Une parodie est une œuvre qui imite ou caricature une œuvre originale, un style artistique ou un genre de manière humoriste ou moqueuse. Cela peut être fait de différents domaine artistiques, tels que la musique, le cinéma, la littérature ou la peinture.
Par exemple, une parodie de chanson peut changer les paroles d’une chanson existante pour en faire une version comique ou satirique. De même, une parodie de film peut imiter les tropes et les clichés d’un genre de film particulier, mais avec un ton humoristique. La parodie se moque du sujet original.
L’originalité d’une œuvre est déterminée par le degré de nouveauté et d’innovation qu’elle présente dans son domaine artistique ou culturel respectif. Une œuvre originale peut être considérée comme le fruit d’une créativité sans précédent, qui n’a pas été copiée ou empruntée d’une autre source.
L’originalité d’une œuvre peut être mesurée par différents critères, tels que la qualité de son exécution, l’unicité de son style ou de sa technique, et l’impact qu’elle a eu sur son public et son époque. En général, une œuvre est considérée comme originale si elle apporte une contribution significative et distinctive à son domaine artistique.
En l’espèce, l’artiste-peintre Pierre-Adrien Sollier est notamment réputé pour avoir reproduit des œuvres célèbres en remplaçant les personnages y figurant par la peinture de figurines reprenant la morphologie de celles connues sous le nom de Playmobil.
L’auteur se prévaut ainsi de droits d’auteur en particulier sur des œuvres réalisées en 2011, parmi lesquelles figure La Joconde.
Déjà en 2016, M. Sollier avait découvert l’offre en vente par la société viticole Puech Haut d’un tonnelet de vin sur lequel étaient copiées certaines de ses créations, sans autorisation de l’auteur. Dans cette affaire, la cour d’appel de Paris avait alors retenu les faits de contrefaçon.
De façon similaire, dans l’affaire ayant donné lieu à la décision du 30 septembre 2022, Monsieur Sollier a découvert qu’était proposé à la vente, sans son autorisation, un tableau sur lequel figurent différentes versions comiques de La Joconde, incluant notamment sa propre version de 2011.
Dans le jugement rendu en première instance, le tribunal avait rejeté les demandes de Monsieur Sollier au motif que son œuvre était dénuée de toute originalité, les défendeurs invoquant l’existence d’un tableau similaire réalisé par un auteur tiers avant 2011.
Et, sans originalité, il ne peut y avoir de droit d’auteur et donc de contrefaçon.
La cour d’appel de Paris était ainsi amenée à décider en premier lieu si le tableau détournant la Joconde sous forme de figurine Playmobil était original.
A ce titre, la cour rappelle que « l'originalité comme condition de la protection au titre du droit d'auteur, s'oppose à la notion de nouveauté », la notion d'antériorité étant ainsi « inopérante » en droit d'auteur.
A ce titre, les juges relèvent que la circonstance qu’un auteur tiers ait préalablement à Monsieur Sollier réinterprété La Joconde en utilisant la photographie d'une figurine Playmobil « n'est pas suffisante à priver d'originalité le tableau de Sollier ». En effet, la cour relève que ce dernier a lui-même fait des choix arbitraires et esthétiques différents qui font que l'aspect global de l'œuvre prise dans la combinaison de chacun de ses éléments, fussent-ils connus, « en font un tableau qui présente une physionomie particulière qui le distingue du jouet qu'il évoque ou de créations du même genre et qui traduit un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur ».
Aussi, pour la cour d’appel de Paris, l’œuvre de M. Sollier détournant le tableau originel de La Joconde en remplaçant le personnage par une figurine Playmobil est bien original.
Partant, ledit tableau est bien éligible à la protection par le droit d'auteur.
Le tableau de M. Sollier étant original, la cour a dans un deuxième temps eu à se prononcer sur la question de savoir si sa reprise constituait un acte de contrefaçon.
Sur ce point, les intimés invoquaient notamment le courant artistique de l'appropriationnisme, précisant alors que le droit d'auteur ne pouvait faire obstacle à la création, la liberté de création artistique et d'expression devant prévaloir.
La cour estime toutefois que ce courant ne saurait ici être invoqué, et que la parodie dont se prévaut l’auteur de l’œuvre seconde est celle de l'œuvre d'origine soit La Joconde et non du tableau de M. Sollier.
Par conséquent, en reproduisant le tableau dont M. Sollier est l'auteur, sans son autorisation, l’auteur de l’œuvre seconde a nécessairement porté atteinte à ses droits patrimoniaux.
La réutilisation de cette œuvre ne saurait ainsi elle-même relever de l’exception de parodie et constitue bien une contrefaçon.
- La Joconde Playmobil, une combinaison originale
- La notion d’antériorité est inopérante en droit d’auteur
En première instance, les débats concernant l’originalité du tableau en cause ont porté sur sa date de création. Le demandeur datait sa divulgation au public à une exposition organisée en 2011 et avançait qu’elle résultait d’un long travail de création préalable.
Les défendeurs, quant à eux, soutenaient que le tableau n’avait été diffusé qu’en 2013 lors de sa présentation sur la page Facebook de l’artiste peintre. Ils avançaient donc que le tableau de la Joconde Playmobil avait été créé postérieurement à la publication d’une œuvre similaire : une photographie représentant la Joconde en Playmobil publiée dans l’ouvrage Playmobil. Le tour du monde paru en octobre 2010. Le tribunal judiciaire avait fixé la date de diffusion du tableau en 2013 et avait retenu son absence d’originalité.
Au contraire, la cour d’appel rappelle utilement qu’en droit d’auteur, l’éventuelle nouveauté n’a pas d’incidence sur l’originalité d’une œuvre. Tout en considérant que l’artiste peintre a réussi à démontrer que l’œuvre avait été divulguée dès 2011, la cour affirme que « la notion d’antériorité est […] inopérante en droit d’auteur » et partant, que « le débat sur la date de création […] est indifférent ».
Ainsi, il n’y a pas lieu de se préoccuper de l’antériorité de la création du tableau en cause par rapport à la publication de la photographie de l’ouvrage « Playmobil – Le tour du monde ».
- L’originalité du tableau
Il reste donc à établir si le tableau, par ses caractéristiques propres, est original. En l’occurrence, la cour relève d’une part que M. Sollier a effectué des choix arbitraires et esthétiques qui distinguent son œuvre de la photographie publiée dans Playmobil. Le tour du monde.
D’autre part, elle remarque que, si l’artiste peintre a repris des éléments existants – le tableau de Léonard de Vinci, la figure Playmobil –, il les a combinés dans une œuvre dont l’aspect global est particulier et « traduit un parti pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur ». La juridiction en déduit que le tableau de la Joconde Playmobil est bien une œuvre originale.
Cette décision n’a rien de surprenant. Elle s’inscrit dans une jurisprudence établie en matière d’arts appliqués qui considère que des éléments connus sont susceptibles d’être combinés de façon à conférer une originalité à l’ensemble .
D’ailleurs, la cour d’appel de Paris avait déjà, en 2020, condamné une exploitation viticole pour la reproduction contrefaisante de certaines œuvres de M. Sollier, dont la Joconde, sur des barriques de vin (Paris, 17 janv. 2020, n° 18/20593, Légipresse 2020. 149 et les obs.).
Par des motifs très similaires à ceux de l’espèce, la juridiction avait estimé que, si les éléments utilisés par l’artiste n’étaient pas originaux pris séparément puisqu’« ils appartiennent au fonds commun de l’univers du détournement d’objets, œuvres célèbres ou figures culte », en revanche, leur agencement dans un tableau considéré de façon globale révélait l’empreinte de la personnalité de son auteur.
- La réutilisation artistique appropriationiste contrefaisante
- Existence d’un acte de contrefaçon
Après avoir établi l’originalité de l’œuvre, la cour d’appel doit se prononcer sur l’existence d’un acte de contrefaçon. En l’espèce, les intimés reconnaissent l’utilisation de l’œuvre protégée, la Joconde Playmobil, pour la réalisation d’un nouveau tableau. En revanche, ils contestent tout acte de contrefaçon.
Se prévalant d’un argument devenu classique depuis l’arrêt Klasen de 2015, ils avancent que l’œuvre a été reprise dans le cadre d’une démarche artistique appropriationiste et que le droit à la liberté d’expression et de création artistique du second créateur, protégé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, doit prévaloir face au droit d’auteur du premier créateur.
La cour d’appel écarte très succinctement cet argument en affirmant simplement, et sans effectuer de contrôle de proportionnalité, que « les intimés ne font pas utilement valoir les dispositions de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Immédiatement à la suite cette conclusion, la juridiction renvoie aux exceptions légales au droit d’auteur, l’exception de parodie en particulier, censées assurer l’équilibre entre liberté d’expression et droits exclusifs, en exposant : « la combinaison de cette liberté fondamentale [la liberté d’expression] et des droits exclusifs conférés par les dispositions protégeant la propriété intellectuelle conduit à prévoir des exceptions aux droits exclusifs des titulaires de droit d’auteur qui sont limitativement énumérés à l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle telle l’exception de parodie ».
Cette formulation nous renvoie à un débat connu : l’équilibre entre liberté d’expression et droit d’auteur est-il assuré uniquement de manière interne par le mécanisme des exceptions limitativement prévues, ou l’article 10 de la Convention européenne peut-il permettre au juge d’effectuer une balance.
Or, depuis l’arrêt Klasen précité, on sait que, si les exceptions contribuent évidemment à garantir la liberté d’expression, un juge peut aussi, et de façon distincte à la logique des exceptions, être amené à exercer un contrôle de proportionnalité pour vérifier si l’exercice des droits exclusifs d’un auteur ne cause pas une atteinte disproportionnée au droit fondamental à la liberté d’expression d’un autre créateur. Les motivations de la cour d’appel, tel qu’elles sont rédigées, mêlent donc de façon quelque peu confuse exceptions et libertés fondamentales.
- L’exception de parodie
Poursuivant son raisonnement, la cour d’appel examine ensuite l’exception de parodie. Elle relève d’abord que le nouveau tableau incorpore l’œuvre protégée sans la modifier, puis que le second artiste a voulu, dans sa création, parodier la Joconde originelle de Léonard de Vinci et non pas la Joconde détournée par Pierre-André Sollier.
Pour ces deux raisons, la cour conclut que l’utilisation, en l’espèce, de la Joconde Playmobil ne bénéficie pas de l’exception de parodie. Sur ce point, la décision est similaire aux arrêts rendus par la même juridiction concernant un autre artiste appropriationiste, Jeff Koons (Paris, 17 déc. 2019, n°152/2019, Dalloz actualité, 6 mars 2019, obs. J.-M. Pastor; 23 févr. 2021, n° 19/09059, Dalloz actualité, 12 mars 2021, obs. O. Wang ; D. 2021. 1442, obs. J.-C. Galloux et P. Kamina ; RTD com. 2021. 818, obs. F. Pollaud-Dulian ).
Dans ces décisions condamnant Jeff Koons, la cour notait bien qu’une parodie devait évoquer une œuvre clairement identifiable par le public. Dans le cas présent, ce critère n’est pas rempli puisque l’œuvre évoquée est la Joconde de Léonard de Vinci, mais pas la Joconde Playmobil, qui est pourtant l’œuvre directement utilisée.
Enfin, deux autres arguments avancés par les intimés sont rejetés rapidement. D’une part, le fait que le second artiste crée lui aussi une œuvre originale dont il est l’auteur n’a pas d’effet sur les droits de l’auteur de l’œuvre première ni sur la qualification de contrefaçon. D’autre part, le fait que l’auteur de l’œuvre première puisse lui-même reprendre d’autres œuvres est sans incidence sur le conflit présent puisque les intimés ne sont pas fondés à se prévaloir de droits de tiers.
La cour d’appel de Paris condamne donc les intimés pour contrefaçon, retenant une atteinte aux droits patrimoniaux de l’auteur de l’œuvre première ainsi qu’à son droit moral.
Sources :
Ophélie Wang, Docteure en droit : Droit d’auteur : contrefaire une parodie n’est pas une parodie
Paris, pôle 5, ch. 2, 30 sept. 2022, n° 20/18194
Pas de contribution, soyez le premier