La période d'essai constitue une phase singulière de la relation de travail, durant laquelle chaque partie conserve la faculté de rompre le contrat sans motiver sa décision. Cette liberté apparente connaît des limites bien établies par la jurisprudence, notamment lorsque l'employeur détourne la finalité de ce mécanisme.

L'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 5 septembre 2025 en fournit une illustration topique.

Une salariée avait été engagée en qualité de juriste marchés publics par contrat à durée indéterminée prenant effet le 2 juin 2020. Une période d'essai de trois mois, renouvelable une fois, avait été stipulée. Le 17 août 2020, l'employeur a notifié le renouvellement de cette période jusqu'au 1er décembre 2020. Dès le 9 septembre 2020, il a cependant signifié la rupture de l'essai avec effet au 1er décembre. La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse pour obtenir réparation d'une rupture abusive et le paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, soutenant avoir effectué des prestations avant sa prise de fonctions. Les premiers juges ont rejeté l'ensemble de ses demandes par jugement du 22 mars 2022.

La salariée a interjeté appel. Elle invoquait l'absence d'évaluation effective de ses compétences, la précipitation de la rupture en contradiction avec les préconisations internes, et la suppression réelle de son poste au profit d'un recrutement différent. Elle soutenait également avoir travaillé dès le 20 avril 2020, soit six semaines avant le début officiel de son contrat, sans déclaration ni rémunération. L'employeur contestait tout abus, invoquant des carences professionnelles constatées dès juillet 2020, et qualifiait les échanges antérieurs au contrat de simple transmission d'informations préparatoires.

La cour d'appel de Lyon devait déterminer si les circonstances de la rupture de la période d'essai caractérisaient un abus de droit, et si les prestations accomplies avant la prise de fonctions constituaient un travail dissimulé au sens de l'article L. 8221-5 du code du travail.

La cour a infirmé le jugement. Elle a jugé abusive la rupture de la période d'essai et condamné l'employeur à verser 3 000 euros de dommages et intérêts. Elle a également retenu la qualification de travail dissimulé et alloué l'indemnité forfaitaire de six mois de salaire.

Cet arrêt présente un intérêt certain en ce qu'il illustre les limites de la liberté de rupture durant l'essai (I) et sanctionne le recours à des prestations de travail hors tout cadre contractuel (II).

 

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