A bas l'abaya, voilà ce qu'on entend, en synthèse, dans les médias qui commentent l'interdiction de principe dicté par l'actuel ministre de l'Education nationale. au sein de l'école de la République.
Pour certains, il était temps; pour d'autres, on regarde le doigt qui pointe la lune et non l'astre luisant dans la nuit noire: une éducation nationale telle une lune décroissante.
C'est qu'il y a un contexte, des idéologies à l'oeuvre mais elles ne disent pas leurs noms. Le navire de l'Education nationale - miroir de la société française en général - a changé de pilote alors qu'elle n'a pas changé de capitaine; du coup, l'équipage et les passagers se sentent un peu perdus: quel cap est il donné au final à cette traversée? A force de "en même temps" par tous les temps, on se sent tanguer jusqu'au mal de mer alors que beaucoup voudraient juste une direction vers un port d'attache, n'importe lequel pourvu qu'il soit sur la carte. Et c'est bien là qu'est le débat sur le pont: vers quel port allons nous faire échouer ou mouiller (le navire) avec, à bord, toutes nos jeunes têtes pensantes dont il est rappelé que ce seront soit des futurs votants soit de futurs gouvernants, selon leur sentiment d'appartenance citoyenne à la société française.
A bas l'abaya! Est ce une réclame pour modéle politique? Est ce que le droit actuel permet au politique de fixer de telles interdictions? Rien de pire qu'une annonce bien faite sanctionnée par les têtes bien pleines de juges administratifs. Le droit en la matière ne date pas d'hier mais de 2004. La loi du 15 mars trés exactement interdit le port de signes ou tenues religieuses à l'école, non seulement pourr les agents publics mais aussi pour les usagers de ce service, à savoir les élèves.
Le problème, maintes fois exposé depuis prés de 20 ans, est qu'il n'y a pas de définition objective et simple de ce qu'est un signe ostentatoire ou une tenue religieuse. Ce n'était pas perçu comme problématique au début puisque cela permettait aux chefs d'établissement de faire du cas par cas, les cas étant relativement isolés.
La difficulté pour ces chefs d'établissement ou les professeurs s'est accentuée quand le phénomène s'est amplifiée au sein d'une classe d'âge de 2ème ou 3eme génération de français issue de l'immigration qui venait revendiquer des identités qui mélangeaient culture, religion et idéologie mettant à mal tant le cadre républicain (neutralité, laicité, égalité, liberté) que l'idée de démocratie (revendications violentes, absence de conscience politique au profit de l'identité) sans que notre société soit en mesure de répondre dés lors qu'il y a, depuis 20 ans au moins, une crise de confiance généralisée envers les institutions. Celle ci dépasse le champ des débats politiques classiques et, il faut bien le constater, se constate dans bien d'autres pays occidentaux, de façon grave et répétée.
Les dictatures semblent être une solution pour des sociétés vieillissantes, y compris sur la base d'idées rétrogrades qui limitent libertés et droits au profit de la sécurité, mère des toutes les pensées liberticides, que réalisent les guerres, les putches, les prologations ad vitam eternam de mandats électifs d'une même caste, etc.
A bas l'Abaya pourrait donc être traduite comme le cri de guerre d'une société qui se défend contre une autre qui tente d'y entrer. C'est d'ailleurs une méthode d'entrisme employée par des idéologues réputés et elle a fait ses preuves en d'autres temps. Cet entrisme là, conscient ou inconscient selon l'âge et le degré d'engagement des adolescents qu'il vise, ne peut être combattu qu'au plan national et non établissement par établissement. Il faut une parole forte et claire d'un ministre en charge de l'éducation nationale, de l'instruction nationale devrait on dire à moins qu'on admette enfin que la famille étant trés affaiblie, l'éducation doit se faire aussi via la société et non seulement dans les vases clos de communautés familiales aux contours à géométrie variable. Mon frère, ma soeur, mon cousin sont des appelations courantes dans des milieux où en réalité, l'appartenance n'est pas véritable mais contrainte. Ils ont en commun des ennemis désignés d'avance, pas forcement les amis.
La parole du ministre Attal a été amplement diffusée mais s'est elle traduite parfaitement auprès de ceux là même que cela concerne, à savoir les acteurs de l'éducation nationale, ceux du premier front?
Le ministre en tant que chef de service suprême de son ministère a un pouvoir réglementaire de prendre toutes les mesures nécessaires à l'organisation des services, en l'espèce celui de l'Education nationale. Pour une fois, les chefs d'établissement et leurs équipes savent ce qu'est une abaya ou ses formes détournées dés lors qu'on peut en déduire la religion ou la culture. Cette tenue est visible, portée par des jeunes filles comme des signes de reconnaissance comme d'autres portent des survêtements. Celles qui se présenteront avec cette tenue ne seront pas automatiquement refoulées mais auront une explication de texte de ce que recouvre et du pourquoi de l'interdiction de port de ce vêtement. Elles pourront donc aller se changer ou retirer ce vêtement. AU cas où elles n'y renoncent pas, une procédure disciplinaire s'engagera qui pourra aller jusqu'à l'exlusion. Quid des établissements privés sous contrat?
Il est certain que ces jeunes femmes ne se réclameront pas d'une religion mais d'une liberté de se vêtir comme elles le veulent. Le problème est que ce sont les associations musulmanes et des tenants de la liberté des mulsulmans qui montent en première ligne pour expliquer que l'abaya n'est pas un vêtement religieux. Alors quoi? Puisqu'il ne s'agit pas d'un vetement religieux, bien qu'ostentatoire, il ne tomberait pas sous le coup de la loi de 2004? En réalité, il suffit que l'on puisse identifier la personne qui porte ce vêtement, comme appartenant à une communauté déterminée pour que ce principe s'applique. Ainsi, une jeune femme qui voudrait porter la coiffe traditionnelle bretonne se verrait sans doute sanctionnée de la même façon, pour une revendication un peu trop régionaliste. A voir!
La question tranchée par le ministre en cache en réalité une autre: l'Islam vécu par une frange des musulmans n'est pas seulement une religion pratiquée dans l'intimité; elle est aussi une pratique qui est revendiquée dans l'espace public dés lors qu'espace privé et public n'existe pas pour quelques interprètes d'un Islam radicalement opposé à nos valeurs républicaines et démocratiques, ne serait ce que l'expression et la place des femmes dans la société.
Il n'est d'ailleurs pas innocent que ce soit toujours via le statut des femmes qu'une société rende compte de sa bonne ou mauvaise santé. Une femme à qui on dicte sa tenue et son comportement via des contraintes étatiques, sociales ou sociétales que ce soit en Afghanistan, en Iran, aux Etats-Unis, en Inde, en Afrique ou en France, fixe le niveau de pauvreté mais aussi d'éducation et de liberté globale de la société dans laquelle elle vit. C'est pourquoi, tout signal visant les femmes, jeunes ou pas, est toujours important.
La circulaire, acte réglementaire de base, qui rappelle l'état du droit existant, n'est pas susceptible d'être contestée devant les juridictions administratives sauf éventuellement dans un cadre de procédure disciplinaire.
A moins d'être floue, sans grand intérêt pour les chefs d'établissement et donc inapplicable, la circulaire aurait le mérite de faire une application d'une loi existante et contribuerait à donner une base légale et solide à des décisions locales de chefs d'établissement ou de commissions de disciplines qui peinaient à protéger un espace éducatif trés affaibli par les affaires de harcèlement scolaire, de pénurie d'enseignants et au final un affaiblissement général et inquiétant du niveau des éleves, les citoyens de demain, voire d'aujourd'hui.
A bas l'Abaya? iI faut retrouver un slogan rassembleur: Un pour toutes et toutes pour Une République laïque, celle qui permet notamment aux hommes et aux femmes la libre adhésion, ou pas, à des idées spirituelles pluralistes et son expression dans le champ de la vie privée et de l'espace public sans prosélytisme.
Le Conseil d'Etat saisi en référé devrait trancher, saisi par des associations de ...musulmans. La question de la recevabilité devrait du coup se poser dans des termes interessant si leur posture est que l'abaya n'est pas un vêtement religieux.
Vivement Jeudi!
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