Sommes-nous responsables de la maladresse de notre gentil voisin nous aidant à déménager ou de la blessure subie par un bon samaritain venu nous porter secours ?
Depuis un arrêt du 1er décembre 1969, la Première Chambre civile de la Cour de cassation qualifie de « convention d’assistance bénévole » la réparation des dommages survenus à l’occasion d’une assistance volontairement portée à une autre personne physique ou morale (Cass. Civ. 1ère, 1er décembre 1969, D. 1970, p. 422, note M. Puech ; JCP 1970, II, 16445, note J.-L. Aubert).
La Cour de cassation considère donc qu’en portant assistance à autrui de manière désintéressée, l’assistant offre un service qui est nécessairement accepté par l’assisté quand bien même celui-ci n’aurait pas manifesté son consentement.
La convention d’assistance bénévole emporte pour l’assisté une obligation de sécurité de résultat, de sorte qu’il est tenu de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui venu à son secours sur le fondement de la responsabilité contractuelle sans qu’il soit nécessaire de démontrer une faute de sa part.
Ce régime est une création purement prétorienne, issue de la jurisprudence de la Cour de cassation. Aussi, au cours des dernières années, les professionnelles du droit ont proposé d’autres fondements comme notamment l’établissement d’un quasi-contrat de gestion d’affaires, cadre plus souple et créant moins d’obligations pour l’assisté.
Mais la Cour de cassation persiste dans son analyse et fait produire à ce contrat imposé tous ses effets.
Dans un arrêt récent rendu par la première chambre civile le 5 mai 2021 (n° 19-20.579), un assistant a blessé par négligence un autre assistant en jetant un carton de 30 kilogrammes par le balcon du domicile de l’assisté, sans vérifier que personne ne se trouvait en dessous.
En première instance, le Tribunal a procédé à un partage de responsabilité et a conclu à une responsabilité à hauteur de 70 % de l’assisté et de 30 % de l’assistant ayant jeté le carton imprudemment. Or, ces deux responsabilités ont un fondement différent. D’un coter l’assisté était responsable au titre de son obligation contractuelle de sécurité, et de l’autre l’assistant négligent a vu sa responsabilité engagée sur le fondement délictuel.
L’assureur de l’assisté s’est pourvu en cassation en soutenant que la faute délictuelle de l’assistant (responsabilité pour faute) empêchait de mettre en cause la responsabilité contractuelle de l’assisté (responsabilité sans faute).
L’idée sous-tendue était que la construction jurisprudentielle qu’est la convention d’assistance bénévole (créée pour permettre l’indemnisation d’un bon samaritain s’était blessée involontairement) ne pouvait conduire à une plus grande responsabilité de l’assisté face à un comportement négligent d’un assistant.
L’assureur sollicitait des juges que la faute délictuelle entraine la responsabilité exclusive de l’assistant négligeant et dédouane l’assisté.
Cependant, la Cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement et n’a pas saisi cette occasion d’assouplir sa création. Elle entérine son analyse contractuelle de l’assistance bénévole et lui
fait produire tous ses effets en confirmant la décision de la Cour d’appel et le partage de responsabilité à hauteur de 70/30 %.
Cette solution est discutable au regard des faits de l’espèce, mais est en parfaite adéquation avec la qualification contractuelle choisie par la Cour de cassation. Elle illustre cependant les limites de cette création prétorienne.
Article rédigé par Anne-Laure Chaufour pour le cabinet Axiome Avocats.
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