Pourquoi saisir un avocat en droit des successions pour des questions de propriété intellectuelle ?

La question paraît un peu étrange dans la mesure tant les deux spécialités sont différentes et n’ont rien en commun. Solliciter un avocat en droit des successions n’a pas la même orientation que celle de l’avocat en droit de la propriété intellectuelle.

En effet, Le recours à un avocat dans le cadre d’une succession est obligatoire s’il y a conflit entre les héritiers. Le rôle de l’avocat en droit de la succession sera de conseiller son client, de trouver un terrain d’entente entre les héritiers et de défendre son client en cas de procédure de partage judiciaire.

En outre, solliciter un avocat en droit de la propriété intellectuelle c’est protéger ses droits en tant qu’auteur ou en tant que créateur. En effet, l’avocat en droit de la propriété intellectuelle est orienté beaucoup plus sur la défense des activités immatérielles. Il défend les droits de l’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique et/ou le titulaire d’un droit exclusif.

Alors quelles sont les raisons d’avoir un avocat en droit des successions qui connaît bien la propriété intellectuelle ?

Le droit successoral est un droit qui pénètre l’environnement des autres spécialités du droit. En effet, le spécialiste du droit successoral n’a pas forcement besoin d’être un spécialiste d’un droit différent que le sien pour intervenir en défense des droits des héritiers. Ce qui intéresse ce spécialiste c’est la protection des droits de ses clients en tant qu’héritiers. Quelles sont les parts qui leur sont réservées ? Quelles sont les parts de la réserve successorale de ses clients qu’il doit défendre ? Tout ce qui n’est pas du domaine successoral n’est pas de ses compétences.

À titre d’exemple, dans la succession de Johnny Hallyday nous étions dans un droit spécifique qui est la propriété intellectuelle. Sauf que l’imbroglio de cette succession a fait appel à plusieurs avocats en droit des successions pour se prononcer sur cette affaire. Pour ces avocats spécialistes en droit des successions, on ne déshérite pas un enfant en France. L’on connaît la suite avec toutes les interprétations juridiques entre la loi du for et celle d’un autre État.

Ceci étant, la propriété intellectuelle est composée en premier lieu des droits de la propriété littéraire et artistique qui protège par le biais du droit d’auteur les écrits, les œuvres dramatiques, musicales audiovisuelles, d’art plastique, photographiques, les logiciels, les œuvres publicitaires, les bases de données, les œuvres multimédias. Il existe également des droits voisins du droit d’auteur détenus par les artistes-interprètes, les producteurs de vidéogrammes et de phonogrammes, et les entreprises de communication audiovisuelle.

La propriété industrielle qui protège : les innovations (produits industrialisables, procédés industriels, substances chimiques, produits et procédés biotechnologiques) par le biais des brevets, des certificats additionnels ou d’utilité, des certificats d’obtention végétale et des topographies de semi-conducteurs ;les éléments constitutifs d’une raison sociale ou d’une marque d’exploitation ; les dessins et les modèles sur la base desquels peut être reproduit un bien ; les appellations d’origine et indications de provenance protégées. 

Le principe général selon lequel chacun a droit à la protection de ses intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur est posé par l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948.

Tous ces droits, il faut le rappeler sont transmis à cause de mort aux ayants cause des auteurs principaux. Et, cette transmission se fait par voie successorale. Le droit des successions pourrait être défini comme la transmission à cause de mort du patrimoine du De cujus à ses héritiers présomptifs ou réservataires.

Ces deux spécialités du droit étant très différentes méritent toutefois d’être mises en relation. C’est pourquoi la question mérite d’être posée : pourquoi saisir un avocat en droit des successions pour des questions de propriété intellectuelle ?

 

  1. L’avocat en droit des successions protège les droits des ayants cause des auteurs et inventeurs à leur décès

 

  1. Héritiers du droit d’auteur

La succession de Johnny Hallyday est un exemple parfait du rôle que pourrait avoir un spécialiste en droit des successions dans une affaire concernant la propriété intellectuelle. En effet, dans son ultime testament rédigé en 2014, Johnny aurait transmis l’intégralité de sa succession et de ses droits attachés à l’exploitation de son œuvre à son épouse Lætitia et à leurs deux enfants communs, Jade et Joy. Il a constitué des trusts à cet effet. Il déshéritait ainsi ses enfants David et Laura, en précisant qu’il les avait déjà gratifiés de son vivant. Sa succession comprend des biens en France, à Saint-Barthélemy, en Californie et en Suisse.

La bataille judiciaire engagée par les enfants exhérédés a suscité une mobilisation médiatique impressionnante.

La protection est effectuée sur la base d’un niveau élevé d’harmonisation. L’article 1er de la directive 2006/116/CE prévoit une protection de 70 ans après la mort de l’auteur, quelle que soit la date à laquelle l’œuvre a été licitement rendue accessible au public (Dir. 2006/116/CE du Parlement européen et du Conseil 12 déc. 2006, art. 1er).

En cas d’œuvre collective, le délai démarre après la mort du dernier survivant.

Après la mort de l’auteur, le droit moral demeure un instrument de sauvegarde de sa personnalité (CA Paris, 4e ch., sect. B, 29 sept. 1995, n° 92-26114 : Petites affiches, 28 juill. 1997, p. 11, note D. Gaudel). Le légataire universel a vocation à recevoir l’universalité héréditaire, et, en particulier, à devenir titulaire, même en présence d’héritiers réservataires, du droit moral de l’auteur.

Les dépositaires, à défaut de choix par le défunt, sont ses descendants et son conjoint ni divorcé, ni séparé de corps, ni remarié, même s’ils renoncent à la succession, et ses héritiers ab intestat ou légataires universels à condition de recueillir effectivement la succession (Code de la propriété intellectuelle, art. L. 121-2), sans qu’il y ait à prendre en considération l’existence ou le défaut de relations proches entre l’auteur défunt et les titulaires successifs du droit moral (CA Paris, 14 juin 1972 : RIDA, oct. 1972, p. 135).

Les dévolutions successorales successives permettent, sans limitation de durée, l’exercice du droit moral (CA Versailles, 3 oct. 1990, n° 41 : D. 1990, IR, p. 253). En cas de dévolution du droit moral indivisément entre plusieurs héritiers, chacun d’eux est recevable à agir soit en justice contre quiconque y porte atteinte, dès lors qu’une telle action entre dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accepter seul en application de l’article 815-2 du Code civil (CA Paris, 4e ch., sect. A, 31 mars 2004, n° 2003/06582).

En cas d’abus notoire dans l’usage ou le non-usage du droit moral de l’auteur décédé, les tribunaux peuvent, sur la demande de toute personne intéressée, ordonner toute mesure propre à faire respecter la volonté du défunt (Code de la propriété intellectuelle art. L. 121-3). La spécificité du droit moral justifie en effet que soit recherché quelles sont les volontés de l’artiste au regard de l’éventuelle désignation d’un titulaire du droit moral. L’intérêt du public semble aussi inspirer certaines décisions.

Pour les œuvres posthumes, le conflit, après expiration de la durée normale du monopole d’exploitation entre le propriétaire du manuscrit et celui d’une copie a été tranché en faveur du premier.

L’avocat spécialisé en droit des successions peut aider son client à protéger ses droits. Ses connaissances en matière successorale sont très indispensables pour les héritiers.

 

  1. Héritiers des droits de propriété industrielle

Tout comme le droit littéraire et artistique, les droits de propriété industrielle sont transmis à cause de mort aux héritiers avant que pour certains ne tombent dans le domaine public et c’est le cas des brevets d’invention.

Pour ce qui est du droit des marques, « L’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services désignés » (Code de la propriété intellectuelle art. L. 713-1).

Le titulaire de la marque peut s’opposer à toute exploitation de sa marque à laquelle il n’aurait pas consenti (CA Paris, 1re ch., sect. A, 7 mai 1997, n° 95/9185). Empruntant au droit antérieur, le Code de la propriété intellectuelle énumère les interdictions qui résultent de l’enregistrement en faisant une distinction suivant que les produits recouverts sont identiques ou simplement similaires. Selon l’article L. 712-1, alinéa 2, du Code de la propriété intellectuelle, l’enregistrement produit ses effets à compter de la date de dépôt de la demande pour une période de 10 ans indéfiniment renouvelable. Il est prévu en application des articles L. 712-9 et R. 712-24 du Code que l’enregistrement est renouvelé pour une nouvelle période dont la durée est également de 10 ans.

En ce qui concerne le droit des brevets, l’article 611-6 du Code la propriété intellectuelle dispose que le droit au titre de propriété industrielle mentionné à l’article L. 611-1 appartient à l’inventeur ou à son ayant cause.

Le breveté possède les droits exclusifs de son invention pendant une durée de 20 ans La durée du monopole reconnu au titulaire d’un brevet français ou européen par la loi française et les conventions européennes est de 20 ans (CBE, art. 63C. Code de la propriété intellectuelle art. L. 611-2). Elle peut être prorogée lorsqu’il s’agit d’un brevet de médicament.

Enfin, le droit des dessins et modèles déposé par la voie nationale, d’une durée de protection supérieure à 15 ans, l’enregistrement international peut être renouvelé, à l’égard de cette partie contractante, pour des périodes supplémentaires de cinq ans jusqu’à l’expiration de la durée totale de protection prévue par la législation nationale.

Dans tous les cas, les droits de propriété industrielle sont transmis aux ayants cause afin de poursuivre l’œuvre de leur auteur.

Pour ce faire, un avocat spécialisé en droit des successions doit être sollicité pour défendre les droits des héritiers réservataires.

Par conséquent, durant toute la période du droit exclusif, les ayants cause pourraient saisir l’avocat en droit des successions pour protéger leur droit.

 

  1. L’avocat en droit des successions peut aider les ayants cause des auteurs et inventeurs à sortir de l’indivision

Dans l’affaire Johnny Hallyday, au-delà de la question de succession internationale il y avait une autre question : celle de sortir de cette indivision successorale.

L’indivision opère une dissociation entre la chose, matériellement indivise, et le droit, représenté par une quote-part abstraite, revenant à chaque propriétaire indivis. Un même bien appartient à tous les indivisaires - totum in toto – mais la part de chacun sur ce bien ne peut être matérialisée ; elle ne s’exprime que par une fraction arithmétique (un quart ou un cinquième, par ex.) car, selon Planiol, le droit de chaque indivisaire porte sur chaque molécule de la chose – totum in qualibet parte – et y rencontre le droit de ses coïndivisaires pour la quotité leur appartenant.

Au décès de leur ascendant, tous les héritiers rentrent en indivision. Les textes qui réglementent l’indivision (Code civil, art. 815 à 842) n’en donnent pas de définition légale, celle-ci résulte de la jurisprudence.

Les articles 815 à 815-18 du Code civil constituent le droit commun de l’indivision. L’indivision se définit comme la situation de deux ou plusieurs personnes qui sont propriétaires ensemble d’un même bien, sans qu’il y ait division matérielle des parts.

Au décès des détenteurs de droit de propriété intellectuelle, leurs descendants rentrent tous en indivision.

Afin d’en sortir, les héritiers peuvent saisir l’avocat spécialisé en droit des successions pour remédier à ce problème. Nul ne peut être contraint à rester dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention (Code civil, art.  815).

Selon ce principe, tout indivisaire qui exprime la volonté de sortir de l’indivision peut contraindre ses coïndivisaires au partage des biens indivis par la voie judiciaire.

En outre, tout indivisaire est en droit d’agir seul en justice pour la défense de ses droits indivis. Il peut exercer une action en inopposabilité contre un autre indivisaire ayant passé un acte sans son contentement. L’absence de concours de tous les indivisaires peut être également invoquée par un tiers à l’indivision.

Pour assurer la défense de ses droits indivis, un indivisaire peut aussi exercer une action personnelle, étrangère aux dispositions de l’article 815-3 du code civil.

 

  1. L’avocat en droit des successions vous aide dans le partage de vos droits de propriété intellectuelle.

L’autre question dans l’affaire Johnny était celle du partage des biens de l’auteur. Là encore l’avocat spécialisé en droit des successions joue un rôle très fondamental. Il est sollicité pour ses compétences successorales pour toutes les affaires où son expertise est essentielle notamment en droit successoral des biens immatériels.

L’avocat en droit des successions des biens immatériels peut aider son client à provoquer le partage amiable ou judiciaire.

L’indivision est un état provisoire. Le principe est, en effet, que nul ne peut être contraint d’y demeurer. Le partage qui met fin à l’indivision peut toujours être provoqué par tout indivisaire (Code civil, art.  815). L’action en partage est imprescriptible.

Le partage amiable suppose en principe l’accord et la présence de tous les indivisaires. Si tel n’est pas le cas et qu’un indivisaire ne se manifeste pas, un copartageant peut le mettre en demeure, par acte d’huissier, de se faire représenter au partage amiable par une personne de son choix.

 En cas de silence persistant durant 3 mois, un copartageant peut demander au juge de désigner une personne qualifiée pour représenter l’indivisaire inactif. Ce représentant signera l’acte de partage avec l’autorisation du juge. Il ne s’agit pas ici d’un partage judiciaire car le juge ne contrôle pas la régularité des opérations dont la forme et les modalités sont choisies par les parties (Code civil, art 835 à 839).

Lorsqu’un partage amiable s’avère impossible (refus d’un indivisaire ou contestations diverses), une procédure en partage judiciaire peut être engagée (Code civil, art 840 à 842). Le tribunal judiciaire (le TGI avant le 1er janvier 2020) compétent ordonne le partage et désigne un notaire pour présider aux opérations de liquidation et de partage, établir un procès-verbal de difficultés en cas de contestation et dresser un état liquidatif soumis à l’homologation du tribunal.

 

SOURCES :