La question peut sembler étonnante lorsque l’on connaît l’engouement des Français pour l’assurance-vie. Le triple objectif de l’assurance-vie (épargne, gestion d’un capital ou transmission d’un patrimoine) explique son succès.
Il n’en demeure pas moins que pour les contrats en unités de compte (c’est-à-dire assis sur des valeurs mobilières (actions ou obligations) mais le plus souvent investis en SICAV ou parts de FCP, SCPI ou OPCI), la performance des fonds placés peut se révéler décevante et amener les souscripteurs à envisager la renonciation du contrat.
En la matière, le principe est que le risque de placement pèse sur le souscripteur : l’assureur garantit le nombre d’unités de compte mais non la valeur en cours (si cette mention figure dans la note d’information). La performance du capital investi va progresser ou régresser en fonction de l’évolution des marchés financiers.
Il n’en demeure pas moins que dans certains cas, la renonciation est possible.
1. La faculté de renoncer 30 jours calendaires à compter de la date à laquelle le souscripteur a été informé de la conclusion du contrat
Du fait de la complexité des contrats d’assurance vie et la technicité du rendement réel, le législateur a reconnu au souscripteur la faculté de renoncer au contrat (on parle aussi de rétraction ou repentir).
a) Le décompte du délai
L’assuré dispose d’un délai de 30 jours calendaires (journée de 0 h à 24 h) pour renoncer par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, avec demande d’avis de réception à compter de la date à laquelle le souscripteur a été informé de la conclusion du contrat. La faculté de renonciation est précisée dans la note d’information remise à l’assuré lors de la souscription.
Ce délai expire le dernier jour à minuit. S’il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il n’est pas prorogé.
b) La faculté de renonciation est un droit personnel
La faculté de renonciation est réservée au souscripteur seul : elle ne peut être exercée par un tiers, même l’avocat du souscripteur (à moins d’un mandat spécial), ni par ses héritiers après son décès.
2. La prorogation du délai de renonciation
Le législateur, en mettant à la charge de l’assureur une obligation d’information, a voulu permettre à l’assuré d’apprécier la compétitivité du placement, ainsi que les risques inhérents à son investissement. Le non-respect de cette obligation a des répercussions sur le délai de renonciation.
a) En cas de manquement à l’information précontractuelle de l’assureur
En plus du devoir de son devoir de conseil, l’assureur est tenu de fournir au souscripteur des documents d’information listés par l’article L 132-5-2 du code des assurances (note d’information ou proposition valant note d’information avec encadré informatif, un modèle de lettre de renonciation, un document d’information clé – DIC ou DICI et KID en anglais - pour chaque unité de compte…).
Si l’assureur ne respecte ce formalisme, le délai de 30 jours est prorogé jusqu’à la remise effective des documents requis.
Il en est ainsi lorsque le contrat d’assurance vie :
- ne prévoit aucun taux d’intérêt garanti, de garanties de fidélité, de valeurs de réduction ou de valeurs de rachat ;
- ne comporte pas de note d’information sur les dispositions essentielles du contrat ou de document d’information clé. A compter du 1er juillet 2022, les assureurs doivent également indiquer le total des frais supportés pour chaque unité de compte.
b) En cas d’information incomplète ou insatisfaisante de l’assureur
Même si le formalisme prévu pour l’information précontractuelle semble respecté, le point de départ du délai de renonciation est également prorogé lorsque l’assureur a fourni des informations de manière incomplète ou insatisfaisante.
Ce sont les tribunaux qui se sont prononcés en ce sens lorsque :
- les frais et indemnités de rachat sont indiqués de manière imprécise,
- la proposition d’assurance ne comportait pas de modèle de lettre de renonciation.
Ces solutions ont été dégagées par la jurisprudence et cette liste, non limitative, est susceptible de s’allonger.
3. Les limites à la prorogation du délai de renonciation
Tant que les documents et informations n’ont pas été remis à l’assuré, ce dernier conserve la possibilité de renoncer au contrat, même des années après.
Cette faculté est cependant enfermée dans certaines limites.
a) L’exigence de bonne foi du souscripteur
Depuis une loi du 30 décembre 2014, la prolongation du délai de renonciation le défaut de remise des documents et informations prévus est réservée aux souscripteurs de bonne foi. Derrière ce vocable, la Cour de cassation invite les juges à vérifier si le souscripteur « n’était pas parfaitement informé des caractéristiques de l’assurance sur la vie souscrite, et s’il n’exerçait pas son droit de renonciation uniquement pour échapper à l’évolution défavorable de ses investissements ». (Cass. 17 novembre 2016).
Un exemple parlant a été donné récemment. Malgré le non-respect du formalisme par l’assureur, il a été jugé qu’un professionnel de la finance, diplômé de HEC, titulaire d’un diplôme d’études comptables supérieures, ayant travaillé comme analyste financier chez un assureur et à la direction financière d’une banque ne pouvait user de sa faculté de renonciation (Cass. 25 juin 2020).
Il faut noter que la mauvaise foi ne se présume pas et doit être établie par l’assureur qui l’invoque.
b) La qualité de profane du souscripteur
La bonne foi du souscripteur sera d’autant plus restrictivement retenue si l’assuré est averti, c’est-à-dire qu’il était « suffisamment informé » et qu’il disposait des connaissances financières pour apprécier la portée de son investissement.
Les tribunaux se livrent à une appréciation in concreto. Ainsi, ne caractérise pas la qualité d’investisseur averti le souscripteur dirigeant de 8 petites sociétés de hard discount, « ses qualités de gestionnaire de ce type de commerce ne faisait pas de lui un connaisseur averti de produits financiers complexes » (Cass., 16 décembre 2021).
4. Les conséquences de la faculté de renonciation légitimement exercée
Quelles sont les conséquences de l’exercice de la faculté de renonciation ?
a) La sanction principale : la restitution des sommes versées
Lorsque l’assuré a exercé légitimement sa faculté de renonciation, cette dernière entraîne la restitution par l’entreprise d’assurance de l’intégralité des sommes versées par le contractant, déduction faite des rachats partiels.
Lorsque l’affaire est portée devant les tribunaux, des dommages et intérêts supplémentaires peuvent être prononcés sur le terrain de la responsabilité civile de l’assureur.
b) Dans la limite de 8 années pour les contrats souscrits depuis le 1er mars 2006
La loi du 30 décembre 2014 a également introduit une limite à la prorogation du délai de renonciation : désormais, pour les contrats souscrits depuis le 1er mars 2006, le défaut de remise des documents et informations prévus entraîne, pour les souscripteurs de bonne foi, la prorogation du délai de renonciation jusqu’au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de 8 ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu.
Elle n’est enfermée dans aucun délai pour les contrats souscrits avant cette date.
5. Attention à la prescription biennale applicable à l’action en restitution
Il convient d’être particulièrement vigilant sur le délai de prescription applicable : toute action en restitution est prescrite par 2 ans à compter du refus de restitution des fonds opposé par l’assureur à l’assuré.
La prescription biennale s’applique même à l’action découlant d’un mandat d’arbitrage confié à une société de gestion et intégré au contrat d’assurance-vie (Cass., 8 février 2018).
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