Par un arrêt du 11 septembre 2025, la cour d'appel de Versailles s'est prononcée sur un contentieux opposant une société de restauration rapide à l'URSSAF, à la suite d'un contrôle ayant révélé des pratiques de travail dissimulé. Cette décision illustre les tensions entre le secret de l'enquête pénale et les droits de la défense en matière de redressement social.

Les faits à l'origine du litige remontent au 13 avril 2015. Ce jour-là, les inspecteurs de l'URSSAF ont procédé à un contrôle dans les locaux d'une société exerçant une activité de restauration rapide. Le 9 septembre 2015, un procès-verbal de travail dissimulé a été établi et transmis au procureur de la République. Le même jour, l'organisme de recouvrement a adressé à la société une lettre d'observations envisageant un redressement pour travail dissimulé d'un montant de 62 302 euros, pour la période du 5 octobre 2012 au 31 décembre 2014. L'enquête avait révélé que les salariés présents lors du contrôle déclaraient recevoir des paiements en espèces en complément de leur salaire officiel et travaillaient selon des horaires non déclarés.

La société a contesté ce redressement devant la commission de recours amiable, puis devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Par un jugement du 4 décembre 2020, cette juridiction a rejeté le recours de la société et l'a condamnée à payer la somme de 83 489 euros. Elle a interjeté appel le 15 janvier 2021. L'affaire a été radiée le 16 mars 2022 avant d'être réinscrite au rôle de la cour.

Devant la cour d'appel de Versailles, la société soutenait, d'une part, que la procédure était nulle en raison de la violation du principe du contradictoire, le procès-verbal de travail dissimulé ne lui ayant été communiqué que cinq ans après le contrôle. Elle invoquait à ce titre l'article 15 du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. D'autre part, elle contestait le recours à la taxation forfaitaire et le calcul des cotisations dues, soutenant que sa comptabilité était régulière.

L'URSSAF répliquait que le procès-verbal constituait une pièce de la procédure pénale couverte par le secret de l'enquête. Elle ajoutait que le principe contradictoire avait été respecté dès lors que ce document avait finalement été communiqué en première instance. Sur le fond, elle défendait la régularité du recours à la taxation forfaitaire.

Deux questions de droit se posaient à la cour. La communication tardive du procès-verbal de travail dissimulé, protégé par le secret de l'enquête pénale, porte-t-elle atteinte au principe du contradictoire et au droit à un procès équitable ? Le recours à la taxation forfaitaire est-il justifié lorsque les éléments comptables produits par l'employeur ne permettent pas de vérifier la concordance entre les heures travaillées et les déclarations sociales ?

La cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement en toutes ses dispositions. Elle a jugé que « le procès-verbal de travail dissimulé est une pièce de la procédure pénale qui a été transmis au procureur de la République. En application du texte précité elle est couverte par le secret de l'enquête pénale et l'Urssaf ne pouvait pas la communiquer à la société sans commettre une infraction pénale ». Elle a également retenu que « cette protection du secret de l'enquête poursuit un but légitime, protégé par la loi » et que le principe du contradictoire avait été respecté par la communication ultérieure du document. Sur la taxation forfaitaire, la cour a estimé que la société « se contente de produire ses déclarations fiscales au titre de l'impôt sur les sociétés, qui n'est pas un document comptable mais fiscal » et qu'elle n'apportait pas « la preuve contraire qui lui incombe ».

L'intérêt de cette décision réside dans l'articulation qu'elle opère entre les exigences procédurales du contrôle social et les contraintes du secret de l'enquête pénale. Elle permet également d'examiner les conditions du recours à la taxation forfaitaire et la charge de la preuve pesant sur l'employeur contrôlé. Dès lors, il convient d'analyser la conciliation entre secret de l'enquête et droits de la défense (I) avant d'étudier le régime probatoire applicable au travail dissimulé (II).

 

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