maladies professionnelles.
Un salarié exerçant des fonctions de fabrication de menuiseries avait déclaré le 9 octobre 2017 une maladie professionnelle relative à une tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite. Le certificat médical initial établi le 21 septembre 2017 confirmait cette affection. Par décision du 12 mars 2018, la caisse primaire d'assurance maladie notifiait à l'employeur la prise en charge de cette pathologie au titre du tableau n° 57A. La société formait un recours amiable, lequel était rejeté le 27 juin 2018.
Saisie par l'employeur, le pôle social du tribunal judiciaire de Mâcon, par jugement du 7 janvier 2021, confirmait la décision de rejet et déclarait opposable à la société la prise en charge litigieuse. L'employeur relevait appel de cette décision. Par arrêt avant dire droit du 3 août 2023, la cour d'appel désignait un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles aux fins de recueillir son avis. Celui-ci rendait son avis le 18 janvier 2024, concluant à l'existence d'un lien de causalité.
L'employeur soutenait d'une part que la cour ne pouvait valablement saisir un tel comité dès lors que la caisse ne l'avait pas elle-même consulté avant sa décision, et d'autre part que les questionnaires recueillis révélaient une discordance majeure sur la durée d'exposition au risque. La caisse primaire d'assurance maladie estimait au contraire que les déclarations concordantes sur la nature des gestes effectués suffisaient à établir l'exposition.
La question posée à la cour était double. Il convenait d'abord de déterminer si le juge peut valablement recourir à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles lorsque la caisse n'a pas elle-même saisi cet organisme préalablement à sa décision. Il fallait ensuite apprécier si la caisse rapportait la preuve de l'exposition du salarié aux conditions précises de durée définies par le tableau 57A.
La Cour d'appel de Dijon infirme le jugement de première instance. Elle juge d'abord que « la cour, qui se trouve exactement dans les mêmes circonstances, pour être saisie par un employeur de la décision de prise en charge de la pathologie de la victime sur le fondement d'un tableau de maladie professionnelle, intervenue sans saisine d'un [comité] par la caisse, ne pouvait pas valablement saisir de [comité] aux termes de son arrêt avant dire droit ». Elle considère ensuite que la discordance entre les déclarations du salarié, qui évaluait son exposition à six heures quotidiennes, et celles de l'employeur, l'estimant à quarante minutes par jour, « ne permet pas à la caisse de valablement prétendre apporter objectivement la preuve, par la production des deux questionnaires précités, de la réalité de l'exposition du salarié dans ses conditions de travail au risque de la pathologie désignée au tableau 57A ».
L'arrêt mérite attention tant au regard des limitations qu'il apporte à l'office du juge dans le contentieux des maladies professionnelles (I), qu'en ce qui concerne les exigences probatoires imposées aux caisses primaires (II).
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