Pour être valables, les donations entre vifs doivent respecter des conditions de fond relatives au donateur et au donataire ainsi que des conditions de forme.

Les donations au dernier vivant, très fréquentes entre époux, sont révoquées de plein droit par le divorce. Toutefois, l'époux qui a consenti la donation peut renoncer s'il le souhaite au bénéfice de la révocation automatique. Il doit alors faire constater sa décision soit dans la convention de divorce contresignée par les avocats, soit par le juge au moment du divorce (C. civ. art. 265, al. 2).

Le divorce est sans incidence sur les donations de biens présents que les époux ont pu se consentir (C. civ. art. 265, al. 1). En conséquence, en application du droit commun des donations, celles qui ont pris effet durant le mariage sont :

-  irrévocables si elles ont été consenties depuis le 1er janvier 2005 (et si comme c'est généralement le cas, elles ont pris effet). Il n'est pas possible de prévoir une condition résolutoire au cas de divorce. Les donations qui n'ont pas pris effet durant le mariage (les donations à terme telle la réversion d'usufruit sur la tête du survivant) sont, elles, librement révocables sauf renonciation expresse ou tacite ou encore démonstration du caractère rémunératoire de la libéralité.

-  librement révocables si elles ont été consenties avant le 1er janvier 2005, sous les mêmes réserves que ci-dessus. Pour une illustration où les juges invitent à rechercher si l'époux donateur a renoncé de façon tacite mais sans équivoque à user de sa faculté de révocation.

Les règles suivantes s'appliquent aux donations effectuées depuis le 1er janvier 2005.

Le divorce est sans incidence sur les donations de biens présents (C. civ. art. 265, al. 1). En conséquence (C. civ. art. 1096) :

-  celles qui ont pris effet pendant le mariage sont obligatoirement maintenues ;

-  celles qui n'ont pas pris effet pendant le mariage restent librement révocables. Sont concernées au premier chef les donations à terme (le terme étant le décès du donateur), cas en particulier de la réversion d'usufruit sur la tête du conjoint survivant.

Pour plus de précisions, notamment sur la clause de révocation en cas de divorce, voir n° 13650 s.

Les donations au dernier vivant sont révoquées de plein droit par le divorce. Toutefois, l'époux qui a consenti la donation peut renoncer au bénéfice de la révocation automatique (ce qui est franchement déconseillé) ; il doit alors faire constater sa décision dans la convention de divorce dans le cas d'un divorce par consentement mutuel sans juge, ou par le juge au moment du divorce dans les autres cas de divorce (C. civ. art. 265, al. 2).

Le divorce est également sans incidence sur les donations de biens présents consenties avant le 1er janvier 2005. En conséquence, elles restent en principe librement révocables (C. civ. art. 1096, dans sa rédaction antérieure à la loi 2004-439 du 26-5-2004 et loi 2006-728 du 23-6-2006 art. 47, III).

Cependant, dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel, elles deviennent irrévocables si :

elles sont maintenues de façon expresse dans la convention des époux contresignée par avocats ou homologuée par le juge ;

elles ne sont pas expressément révoquées par la convention car, alors, elles ont été nécessairement prises en compte et participent du règlement global des effets du divorce.

Dans les autres cas de divorce, les donations de biens présents cessent d'être révocables si le donateur a renoncé de façon non équivoque à exercer sa faculté de révocation, notamment lorsque celui-ci met en avant le patrimoine de son conjoint résultant de ces libéralités afin de minorer le montant de la prestation compensatoire qu'il doit. Rendues en application des dispositions antérieures à la loi du 26 mai 2004, ces solutions nous paraissent transposables.

 

  1. Donation de biens présents entre époux et donation au dernier vivant

 

  1. Conditions de validité

La donation par contrat de mariage est soumise aux règles de forme du contrat de mariage et non à celles de la donation entre vifs. L'acceptation expresse du donataire n'est pas requise (Code civil, article 1087). Sur le fond, elle échappe au principe d'irrévocabilité spéciale des donations, mais demeure soumise à l'irrévocabilité de droit commun (Code civil, article 1193).

La donation est caduque si le mariage n'est pas célébré (Code civil, article 1088).

Les donations de biens présents entre époux sont soumises aux conditions de fond des donations ordinaires concernant la capacité et le consentement des parties.

Elle suppose, comme toute donation, une intention libérale. Lorsque la donation a pour but de rémunérer la collaboration d'un conjoint à l'activité professionnelle de l'autre, il s'agit d’une donation rémunératoire qui échappe au régime juridique des donations, notamment en ce qui concerne les possibilités de révocation, les règles du rapport successoral et de la réduction des libéralités.

Elle peut être stipulée avec charges ou conditions comme en droit commun.

En la forme, la donation   entre   époux peut être ostensible, déguisée ou indirecte ou prendre la forme d'un don manuel. Lorsqu'elle est ostensible, elle doit respecter les exigences de forme du droit commun des donations (Code civil, article 931).

La donation peut être réciproque et faite dans un même acte ou dans deux actes distincts (v.  Donation (Conditions)).

S’agissant des donations au dernier vivant, elles présentent la caractéristique d'être librement révocables (C. civ. art. 1096, al. 1). Cette révocabilité est dite « ad nutum », c'est-à-dire que le donateur peut révoquer la donation à tout moment sans motif légitime. Il ne peut pas renoncer à son droit de révocation, qui est d'ordre public.

La forme de la révocation est libre ; la révocation peut être expresse, par acte notarié ou testament. Elle peut également être tacite, et résulter par exemple de l'aliénation du bien objet de la donation au dernier vivant ou de l'incompatibilité des dispositions contenues dans la donation avec celles d'un testament postérieur ou de tout fait ou acte du donateur qui indique d'une manière non équivoque son intention de révoquer la donation. Ce sera le cas, par exemple, si le donateur a fait au profit de son second conjoint une nouvelle donation au dernier vivant portant sur les mêmes biens.

La faculté de révocation est strictement personnelle à l'époux donateur. Elle ne peut être exercée ni par ses créanciers ni par ses héritiers même réservataires.

 

  1. Objet de la donation entre époux et au dernier vivant

Elle peut porter sur des biens de toute espèce : meubles ou immeubles, propres à l’époux donateur ou communs entre lui et l'époux donataire. Elle peut être en pleine propriété ou en usufruit. Lorsque la donation porte sur une somme d'argent destinée à acquérir un bien, la donation n'est que de deniers et non du bien auquel ils sont employés. En cas de remise en cause de la donation, les droits du donateur ou de ses héritiers n'ont pour objet qu'une somme d'argent évaluée en fonction de la valeur actuelle du bien ou du bien subrogé à celui-ci à la suite d'une aliénation suivie d'une nouvelle acquisition.

Bien que les droits successoraux du conjoint héritier ne soient pas négligeables, une libéralité entre époux permet dans la majorité des cas d'augmenter les droits de son conjoint. En tout état de cause, si la donation excède la quotité disponible entre époux, elle est sujette à réduction au décès du donateur.

Avant d'évoquer les différentes situations susceptibles de se présenter, il faut signaler que le conjoint survivant ne peut pas cumuler ses droits légaux avec ceux qu'il retire d'une disposition de dernières volontés.

Une donation au dernier vivant ne peut pas avoir pour objet de restreindre les droits du conjoint survivant. Si un époux veut retirer à son conjoint certains des droits que la loi lui accorde, c'est par la voie du testament qu'il lui faut procéder (en ce sens, implicitement, Rép. Bocquet : AN 11-4-2006 n° 76457). Il en est ainsi à notre avis même dans le cas où les droits retirés sont compensés par d'autres droits et où, de ce fait, l'acte est globalement protecteur du conjoint (cas, par exemple, de l'époux qui a des enfants d'un précédent mariage et veut octroyer à son conjoint des droits en usufruit, à l'exclusion du quart en pleine propriété prévu par la loi).

 

  1. Effets de la donation   entre   époux et au dernier vivant  

 

  1. Les effets quant à la donation entre époux

 

  • Par contrat de mariage

Le donateur est définitivement lié par la donation (Code civil, article 1093). L'annulation du contrat de mariage entraîne corrélativement celle des donations, sauf à ce qu'elles obéissent à toutes les exigences, de forme et de fond, du droit commun et qu'elles ne soient pas liées par un lien d'indivisibilité au régime matrimonial organisé par le contrat de mariage.

La donation entre futurs époux ne peut être révoquée pour survenance d'enfant (Code civil, article 960, a contrario), mais peut l'être pour ingratitude.

 

  • Donation en cours d'union

La donation de biens présents qui prend effet pendant le mariage est irrévocable, sauf hypothèses d'inexécution des charges ou d'ingratitude (Code civil, article 1096, al. 2). Elle n'est pas révocable pour survenance d'enfant, sauf si cela a été expressément prévu dans l'acte de donation. Le divorce des époux ou leur séparation de corps est sans incidence.

La donation de biens présents qui ne prend pas effet pendant le mariage est librement révocable (Code civil, article 1096, al. 2), sauf convention contraire, ou au donataire à démontrer qu'il s'agit d’une donation rémunératoire.

 

  1. Les effets concernant la donation au dernier vivant

 

  • Intérêt d'une donation au dernier vivant en présence de descendants

Par rapport aux droits que le conjoint tirerait de la loi, une libéralité entre époux présente les avantages suivants :

-  elle permet à l'époux qui a des enfants d'un autre lit de laisser à son conjoint l'usufruit de toute sa succession, ce que la loi ne prévoit que lorsque tous les enfants sont communs ;

-  s'il y a moins de trois enfants, elle offre au conjoint survivant une quotité en pleine propriété supérieure à celle prévue par la loi, qui est fixée à un quart quel que soit le nombre d'enfants : le conjoint qui opte pour la quotité disponible ordinaire recueille la moitié de la succession s'il n'y a qu'un enfant et un tiers s'il y a deux enfants ;

-  elle permet de cumuler des droits en propriété et des droits en usufruit, ce que la loi ne prévoit pas ;

-  sauf indication contraire de l'acte, elle offre au conjoint survivant le choix entre les trois quotités autorisées. Par comparaison, la loi n'offre de choix au conjoint qu'en présence d'enfants communs, et encore cette option est-elle réduite à deux branches (usufruit du tout ou propriété du quart) ;

-  toujours sauf indication contraire de l'acte, elle permet au conjoint survivant de cantonner son émolument à certains biens dont il a été disposé en sa faveur.

 

  • Intérêt d'une donation au dernier vivant en l'absence de descendants

En l'absence de descendants et en présence des père et/ou mère, une libéralité entre époux permet de déshériter les ascendants pour laisser l'intégralité de la succession à son conjoint. Ajoutons toutefois que la libéralité au profit du conjoint ne peut à notre avis faire obstacle au droit de retour institué au profit des père et mère par la loi du 23 juin 2006 en compensation de la suppression de leur droit à réserve.

Les personnes qui ne laissent ni descendants ni ascendants n'ont guère de raison de faire une donation au dernier vivant : leur conjoint hérite de la totalité de leur succession par le seul effet de la loi. La libéralité peut toutefois présenter un intérêt résiduel : s'il existe des biens de famille, la donation au dernier vivant permet de faire obstacle au droit de retour des frères et sœurs, le conjoint recevant la pleine propriété de l'intégralité des biens.

  • Protection des héritiers réservataires

Des mesures spécifiques protègent les descendants contre les libéralités effectuées au profit du conjoint survivant.

Si la libéralité au profit du conjoint est faite en pleine propriété, le Code civil permet aux enfants non communs de substituer à l'exécution de cette libéralité l'abandon de l'usufruit de la part de succession qu'ils auraient recueillie en l'absence de conjoint survivant (C. civ. art. 1098). Recevant alors des droits en nue-propriété dans la succession de leur auteur, ils deviendront pleins propriétaires au décès du conjoint survivant usufruitier. N'étant pas d'ordre public, ce droit à réclamer un usufruit forcé du conjoint peut être écarté par la volonté contraire du disposant. Une telle stipulation permettra d'éviter un démembrement de propriété entre le conjoint et les enfants du lit précédent.

S'agissant d'une libéralité en usufruit consentie au conjoint survivant, l'ensemble des descendants bénéficient d'une protection spécifique. Ils peuvent ainsi demander la conversion de l'usufruit en rente viagère (C. civ. art. 759 s.) ou encore requérir les mesures conservatoires de la nue-propriété prévues par l'article 1094-3 du Code civil (inventaire des meubles, état des immeubles, emploi des sommes, conversion des titres au porteur en titres nominatifs ou leur dépôt chez un dépositaire agréé).

Indépendamment de ces mesures spécifiques, les enfants peuvent demander dans les conditions de droit commun la réduction des libéralités faites au conjoint et qui empiéteraient sur leur réserve, sauf à ce qu'ils aient renoncé par avance à l'exercice de l'action en réduction.

 

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025529168?init=true&page=1&query=11-13.791+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030722960?init=true&page=1&query=14-15.615&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000018096998?init=true&page=1&query=05-18.745+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007052407?init=true&page=1&query=03-10.245+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030722960?init=true&page=1&query=14-15.615&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007052226?init=true&page=1&query=03-20.150+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007020190?init=true&page=1&query=86-18.028+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035925129?init=true&page=1&query=17-10.644+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025529168?init=true&page=1&query=11-13.791&searchField=ALL&tab_selection=all