Par un arrêt du 7 juillet dernier, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser sa jurisprudence sur l’équilibre entre la liberté religieuse et l’obligation de prêter serment propre à certaines professions.

L’exercice de certaines professions est soumis à une prestation de serment préalable : architectes, facteurs, agents de télécommunication, traducteurs, agents de contrôle des transports…

Dans le cas d’espèce, une agente a été engagée par la RATP ; son admission définitive étant subordonnée à son assermentation.

Convoquée devant le Tribunal de grande instance en vue de cette assermentation, l’agent a indiqué lors de l’audience que sa religion chrétienne lui interdisait de prêter serment et proposait une formule alternative permettant de ménager sa conviction, refusée par le président de la juridiction.

L’agent a été licenciée pour refus de prestation de serment ; ce fait, considéré fautif par l’employeur, ne lui permettant pas d’être définitivement admise le cadre permanent de la RATP.

La salariée saisit alors la juridiction prud’homale afin de voir qualifier le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Les juges du fond, tant en première instance qu’en appel, la déboutèrent de ses demandes. Elle sollicite finalement devant la Cour de cassation la nullité de son licenciement pour discrimination fondée sur ses convictions religieuses.

La Cour de cassation, considération faite des normes européennes en la matière et notamment « le droit pour l’individu de ne pas être obligé de faire état de ses convictions religieuses et de ne pas être contraint d’adopter un comportement duquel on pourrait déduire qu’il a ou n’a pas de telles convictions », conclut en affirmant que l’agent n’avais commis aucune faute en sollicitant, lors de l’audience de prestation de serment, la possibilité de substituer à la formule initiale celle d’un engagement personnel conforme à ses convictions.

Dès lors, la Cour conclut que le licenciement pour faute au motif de son refus de prêter serment et de l’impossibilité consécutive d’obtenir son assermentation est sans cause réelle et sérieuse.

Cet arrêt apporte un double enseignement sur la conception de cette liberté par la Haute juridiction.

Tout d’abord, et c’est assez classique, que même si la formule de serment était dénuée de toute connotation religieuse et de toute référence à une autorité supérieure, le refus de le prononcer ne peut être fautif dès lors que, et c’est désormais la formule consacrée « il n’est pas loisible aux autorités étatiques de s’immiscer dans la liberté de conscience d’une personne en s’enquérant de ses convictions religieuses ou en l’obligeant à les manifester, et spécialement à le faire, notamment à l’occasion d’une prestation de serment, pour pouvoir exercer certaines fonctions. »

Le second enseignement, plus surprenant, c’est que la nullité du licenciement pour discrimination fondée sur les convictions religieuses n’a pas été retenu par la Cour.

Celle-ci retient dans un premier temps que le licenciement n’a pas été prononcé par l’employeur en raison des convictions religieuses. Néanmoins, la décision suscite l’interrogation quant au principe de discrimination indirecte.

Si le licenciement se fonde effectivement sur le refus de prêter serment et ne trouve pas sa cause directe dans les convictions religieuses de l’agent, il n’en demeure pas moins que ce sont ces dernières qui l’ont motivé et, indirectement, causé la rupture.

Les employeurs de professions qui pourraient être concernées devront être vigilants et l’enjeu sera probablement de faire admettre une alternative au serment solennel, de positionner le salarié sur un poste ou l’assermentation n’est pas obligatoire, ou, le cas échéant, d’opter pour un licenciement non disciplinaire.

Article rédigé par Arthur Gandolfo pour le cabinet Axiome Avocats spécialisé en droit du travail.