La question de la fraude au plan de sauvegarde de l'emploi par morcellement des licenciements économiques constitue un contentieux récurrent devant les juridictions sociales. L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Grenoble le 11 septembre 2025 en offre une illustration particulièrement éclairante.
Une salariée avait été engagée en décembre 2015 par une société exploitant des magasins de luminaires, en qualité de vendeuse à temps partiel. Par lettre du 25 juillet 2018, elle fut convoquée à un entretien préalable à un licenciement économique. Elle adhéra au contrat de sécurisation professionnelle le 8 août 2018, emportant rupture de son contrat le 28 août suivant. La salariée saisit le conseil de prud'hommes le 29 août 2019 aux fins de voir déclarer son licenciement nul pour absence de plan de sauvegarde de l'emploi.
Le conseil de prud'hommes de Grenoble, par jugement du 8 novembre 2022, déclara l'action irrecevable comme prescrite. La salariée interjeta appel.
Devant la cour, l'employeur, représenté par ses liquidateurs judiciaires, soutenait que l'action était prescrite par application du délai de douze mois prévu à l'article L.1233-67 du code du travail, courant à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. La salariée invoquait quant à elle une fraude de l'employeur ayant consisté à morceler artificiellement les fermetures de magasins pour éluder l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi, fraude dont elle n'aurait eu connaissance qu'à la date du jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 1er juillet 2019.
La question posée à la cour était donc de savoir si la fraude de l'employeur dans le morcellement des licenciements économiques était de nature à reporter le point de départ du délai de prescription de l'action en contestation du licenciement.
La Cour d'appel de Grenoble infirme le jugement et déclare l'action recevable. Elle retient que la fraude dans le morcellement artificiel du projet de fermeture de quatre magasins, impliquant plus de dix licenciements sur une période de trente jours, a eu pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription à la date de connaissance de cette fraude par la salariée, soit le 1er juillet 2019. Elle prononce en conséquence la nullité du licenciement et fixe diverses créances au passif de la procédure collective.
Cette décision mérite analyse tant au regard de la caractérisation de la fraude patronale au plan de sauvegarde de l'emploi (I) que des conséquences procédurales et indemnitaires qui en découlent (II).
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