La protection du salarié victime d'un accident du travail constitue un principe cardinal du droit social français. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence, par un arrêt du 5 septembre 2025, apporte un éclairage significatif sur l'articulation entre la requalification d'un contrat à durée déterminée et les conséquences de la rupture intervenue pendant une période de suspension liée à un accident professionnel.
Un salarié avait été engagé par contrat à durée déterminée saisonnier pour la période du 1er juin au 30 septembre 2018 en qualité de pizzaiolo. Le 20 juin 2018, il fut victime d'un accident du travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, entraînant un arrêt de travail prolongé jusqu'au terme contractuel. Le salarié saisit le conseil de prud'hommes le 9 juillet 2020 aux fins de requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée et de nullité de la rupture. Le conseil de prud'hommes de Fréjus, par jugement du 1er juillet 2021, le débouta de l'intégralité de ses demandes. Le salarié interjeta appel.
L'appelant soutenait que la requalification s'imposait dès lors qu'il n'avait jamais exercé les fonctions de pizzaiolo mentionnées au contrat, ayant été affecté à des travaux de maçonnerie et de remise en état. L'employeur invoquait la prescription de l'action et contestait sur le fond la requalification, arguant que les travaux n'étaient que de menus aménagements avant l'ouverture du restaurant.
La question posée à la cour était double. La première concernait le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification d'un contrat saisonnier fondée sur l'inadéquation des fonctions réellement exercées. La seconde portait sur les conséquences de cette requalification lorsque la rupture par échéance du terme intervient pendant une suspension du contrat pour accident du travail.
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence infirme partiellement le jugement. Elle juge que « le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat saisonnier, se fondant sur le contenu des fonctions exercées, court à compter de la fin de l'exécution du contrat querellé ». Elle prononce la requalification au motif que « le caractère erroné de la désignation du poste de travail entraîne la requalification en contrat à durée indéterminée, la non-désignation du poste réellement tenu ne permettant pas dans le cas d'espèce de vérifier s'il s'agissait d'un emploi lié au surcroît d'activité saisonnière ». Elle retient ensuite que « c'est la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée qui entraîne la nullité de la rupture dès lors qu'à cette date, le salarié était en arrêt de travail consécutif à un accident du travail ».
L'arrêt présente un intérêt doctrinal majeur en ce qu'il articule les règles de prescription spécifiques aux actions en requalification avec les conséquences automatiques de cette requalification sur la nature de la rupture. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence apporte ainsi une contribution à la construction jurisprudentielle relative à la protection des salariés victimes d'accidents du travail dans le cadre de contrats précaires.
L'analyse portera d'abord sur la détermination du point de départ de la prescription de l'action en requalification fondée sur l'inadéquation des fonctions exercées (I), avant d'examiner les conséquences de la requalification sur la rupture intervenue en période de protection (II).
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