La clause de conciliation préalable obligatoire d’un contrat d’architecte est inefficace à faire obstacle à une action en responsabilité décennale. (#responsabilité des #architectes)

La Cour de cassation vient de rappeler que les garanties légales des constructeurs s’imposent à tous et doivent être examinées par les juridictions saisies, même d’office, sans qu’il puisse être opposé l’obligation contractuelle de saisir préalablement une commission de conciliation.

Traditionnellement, de nombreux contrats prévoient la nécessité, préalable à tout litige, de tenter de trouver un accord avec l’aide d’un tiers. Cette obligation impose aux parties de discuter des problèmes et de se donner le temps de tenter d’y remédier rapidement. La Cour d’appel de Douai saisie d’une action en responsabilité décennale avait constaté que la procédure contractuelle de conciliation préalable à une action judiciaire prévue au contrat d’architecte n’avait pas été respectée ; Elle a ensuite fait application d’un principe contractuel établi voulant qu’une telle clause interdise de passer outre cette phase amiable rendue obligatoire par contrat.

La Cour est censurée : l’action décennale doit primer sur la recherche d’une issue amiable.

La jurisprudence se montre décidément hésitante sur la question, malgré l’arrêt de la chambre mixte du 14 février 2003 qui avait, à l’inverse, décidé que le contrat pouvait créer une telle irrecevabilité : la sanction du défaut de mise en œuvre d’une clause de conciliation ou de médiation préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s’impose aux juges si les parties l’invoquent. Il est vrai que cet arrêt avait été rendu dans une affaire de cessions de droits sociaux. (Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003 : n° 00-19.423 et 00.19.424) Un autre arrêt de chambre mixte du 12 décembre 2014 avait clairement écarté toute possibilité de régularisation, cette fois dans un dossier traitant de la construction d’un ensemble immobilier. Mais le fondement de l’action était celui de la responsabilité contractuelle de droit commun prévue aux articles 1146 et suivants (anciens) du code civil (Cass., ch. mixte, 12 déc. 2014, n° 13-19. 684).

Il faut sans doute comprendre que l’action en responsabilité décennale constitue une exception. Les architectes devront se consoler en comprenant que leur responsabilité décennale relèverait de l’ordre public.

Une position à contrecourant des efforts législatifs actuels de promouvoir les modes alternatifs de résolution des litiges. Un principe qui s’explique toutefois sans doute par le besoin d’efficacité d’une action enfermée dans les délais stricts, la difficulté de la multiplicité habituelle des intervenants à l’acte de construction, qui ne sont pas tous liés par un même contrat, comme, sans doute, par la présence d’assureur payeurs.

Un peu de lisibilité ne nuirait pas aux praticiens…

(Cour de cassation 3e civ., 23 mai 2019, n° 18-15286)

© Nathalie JAY, Avocat - La Réunion