La Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 juillet 2021, a précisé dans son arrêt que : « Ne peuvent être considérées comme une libéralité du défunt, et donc rapportées à sa succession, que les droits ou biens qui étaient dans le patrimoine du défunt et dont ce dernier a disposé à titre gratuit ».

Il résulte qu’un homme est décédé, laissant pour lui succéder son épouse, leur fille et ses deux fils, issus d’une première union. Ces derniers ont assigné la veuve en rapport à la succession de diverses donations déguisées de parts sociales.

Pour dire que l’expertise porterait sur la cession de parts sociales d’une SARL intervenue entre la société X. et l’épouse du défunt, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a retenu que le défunt détenait des parts dans cette société et était partie prenante des décisions la concernant.

La Cour de cassation reproche aux juges du fond d’avoir statué ainsi, alors qu’il résultait de leurs constatations que les parts cédées à l’épouse du défunt étaient détenues par la société X., de sorte que le défunt, qui n’en était pas propriétaire, n’avait pu en disposer, fût-ce de façon déguisée.

La première chambre civile rappelle en effet qu’aux termes de l’article 893 du Code civil, "la libéralité est l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne. Il ne peut être fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament."

  1. Pour faire un acte de disposition, il faut être propriétaire du bien résultant de son patrimoine
  2. La propriété du bien permet de disposer de ce bien entre vifs

La donation entre vifs constitue une libéralité, c’est-à-dire un acte par lequel une personne se dépouille, actuellement et irrévocablement, sans contrepartie de la propriété de tout ou partie de ses biens au profit d’une autre personne (Code civil, art. 894).

Selon l’article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

La donation entre vifs a pour effet de transférer immédiatement la propriété des biens donnés au donataire, de façon en principe irrévocable. Elle fait naître également des obligations à la charge du donateur et parfois aussi à la charge du donataire.

Entre les parties, la donation entraîne le transfert immédiat au donataire de la propriété du bien donné, dès l’échange des consentements. La remise de la chose n’est pas nécessaire, à la différence du don manuel. Toutefois, lorsque la donation porte sur une chose de genre, il est préalablement nécessaire de l’individualiser.

Certaines formalités sont parfois nécessaires pour parfaire le transfert de propriété. Les donations immobilières ne sont opposables aux tiers qu’à la date de transcription au service de la publicité foncière (Code civil, art. 939 et 941).

Les donations de créances doivent être signifiées au débiteur pour lui être opposables (Code civil, art. 1690). Pour les biens corporels soumis à publicité (fonds de commerce, titres nominatifs, brevets d’invention…), il faut accomplir les formalités légales.

Selon l’article 1021 du Code civil « Lorsque le testateur aura légué la chose d’autrui, le legs sera nul, soit que le testateur ait connu ou non qu’elle ne lui appartenait pas ».

Dans un arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 mai 2018, la Haute Cour a estimé que la Cour d’appel qui avait relevé qu’au jour de l’ouverture de la succession, la société était seule propriétaire de l’immeuble n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l’article 1021 du Code civil.

Plus précisément, dans un autre arrêt, la Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 janvier 2020, a précisé que « Sans se fonder sur la donation de la chose d’autrui, la Cour d’appel a retenu à bon droit que, passée en méconnaissance de la vente convenue et en fraude des droits de l’acquéreur, la donation consentie à M. et Mme U... devait être annulée et les parties remises dans l’état antérieur ».

  1. Les conditions relatives au donataire

Tout comme le donateur, il existe des conditions relatives au bénéficiaire, encore appelé donataire. Le donataire doit exister au moment de la donation (Article 906 du Code civil). Toutefois, l’enfant seulement conçu peut bénéficier d’une donation à condition de naître vivant et viable.

Il doit avoir la capacité de recevoir une libéralité. Certaines personnes physiques sont frappées d’une incapacité spéciale de jouissance : les médecins, pharmaciens et les personnes qui ont donné des soins pendant la dernière maladie du donataire, le tuteur avec sa pupille, les propriétaires, gestionnaires, administrateurs et employés des établissements sanitaires de la part des personnes hébergées, les aides ménagères… (Article 909 du Code civil).

Ces incapacités spéciales de jouissance s’expliquent par le fait qu’il s’agit de personnes proches du donateur, qui est souvent dans un état de vulnérabilité particulière. Aussi, afin de protéger le plus efficacement possible ces personnes, et prévenir des donations contraintes, le législateur a interdit de manière globale, ces donations.

Une donation déguisée ou faite au nom d’une personne interposée est nulle lorsque le véritable bénéficiaire est incapable de recevoir à titre gratuit (Article 911 du Code civil).

En ce sens, la Cour de cassation a jugé que : « les donations entre époux, déguisées ou faites par personne interposée, étant par nature entachées de fraude, l’héritier du donateur qui sollicite la nullité d’une telle donation peut rapporter, par tous moyens, la preuve du déguisement ». Mais les libéralités à caractère rémunératoires ou faites à des parents jusqu’au 4e degré sont autorisées (Article 909 du Code civil).

Les personnes morales de droit public, les sociétés civiles et commerciales peuvent recevoir des donations dans les limites du principe de leur spécialité, ainsi que les associations et les fondations déclarées d’utilité publique.

Le donataire doit consentir expressément à la donation. Il peut refuser la donation consentie et personne ne peut l’obliger à l’accepter. Le Code civil prévoit que cette acceptation civile peut être personnelle ou faite par l’intermédiaire d’un mandataire.

Lorsqu’il s’agit d’un mineur non émancipé ou d’un majeur en tutelle, l’acceptation doit être donnée par l’administrateur légal ou le tuteur. L’autorisation du Juge des tutelles ou du Conseil de famille est nécessaire en cas de donation avec charge.

Les parents du mineur ou ses autres ascendants, même du vivant des parents, peuvent aussi accepter la donation au nom du mineur, même s’ils ne sont pas tuteurs (Article 935 du Code civil). Le bénéficiaire peut être toute personne ayant un lien familial ou non avec le donateur. Tous les biens, appartenant au donateur, sont transmissibles par donation (biens mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels).

La seule limite imposée est le respect des éventuelles parts réservataires (s’il y a existence de descendants ou d’un conjoint marié).

L’article 912 du Code civil dispose en effet : « La réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent. La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ».

Le donateur ne dispose que de la quotité disponible, c’est-à-dire de son patrimoine, diminué des parts revenant obligatoirement à certains héritiers. De ce fait, lors de l’ouverture de la succession, toutes les donations accordées devront être prises en compte pour le calcul de la quotité disponible.

  1. L’annulation des donations
  2. Donation entre époux et Ingratitude du bénéficiaire

Le principe des donations est qu’elles sont irrévocables. Néanmoins, certaines situations spécifiques peuvent conduire à l’annulation des donations.

Les donations entre conjoints prennent effet au décès du donateur. Le donateur peut, à tout moment, révoquer cette donation, sans qu’il ne soit nécessaire de prévenir son conjoint. La révocation peut être faite devant notaire, ou simplement par la réécriture d’un testament.

La révocation intervient également automatiquement si les conjoints décident de divorcer. « La donation de biens présents qui prend effet pendant le mariage est irrévocable, sauf hypothèses d’inexécution des charges ou d’ingratitude (Code civil, art. 1096, al. 2). Elle n’est pas révocable pour survenance d’enfant, sauf si cela a été expressément prévu dans l’acte de donation (Code civil, art. 1096, al. 3). Le divorce des époux ou leur séparation de corps est sans incidence (Code civil, art. 265, al. 1er»

  1. Conditions de la donation non remplie ou conditions abusives, Décès du bénéficiaire et Naissance d’un enfant

Certaines donations sont assorties de conditions spécifiques. Le bénéficiaire, en contrepartie du don, s’engage à remplir certains engagements (qui ne doivent pas être illicites ou abusifs sinon ils ne sont pas valables).

Il peut s’agir de conditions liées à la réalisation d’un événement futur comme l’obtention d’un permis de construire, d’un diplôme, atteindre la majorité ou encore de réelles obligations (loger le donateur pendant une période donnée, effectuer des travaux).

La révocation peut avoir lieu de plein droit ou être ordonnée judiciairement. La révocation a lieu de plein droit si cette sanction a été expressément stipulée dans l’acte de donation. La clause doit cependant traduire clairement l’intention des parties d’exclure le recours au juge, sous peine d’inefficacité.

À défaut de clause expresse, la révocation est judiciaire (Article 956 du Code civil). L’action appartient au donateur ou à ses héritiers en cas de décès sauf si la charge était personnelle au donateur ou si celui-ci a renoncé de son vivant à l’action en révocation. Ainsi, si le donataire ne s’exécute pas, il est possible de remettre en cause la donation devant les tribunaux.

Le juge recherche si la charge était la cause impulsive et déterminante de la libéralité et si le manquement du donataire est suffisamment grave pour justifier la révocation.

L’acte de donation et la loi peuvent prévoir un droit de retour du bien donné. Ce droit permet au donateur de récupérer la propriété du bien si son bénéficiaire vient à décéder avant lui.

La révocation pour survenance d’enfant n’a pas lieu de plein droit. Elle doit être prévue dans l’acte de donation et résulte d’une demande en récupération des biens donnés. L’action en révocation n’appartient qu’au donateur, qui peut y renoncer, et doit être intentée dans les cinq ans à compter de la naissance ou de l’adoption de l’enfant (articles 965 et 966 du Code civil).

La révocation pour survenance d’enfant a pour effet d’anéantir rétroactivement la donation aussi bien entre les parties. Il faut préciser que la notion de « survenance d’un enfant » s’applique tout autant à la naissance, qu’à l’adoption plénière d’un enfant. Les droits de mutation à titre gratuit perçus sont restituables (a contrario, CGI, art. 1961, al. 1er).

 

Sources :

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