Le contrat d’assurance-vie est un placement financier proposé par une compagnie d’assurance. L’assuré investi des fonds de manière à produire des revenus qui s’ajouteront à son capital initial. Le capital et les plus-values sont récupérables à tout moment. Pour récupérer tout ou partie de son épargne de son vivant, il suffit à l’assuré de demander le rachat total ou partiel de son contrat d’assurance-vie.

Le contrat prévoit également qu’en cas de décès, l’épargne accumulée sera versée aux(x) bénéficiaire(s) préalablement désigné par l’assuré, indépendamment de sa succession. C’est l’objet de la clause bénéficiaire.

C’est donc au décès du titulaire d’un contrat d’assurance-vie que le contrat prend généralement fin. On parle de libéralité mortis causa.

Le capital garanti en cas de décès doit alors être versé à la personne ou aux personnes désignés dans la clause bénéficiaire du contrat. Mais il appartient aux bénéficiaires de demander ce versement, dont l’assureur n’a pas à prendre l’initiative.

Cependant l’article L. 132-7 du Code des assurances fixe deux exceptions à ce versement. Le capital décès ne peut être versé au (x) bénéficiaire (s) si l’assuré se suicide au cours de la première année du contrat. Il en va de même lorsque le(s) bénéficiaire(s) sont condamnés pour avoir donné volontairement la mort à l’assuré ou au souscripteur. Si d’autres personnes ont été désignées comme bénéficiaires, elles pourront percevoir le capital prévu au contrat.

Lorsqu’aucune de ces deux situations n’apparaît, les bénéficiaires désignés doivent transmettre à l’assureur un certain nombre de pièces notamment les justificatifs du décès et de l’identité des bénéficiaires ainsi qu’une attestation fiscale.

L’assureur doit verser le capital dans le délai d’un mois suivant la réception de toutes les pièces du dossier. Au-delà d’un mois, les sommes non versées portent intérêt à une fois et demi le taux légal, et au double du taux légal à partir de deux mois de retard.

Dans les successions compliquées, quand le dossier tarde à être constitué, l’assureur est tenu de rémunérer le capital non versé au plus tard un an après le décès, aux conditions précisées dans le contrat (article 132-5 du Code des assurances).

 

  1. Le principe : l’assurance-vie est hors succession

En règle générale, les contrats d’assurances-vie ne font pas partie de la succession. L’article L. 132-13 du Code des assurances dispose que « le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant ». En effet, le capital que les bénéficiaires au contrat vont percevoir ne rentre pas dans l’actif successoral. Toutefois, il existe des mécanismes juridiques qui permettent, dans certaines situations, une réintégration de l’intégralité du contrat ou des primes exagérées et donc le paiement de droits de mutation à titre gratuit.

Afin que le souscripteur du contrat d’assurance-vie ne puisse pas déshériter ses héritiers, la loi prévoit certains cas où le contrat va être réintégré dans la succession :

dans le cas où les primes versées sont exagérées en considération des moyens financiers et de l’âge du souscripteur ;

dans le cas où le contrat d’assurance-vie serait souscrit à un âge assez avancé, l’administration fiscale pourrait requalifier le contrat en donation indirecte.

Il n’est en principe pas obligatoire de déclarer l’existence d’un contrat d’assurance-vie auprès du notaire. 

 

  1. Dans quel cas peut-on réintégrer un contrat d’assurance-vie dans la succession ?

Primes exagérées du souscripteur qui sont sujettes à la réduction. L’article L132-13 alinéa 2 du Code des Assurances prévoit que, les règles dérogatoires de l’assurance vie ne s’appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Les héritiers du souscripteur peuvent alors demander la réintégration du capital de l’assurance vie dans la succession.

La notion de prime manifestement exagérée ne fait cependant l’objet d’aucune définition textuelle.

De l’ensemble de la jurisprudence, il faut retenir que le juge du fond doit se garder d’une appréciation purement arithmétique ou objective du caractère manifestement exagéré de la prime et se contenter de mettre en balance les primes payées et les revenus et/ou l’actif patrimonial du contractant à l’assurance.

Il est nécessaire pour chaque opération de tenir compte de l’intention qu’a poursuivie le contractant à l’assurance vie.

Les juridictions examinent notamment l’âge, la situation patrimoniale et familiale de la personne ; mais aussi et surtout l’utilité que l’opération d’assurance a pu avoir pour le souscripteur.

Le critère de l’utilité est donc devenu au fil de la jurisprudence, le critère essentiel de l’appréciation du caractère manifestement exagéré d’une prime.

En pratique, les primes manifestement exagérées concernent des hypothèses où le souscripteur a fait un versement unique d’un montant très important, ou des versements très importants sur des courtes périodes.

Pour exemple, le souscripteur qui verserait 90 % de son patrimoine à titre de prime, ou la totalité des liquidités disponibles, ou la moitié des liquidités issues de la vente de son patrimoine immobilier pourrait encourir la sanction des juges. Alors que, le souscripteur qui aurait amassé un important capital tout au long de sa vie ne pourra cependant être suspecté et encourir la sanction même si l’addition des primes versées dépasse largement son patrimoine disponible au moment du dénouement du contrat.

Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 3 novembre 2021, les magistrats ont jugé que les primes versées dans le contrat d’assurance-vie étaient manifestement exagérées, de sorte que l’héritier du souscripteur était en droit de demander la réintégration de ces primes dans la succession.

 

  1. Requalification du contrat d’assurance-vie en contrat de capitalisation

Le contrat de capitalisation est différent du contrat d’assurance-vie. Les deux contrats ont des caractéristiques proches ; toutefois, le contrat de capitalisation entre dans la succession du souscripteur et est donc transmis à ses héritiers. En effet, le contrat de capitalisation n’est pas un contrat aléatoire et son économie ne repose pas sur la survie ou sur le décès du souscripteur. C’est un contrat d’épargne qui permet de placer une somme d’argent sur des supports diversifiés.

Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 18 juillet 2000, les juges de la Cour ont requalifié le contrat d’assurance-vie en contrat de capitalisation, car il n’y avait pas d’aléa relatif à la durée de vie du souscripteur. Ainsi, le contrat a dû être rapporté à la souscription.

 

  1. Requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte

 

  1. Un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation

« si les circonstances par lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de l’assurance-vie de se dépouiller de manière irrévocable » (Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-section, 6 février 2006, n° 262312, Jurisdata n° 2006-069622).

Une jurisprudence récente est venue illustrer le cas de la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable.

Dans cette affaire, un homme gravement malade avait consenti peu de temps avant sa mort, trois assurances-vie au profit de son héritière. Cette dernière n’ayant pas fait mention de cette assurance-vie ni des dons consentis, dans la déclaration de succession, l’administration fiscale lui a demandé des précisions et a notamment soulevé le fait que cette dernière étant désignée unique bénéficiaire de ces trois assurances-vie, elle avait pu bénéficier d’une donation indirecte.

Il a été possible d’aboutir à ce raisonnement en observant que le caractère aléatoire de l’assurance-vie avait fait défaut.

En effet, la particularité d’un contrat d’assurance-vie repose sur son caractère aléatoire, à savoir le décès du souscripteur. Tous les effets du contrat dépendent de la durée de vie du défunt. Ce n’est qu’au moment du décès que le capital sera versé au bénéficiaire.

L’abus est avéré dès lors que le contrat d’assurance-vie se caractérise par une « absence d’aléa ». Comme tout produit commercialisé par les assureurs, en effet, l’assurance-vie doit comporter, au moment de sa souscription, une part d’aléatoire : l’assuré peut mourir le lendemain, dans dix ans ou dans trente ans ; il peut aussi décider de racheter, ou non, une partie de son contrat, minorant ainsi la part qui reviendra au bénéficiaire.

Lorsque le contrat est ouvert par l’assuré sur son lit de mort, tout aléa est absent. Un tel acte révèle la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable.

Dès lors l’administration fiscale estime qu’il y a une absence d’aléa, elle peut requalifier l’assurance-vie en donation.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 2 novembre 2022, rappelle qu’un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable. L’absence d’aléa peut notamment être caractérisée lorsque la disposition n’a été prise que quelques jours avant le décès du souscripteur.

En l’espèce, il n’y a pas d’absence d’aléa, car le défunt a eu la possibilité pendant plus de 8 mois de revenir sur la désignation de sa petite fille. Il n’est donc pas démontré de dépouillement irrévocable. De plus, la petite fille du défunt n’avait pas connaissance de la clause bénéficiaire la concernant.

La Cour décide par conséquent de confirmer le jugement ayant à juste titre retenu qu’il n’est pas démontré que le défunt avait eu l’intention de se dépouiller de manière irrévocable au profit de sa petite-fille et qu’il n’y a pas lieu de requalifier cette modification de clause bénéficiaire en donation indirecte.

En revanche, l’insertion d’une clause statutaire de répartition inégale des bénéfices au profit des nus-propriétaires de parts sociales ne peut constituer le support d’une donation indirecte.

Dans un arrêt de la Chambre mixte en date du 21 décembre 2007, les juges ont requalifié le contrat d’assurance-vie en donation indirecte. Les circonstances dans lesquelles le bénéficiaire avait été désigné ont révélé la volonté du souscripteur de se dépouiller. L’opération est donc assujettie aux droits de mutation à titre gratuit.

 

  1. Effets de la requalification en donation

Conformément à l’article L132-21 du Code des assurances, le capital de l’assurance vie est en principe à exclure de la succession.

Cependant, en cas de requalification en donation, la principale conséquence est la réintégration dans l’actif successoral du défunt et la soumission à l’impôt.

Dans ce cas, l’héritier ne peut plus bénéficier du régime de faveur de l’assurance-vie qui, rappelons, se situe hors succession

En pratique, les conséquences fiscales de la requalification sont d’autant plus importantes que les services fiscaux ne sont pas nécessairement tenus, dans ces circonstances, de mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit.

Si l’intention de l’assuré était de contourner la loi successorale, par le biais d’une donation déguisée, la prime doit être rapportée à la succession et produira intérêts avec capitalisation annuelle à compter de la date du décès (CA Bordeaux, 21 octobre 2014, n13/06520).

 

  1. Recel successoral et contrat d’assurance-vie

Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 12 décembre 2007, les magistrats ont estimé que la seule non-révélation d’un contrat d’assurance-vie ne constituait pas un recel successoral. L’assurance-vie n’est pas un contrat qui fait partie de l’actif successoral du de cujus, il n’est donc pas rapportable. Toutefois, les juges admettent que le recel successoral peut intervenir en cas d’intention de dissimuler le contrat et au regard du caractère exagéré des primes que celui-ci procure au bénéficiaire.

Si les conditions de l’infraction du recel successoral sont remplies, les héritiers lésés pourront alors demander l’intégration du contrat d’assurance-vie dans la succession du de cujus.

 

  1. Désignation du bénéficiaire au contrat d’assurance-vie par testament

La désignation d’un bénéficiaire par un testament permet de faire rentrer le contrat d’assurance-vie dans la succession. Cette manœuvre est contraire au principe posé par l’article L132-12 du Code des assurances qui dispose que « le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré ».

Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 10 octobre 2012, M. X, veuf de Mme X avait fait un testament olographe aux termes duquel il déclarait vouloir léguer le capital de son contrat d’assurance-vie à l’une de ses filles, Mme Z et à ses deux enfants. Ses autres filles, Mme B et Mme A ont assigné Mme Z et ses enfants en liquidation et partage de la communauté et des successions de M. X et de Mme X. Les magistrats ont admis que le bénéfice de l’assurance-vie constituait une libéralité rapportable à la succession qui est réductible à la quotité disponible en application de l’article 918 du Code civil.

 

 

Sources :

  1. https://www.legalnews.fr/civil/successions-et-liberalites/106480-reintegration-a-la-masse-successorale-de-primes-d-assurance-vie.html
  2. https://www.avocats-picovschi.com/l-assurance-vie-est-elle-toujours-hors-succession_article-hs_101.html
  3. Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 juillet 2007, 06-14.048, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  4. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 19 mars 2014, 13-12.076, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  5. Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 3 novembre 2011, 10-21.760, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  6. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 18 juillet 2000, 97-21.535, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  7. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 26 octobre 2010, 09-70.927, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  8. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 18 décembre 2012, 11-27.745, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  9. Cour de cassation, Chambre mixte, 21 décembre 2007, 06-12.769, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  10. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 décembre 2007, 06-19.653, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  11. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 octobre 2012, 11-17.891, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)