Selon l’arrêt de la Cour administrative de PARIS du 27 juin 2019, les services fiscaux ne peuvent pas imposer une somme de 12 000 000 d’euros payée par le joueur gagnant de l’Euro Millions à la personne qui avait trouvé sur la voie publique son reçu gagnant.
Une dame A s'est présentée à la Française des Jeux avec un reçu d'une combinaison gagnante de premier rang au jeu de l'Euro Millions au tirage du soir du 13 septembre 2011, pour un montant de 163 049 488,40 euros. Elle a indiqué aux représentants de la Française des Jeux avoir trouvé ce reçu sur la voie publique.
Le joueur effectif s'est également rendu à la Française des Jeux quelques jours plus tard, en indiquant avoir égaré le reçu et en fournissant toutes les précisions et justifications de nature à établir qu'il était l'acheteur du billet.
La Française des Jeux leur ayant indiqué qu'elle ne verserait le gain à l'une ou l'autre des parties qu'au vu d'un accord entre elles, les intéressés ont alors conclu, le 5 octobre 2011, un protocole transactionnel aux termes duquel Mme A a renoncé " à revendiquer son droit au gain " ainsi qu'à la possession du reçu et permis sa remise au joueur effectif afin qu'il puisse percevoir son gain comme l'exige l'article 11.3 du règlement de l'Euro Millions qui prévoit que le paiement du gain ne peut être remis qu'au joueur, exclusivement contre remise du reçu intact.
Elle a perçu en contrepartie une indemnité forfaitaire et transactionnelle d'un montant de 12 000 000 d'euros.
A la suite d'un examen de leur situation fiscale personnelle, M. et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 2011, selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi qu'à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus résultant de la taxation entre leurs mains, sur le fondement de l'article 150 UA du code général des impôts, de la somme de 12 000 000 d'euros au titre d'une plus-value de cession d'un bien meuble ou de droits relatifs à ce bien.
Ce qui faisait la coquette somme de 4,3 millions d’euros à payer aux impôts.
L'administration fiscale a imposé l'indemnité litigieuse sur le fondement des dispositions précitées de l'article 150 UA du code général des impôts, au motif que Mme A avait " cédé à titre onéreux son ticket et les droits s'y rattachant ".
Toutefois, les dispositions de l'article 4.7 du règlement du jeu de l'Euro Millions précisent que « les reçus qui sont remis aux joueurs après enregistrement conformément à l'article 6 restent la propriété de la Française des Jeux » et s'opposaient à ce que Mme A soit regardée comme la propriétaire du reçu : elle ne pouvait donc pas l’avoir cédé au joueur effectif.
En réalité, l'indemnité versée par l'acheteur du billet à Mme A rémunère, dans l'intention des parties, un service consistant, pour cette dernière, à restituer le reçu afin que le joueur puisse encaisser le gain et à renoncer à toute action ultérieure en revendication du gain ou du ticket gagnant.
En effet, l'article 6.2.1 du même règlement dispose que " la possession d'un reçu émis conformément à l'article 4, ainsi que l'enregistrement et le scellement informatique des informations mentionnées sur le reçu de jeu, sont des conditions substantielles à la formation du contrat entre le joueur et La Française des Jeux ".
Autrement dit, pour percevoir le gain, il faut à la fois être le joueur effectif, et être en possession du reçu gagnant.
Le ministre de l’action et des comptes publics soutenait encore à titre subsidiaire que la somme de 12 millions devait être fiscalisée comme des bénéfices non commerciaux. La Cour administrative d’appel de PARIS rejette aussi cette argumentation subsidiaire en relevant que « le profit en cause, s'il est isolé, n'est pas, par nature, susceptible de se renouveler ».
Finalement, le gain de 163 049 488,40 euros, amputé de la somme de 12 000 000 d’euros n’est pas imposable, pas plus que cette dernière somme.
Saluons le travail remarquable de l’avocat de Madame A, qui lui a fait économiser une somme supérieure à 4,3 millions d’euros. La Cour administrative d’appel, en n’accordant à Madame A qu’une somme de 2000 € pour ses frais d’avocat, a certainement estimé que celle-ci avait suffisamment d’économies pour le rétribuer à la hauteur de son juste mérite !
Nicolas JANDER
Avocat
Compétences : Droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine, Droit rural, Droit bancaire et boursier, Droit du travail et social
Barreau : Mulhouse
Adresse : 1 Rue Magenta 68100 MULHOUSE