Le 30 janvier 2019, la Cour de cassation rendait un arrêt inédit selon lequel une demande de rapport d'un bien dans la masse partageable en application de la sanction du recel successoral ne peut être formée « qu'à l'occasion d'une instance en partage judiciaire » (Cour de cassation, 1re chambre civile du 30 janvier 2019, no 18-11.078).

Elle ajoute deux précisions, une défavorable à la victime du recel, une autre plus favorable. La précision défavorable pour commencer : « une telle action ne peut plus être engagée lorsque les parties, ayant déjà procédé au partage amiable de la succession, ne sont plus en indivision ».

La précision paraît logique : comment intenter une action en partage judiciaire d'une indivision partagée qui n'existe plus ? Dans le sens de la solution de la Cour de cassation, on rappellera que l'action en recel a pour objet de garantir, avant les opérations de partage, l'intégrité de la masse partageable.

Il s'agit donc, comme pour le rapport classique, de préparer le partage, ce qui explique l'éviction du recel non seulement en l'absence de toute indivision (Cour de cassation, 1re chambre civile du 9 septembre 2015, no 14-18.906, Bull. civ. I, no 194), mais également en présence d'une libéralité qui n'aurait aucune vocation à être réintégrée dans la masse partageable, à savoir une libéralité qui ne serait ni réductible, ni rapportable (Cour de cassation, 1re chambre civile du 25 mai 2016, no 15-14.863, Bull. civ. I, no 122, RJPF 2016-7*8/34, obs. Sauvage Fr. ; comp. Cour de cassation, 1re chambre civile du 27 juin 2018, no 17-21.058, note critique Grimaldi M., RTD civ. 2018, p. 723). Dès lors, si le partage est intervenu, la sanction du recel n'aurait plus vocation à jouer.

La précision favorable est que la Cour de cassation suggère les voies actions judiciaires qui sont ouvertes aux copartageants lorsqu’un partage des biens du défunt a déjà eu lieu : une action soit en nullité du partage, soit en complément de part, soit en partage complémentaire. Les deux premières actions ont pour objet de revenir sur le partage ayant lieu. L’action en nullité vise à anéantir le partage et nécessite la preuve d’un vice du consentement tel que l’erreur, le dol ou encore la violence (Code civil, art. 887). Comme son nom l’indique, l’action en complément de part se limite à demander un complément de lot, venant s’ajouter à la part déjà reçue par le copartageant lors du partage (Code civil, art. 889).

Le copartageant doit établir qu’il a subi une lésion de plus du quart, autrement dit que son lot initial était nettement inférieur, de plus du quart, à ses droits dans le partage. L’action en partage complémentaire a un objet différent : elle ne vise pas à revenir sur le premier partage mais à demander le partage de biens supplémentaires (Code civil, art. 892). Les trois actions envisagées ont donc des finalités distinctes et sont soumises à des régimes juridiques et des délais de prescription différents.

 

  1. Irrecevabilité de l’action en recel successoral à l’encontre d’un partage amiable

 

  1. Délit de recel d’une donation rapportable après le partage amiable

L’article 1477 du Code civil définit les éléments constitutifs du recel de communauté en disposant que « celui des époux qui aurait diverti ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets. De même, celui qui aurait dissimulé sciemment l’existence d’une dette commune doit l’assumer définitivement ». À la différence de la double sanction du recel successoral, la sanction à l’encontre de l’époux ayant commis un recel de communauté est, comme le relève la doctrine, « privé de tout droit dans le bien détourné qui, avant même qu’il ne soit procédé aux opérations de partage, devient par l’effet même de la sanction légale la propriété privative de son conjoint ».

Le délit de recel successoral requiert un dol spécial, son auteur devant avoir pour intention de frustrer ses cohéritiers. L’article 778 du Code civil précise que « (…) l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés.

Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont où auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession ».

De ce point de vue, il convient de rappeler que les héritiers légaux peuvent être poursuivis pour avoir dissimulé des biens successoraux voire un héritier ayant vocation à hériter. Dans bien des cas, le délit civil de recel successoral est assimilé au fait de se prévaloir sciemment et de mauvaise foi d’un acte de notoriété inexact. En l’espèce, il était reproché à la cohéritière d’avoir distrait des sommes d’argent avant le décès de X, si bien que les sommes litigieuses sont communes, et que le rapport devra se faire par moitié à chaque succession.

Il convient de rappeler que la Cour de cassation estime que le délit de recel n’est pas constitué en l’absence d’opérations du partage successoral, ainsi a-t-elle jugé qu’« ayant retenu que Mme Y avait opté pour l’usufruit de la totalité de la succession, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a exactement décidé qu’elle ne disposait pas de droits de même nature que ceux de Mme X, nue-propriétaire, de sorte qu’il n’y avait pas lieu à partage entre les héritiers en l’absence d’indivision et que la dissimulation des fonds alléguée ne pouvait être qualifiée de recel successoral ».

 

B)       Fin de l’indivision successorale

Le recel successoral suppose une indivision. En effet, c’est dans la rédaction des textes eux-mêmes que se manifeste clairement la question de la nécessité que le bien ou droit recelé fasse effectivement partie de la succession, car, depuis la réforme successorale de 2006, l’article 778 du Code civil sanctionne la dissimulation d’un bien ou d’un droit qui est susceptible de faire partie de la succession. Pourtant, cela n’a pas empêché la jurisprudence d’œuvrer à son interprétation, car aux termes d’un arrêt, la Cour de cassation a jugé : « Attendu que l’arrêt attaqué (Bordeaux, 14 décembre 1987) retient, par motifs adoptés des premiers juges, que Mme Andrée D. épouse L. a volontairement caché à ses cohéritiers lors de la liquidation de la succession de sa mère, l’existence de bons au porteur appartenant à la défunte qu’elle prétend maintenant avoir reçue en donation ; Que la cour d’appel a ainsi caractérisé l’existence d’un recel successoral sans avoir à répondre à l’allégation inopérante de Mme D. qui soutenait que cette donation avait été dispensée de rapport et était inférieure à la quotité disponible, l’héritier gratifié étant tenu de révéler les libéralités qui ont pu lui être faites, lesquelles constituent un élément dont il doit être tenu compte dans la liquidation de la succession et qui peut influer sur la détermination des droits des héritiers ; Par ces motifs : rejette le pourvoi ». En l’espèce, le rejet du pourvoi par la Cour de cassation est prononcé dans des termes clairs.

On ne peut manquer de s’interroger sur le démembrement de propriété et sur le risque de recel successoral. En effet, même si en combinant les articles 913 et 1094 du Code civil, on parvient à cantonner les libéralités, il reste tout de même qu’en matière d’option pour la plus forte des quotités disponibles entre époux, des difficultés d’articulation des droits peuvent apparaître. Sous prétexte de protéger le conjoint survivant par l’option généralement conseillée consistant à opter pour un quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit. Or en l’espèce, le conjoint survivant ayant opté pour la totalité de la succession en usufruit, il n’y a pas de droits de même nature avec les enfants.

On lira à ce sujet l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 29 juin 2011 qui considère, à juste titre, que le recel successoral par l’époux optant pour l’usufruit de la succession n’est pas constitué, les autres héritiers n’ayant pas de droits de même nature.

En effet, pour des raisons fort diverses, il arrive que les héritiers restent en indivision et par conséquent propriétaires ensemble d’un même bien. Il faut remarquer que le délit de recel successoral sera constitué à l’encontre du conjoint survivant pour des sommes prélevées sur un compte joint. C’est ainsi que lesdites sommes prélevées par le conjoint survivant obligent ce dernier, devenu débiteur envers l’indivision, non en qualité d’héritier de son épouse, mais comme indivisaire, tenu au rapport de ce qu’il avait pris dans l’indivision avant le partage.

 

  1. L’action en contestation à l’encontre d’un partage amiable : une action manquée

A) Action en nullité pour vice du consentement

L’action en nullité pour vice du consentement irrecevable à l’encontre d’un partage judiciaire. Si l’on s’autorise une analyse classique admise par la doctrine, il faut souligner que « la forme judiciaire ayant précisément pour intérêt de rendre inutile le consentement de tous les indivisaires au partage, il va de soi que la nullité du partage judiciaire ne peut être recherchée pour vice du consentement ».

L’action en nullité pour vice du consentement recevable à l’encontre d’un partage amiable. En effet, l’article 887 du Code civil énonce que « le partage peut être annulé pour cause de violence ou de dol. Il peut aussi être annulé pour cause d’erreur, si celle-ci a porté sur l’existence ou la quotité des droits des copartageants ou sur la propriété des biens compris dans la masse partageable. S’il apparaît que les conséquences de la violence, du dol ou de l’erreur peuvent être réparées autrement que par l’annulation du partage, le tribunal peut, à la demande de l’une des parties, ordonner un partage complémentaire ou rectificatif ».

Tel n’est pas le cas évidemment si on a recours à un partage judiciaire. En l’occurrence, la Cour de cassation prend soin de préciser que la cour d’appel a déduit à bon droit que les demandes de M. O., qui n’avait ni engagé une action en nullité de ce partage ni agi en complément de part ou en partage complémentaire, n’étaient pas recevables. La haute juridiction suggère, dans l’arrêt commenté, qu’il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit d’un partage amiable. La différence tient sans doute au fait que, par définition, le consentement au partage est le critère de distinction entre les deux formes de partage.

Nullité du partage pour erreur ? Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2006-738 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités, la notion d’erreur dans le partage, ignorée par les rédacteurs du Code civil, a suscité de vives controverses jurisprudentielles et doctrinales.

Au prix « d’une acrobatie intellectuelle », la jurisprudence civile refusait d’annuler le partage pour erreur, ce qui ne l’a pas empêchée de faire évoluer sa jurisprudence par la suite. En effet, les copartageants n’étaient pas totalement dépourvus dans ce domaine puisqu’ils disposaient déjà d’un arsenal juridique : « Partage complémentaire, si un bien a été omis dans le partage ; action en garantie des lots, si un bien abusivement compris dans le partage est revendiqué par un tiers ; action en pétition d’hérédité, en cas d’admission, à tort, d’un individu dans le partage ; action en rescision pour lésion, devenue action en complément de part, en cas de lésion de plus d’un quart dans le partage ». Cependant, la jurisprudence a finalement admis, dans des cas très exceptionnels, l’action en nullité du partage pour erreur24. Désormais, le nouvel article 887, alinéa 2, du Code civil précise que le partage peut aussi être annulé pour cause d’erreur, si celle-ci a porté sur l’existence ou la quotité des droits des copartageants ou sur la propriété des biens compris dans la masse partageable. D’ailleurs, aux termes d’un arrêt récent, la Cour de cassation a jugé que l’erreur commise sur l’existence ou la quotité des droits d’un copartageant, de nature à justifier l’annulation d’une convention de partage, ne peut être déduite du seul constat d’une différence entre la valeur du lot attribué à celui-ci et celle des biens partagés.

En l’espèce, ce sont des sommes qui ont été distraites avant le décès de X. Il s’ensuit que la qualification d’erreur ne peut manifestement pas prospérer. Ainsi que l’a parfaitement énoncé le premier juge, qui a déduit à bon droit que les demandes de M. O., qui n’avait ni engagé une action en nullité de ce partage ni agi en complément de part ou en partage complémentaire, n’étaient pas recevables.

Nullité du partage pour dol ? On sait que la haute juridiction judiciaire a d’ailleurs déjà eu par le passé à connaître d’un tel contentieux. À l’évidence, dans l’affaire qui nous occupe, la question qui se posait était de savoir si la nullité du partage pour dol pouvait être retenue. Souvent, le dol et le recel sont excipés simultanément pour essayer de faire annuler le partage ou une donation-partage. C’est ainsi que dans un arrêt récent, la Cour de cassation a jugé : « Attendu que, pour condamner Mme Z. et M. B. à des dommages et intérêts, l’arrêt retient que le caractère infondé des allégations de dol et de recel successoral formulées par ces derniers avec insistance, tant en première instance qu’en cause d’appel, justifie d’allouer à Mme Y, injustement mise en cause, la somme d’un euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit d’exercer une voie de recours, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; Par ces motifs : Casse et annule ». À supposer que le dol soit constitué au regard de l’article 887 du Code civil, on ne voit guère pourquoi on interdirait ici la nullité pour dol.

 

  1. L’action en complément de part et en partage complémentaire

L’action en complément de part. Se substituant à l’ancienne action en rescision pour cause de lésion, l’action en complément de part est issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. En effet, selon l’article 889 du Code civil, lorsque l’un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature.

Pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage. L’action en complément de part se prescrit par deux ans à compter du partage. Pour retenir le caractère lésionnaire du partage, on s’accorde à reconnaître qu’il faut que l’action « soit utilement exercée, que la lésion alléguée atteigne une certaine importance et qu’elle soit établie ». En l’espèce, il n’est pas inutile de s’interroger sur la question de savoir s’il est nécessaire que la lésion procède d’une manœuvre malveillante. Ainsi, pour la doctrine la plus autorisée « (…) il n’est pas nécessaire que la lésion procède d’un dol ou d’une violence, et même lorsqu’elle est exercée obliquement par les créanciers du copartageant lésé, l’action n’implique pas une fraude à son encontre ».

L’action en partage complémentaire. La simple omission d’un bien indivis donne lieu à un partage complémentaire portant sur ce bien, en vertu de l’article 892 du Code civil. Par le passé, on a pu hésiter entre l’action en partage complémentaire et l’action en complément de part. La question est déterminante quant à l’application du délai de prescription de l’action, puisque l’action en complément de part se prescrit sur deux ans. Il en résulte que l’article 892 dudit code prévoit que la simple omission d’un bien indivis donne lieu à un partage complémentaire portant sur ce point, qu’aucun délai de prescription n’est précisé pour l’introduction d’une action en partage complémentaire, en sorte qu’il convient de faire application du droit commun du partage, c’est-à-dire imprescriptible. Un auteur a pu estimer qu’il convenait de recourir à un partage complémentaire en présence de biens indivis.

 

SOURCES :