Rupture conventionnelle et fiscalité : quelle marge de négociation ?
Plutôt que le licenciement, la négociation de la rupture du contrat de travail présente des avantages pour l’employeur comme pour le salarié : célérité des transactions, sécurité juridique (aucun aléa judiciaire) et gestion maîtrisée de ces/ses ( ?) conséquences fiscales. La gestion fiscale des indemnités perçues à l’occasion de la rupture peut en effet être un outil particulièrement efficace dans le cadre de ces négociations. Encore faut-il maîtriser les subtilités rédactionnelles nécessaires.
Les indemnités de rupture conventionnelle ont, jusqu’en 2018, bénéficié du même régime que les indemnités de licenciement, à savoir :
- En principe, l’indemnité légale et conventionnelle perçue suite à un licenciement est soumise aux cotisations sociales (CSG - contribution sociale généralisée, et CRDS -contribution à la réduction de la dette sociale) et à l’impôt sur le revenu ;
- Par exception, l’article 80 duodecies du Code général des impôts prévoit que les indemnités de licenciement sont exonérées d'impôt sur le revenu sous réserve qu'elles n'excèdent pas certains seuils.
Ainsi, cette indemnité de licenciement est exonérée de cotisations sociales dans la limite de 81 048 € en 2019 (deux fois le montant du plafond annuel de la Sécurité sociale), et d’impôt sur le revenu jusqu’à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue l’année précédant le licenciement dans la limite du plafond le plus élevé entre : 1 - soit l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (sans limitation de montant) ; 2 - soit le double de la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant la rupture du contrat, dans la limite de six fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (« PASS ») ; 3 - soit la moitié des indemnités versées, dans la limite de six PASS.
Cette assimilation du régime des indemnités transactionnelles au régime des indemnités de licenciement a été remise en cause par cinq arrêts de la Cour de cassation (Civ. 2e, 15 mars 2018, n°17-11.336 et n°17-10.325 ; Civ. 2e, 21 juin 2018, n°17-19.773, n°17-19.432 et n°17-19.671).
Désormais, d’une part l’indemnité transactionnelle est soumise à cotisations sociales, sauf si l’employeur établit la preuve que l’indemnité a la nature de dommages et intérêts. D’autre part, le régime social peut ne pas suivre le régime fiscal. Une indemnité de rupture peut être exonérée d’impôt dans les limites sus-énoncées, mais être assujettie aux charges sociales, si le caractère indemnitaire n’est pas établi.
On doit donc distinguer, dans les indemnités versées, celles qui correspondent à des salaires (donc soumises à cotisations) et celles qui présentent un caractère purement indemnitaire (donc totalement exonérées).
Le rôle de l’avocat, rédacteur du protocole est donc essentiel et sera déterminant de l’assujettissement aux cotisations. Pour bénéficier de ce régime d’exonération des charges, il conviendra de mettre en évidence la réalité du préjudice moral allégué, l’atteinte à l’image ou au crédit du salarié, les conditions vexatoires ou humiliantes de la rupture, voire les faits de harcèlement.
Il pourra également être opportun de faire homologuer l’accord par le bureau de conciliation pour pouvoir disposer d’une décision de justice passée en force de chose jugée, confirmant la qualification des indemnités retenue par les parties.
Pas de contribution, soyez le premier