Un employeur peut-il demander le casier judiciaire d’un salarié ?

Qu’il s’agisse d’un candidat à l’embauche ou d’un salarié déjà recruté, l’employeur ne peut solliciter la communication de documents qu’en respectant quatre principes : transparence, pertinence, finalité et confidentialité.

En d’autres termes, la communication des documents demandés doit être pertinente au regard de la finalité poursuivie et l’atteinte à la vie privée proportionnée au but recherché.

Quoiqu’il en soit, les documents obtenus doivent être confidentiels et leur conservation doit être conforme aux dispositions édictées par le règlement général sur la protection des données (RGPD).

Plus particulièrement sur le contenu du casier judiciaire, il convient de poser en principe que :

  • le candidat n’est nullement tenu de révéler ses antécédents judiciaires, contraire à toute réinsertion (Cour de cassation, chambre sociale, 25 avr. 1990, nº 86-44.148 P ; Cour de cassation, chambre sociale, 19 janv. 2010, nº 08-42.519) ;
  • le salarié n’est pas tenu de communiquer à son employeur la teneur des condamnations pénales dont il fait l’objet pour des faits relevant de sa vie privée (Cour de cassation, chambre sociale, 27 janvier 2010, n° 08-45.566).

Pourtant, les circonstances peuvent justifier que l’employeur sollicite la communication, par le candidat ou le salarié directement ou par l’intermédiaire de l’autorité administrative, d’un extrait de casier judiciaire.

Pour déterminer si l’employeur a le droit ou non d’exiger le casier judiciaire d’un candidat ou d’un salarié et s’il peut fonder sa décision sur le refus de produire ou sur les mentions qui y figurent, il faut distinguer selon les cas.

Le casier judiciaire est un fichier informatisé, recensant les condamnations pénales, mais également les personnes déclarées atteintes de troubles mentaux.

Connus également sous le nom d’extraits de casier judiciaire, les bulletins rassemblent tout ou partie des informations contenues dans le casier judiciaire. Ils sont de trois types :

  • Le bulletin n°1

Il comporte l’ensemble des condamnations et des décisions portées au casier judiciaire (certaines de ces informations sont retirées après expiration de délais, amnisties, réhabilitation légale ou judiciaire). Le bulletin no 1 est réservé aux autorités judiciaires et aux greffes pénitentiaires.

Il ne peut en aucun cas être obtenu par le salarié lui-même, ni par son employeur.

Pour information, la seule façon de le connaitre pour la personne concernée c’est de s’en faire communiquer oralement son contenu par les services du greffe du tribunal correctionnel.

 

  • Le bulletin n°2

Il comporte la plupart des condamnations figurant au bulletin no 1 à l’exception notamment des condamnations prononcées à l’encontre des mineurs, des décisions étrangères, des contraventions, et des condamnations avec sursis lorsque le délai d’épreuve a expiré.

Le bulletin no 2 est en principe destiné à certaines autorités administratives et militaires pour des motifs précis : obtention d’une distinction honorifique par exemple.

Certains employeurs privés peuvent y avoir accès sans le consentement du salarié ou du candidat  : il s’agit des employeurs qui exercent une activité culturelle, éducative ou sociale auprès des mineurs. Le document peut leur être délivré uniquement pour les nécessités liées au recrutement d’une personne qui sera ou pourra être en contact avec les mineurs.

Les employeurs autorisés à consulter le bulletin n°2 ne peuvent pas faire la demande directement auprès des services judiciaires : ils doivent passer par une autorité administrative spécialisée.

Après en avoir fait la demande, deux situations sont possibles :

  • le bulletin ne comporte aucune mention : le bulletin est alors transmis à l’employeur
  • le bulletin comporte une ou plusieurs mentions : le bulletin ne peut alors pas être transmis à l’employeur, qui sera tout simplement informé qu’il comporte une ou plusieurs condamnations (sans en mentionner la nature). Dans ce cas, l’autorité administrative précise au dirigeant si les condamnations empêchent l’embauche de la personne concernée.
  • Le bulletin no3

Il ne comporte que les condamnations pour crime ou délit à un emprisonnement de plus de deux ans sans aucun sursis (ou dont le sursis a été entièrement révoqué), les peines d’emprisonnement inférieures à deux ans si la juridiction a ordonné leur mention au bulletin no 3, les interdictions, déchéances ou incapacités sans sursis pendant leur durée, les peines de suivi socio-judiciaire ou d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs pendant la durée de la mesure.

Ce bulletin ne peut être remis qu’à l’intéressé lui-même, ou à son représentant légal.

Dès lors qu’aucun texte ne prévoit le cas particulier du casier judiciaire, l’employeur peut demander à un candidat ou à un salarié de produire l’extrait de son casier judiciaire (B3).

Toutefois, il ne peut fonder sa décision de ne pas recruter le candidat ou de sanctionner le salarié (si nécessaire jusqu’au licenciement) que lorsque le refus de transmettre cet extrait ou que les mentions qui y figurent sont incompatibles avec l’exercice des fonctions (salariés des banques, pilotes de ligne, agents de sécurité, assistantes maternelles…).

Quoiqu’il en soit, en vertu de l’article précité et conformément aux disposition du RGPD visant la protection des données personnelles, l’employeur ne peut en conserver une copie, ni la diffuser ni permettre que ces données ne fassent l’objet d’un traitement particulier.

Pour conclure : l’employeur ne peut en aucun cas se voir communiquer le bulletin n°1.

Il peut se faire communiquer le contenu du bulletin n°2 par l’autorité administrative sans le consentement du candidat lorsque les fonctions concernées impliquent des contacts avec les mineurs.

Il peut se faire communiquer le contenu du bulletin n°3 par le salarié lui-même si celui-ci y consent.

En cas de refus ou en raison des mentions qui figureraient, l’employeur ne peut fonder sa décision de ne pas recruter le candidat ou de sanctionner son salarié que si les condamnations sont incompatibles avec l’emploi auquel prétend la personne.

Article rédigé par Arthur Gandolfo pour le cabinet Axiome Avocats spécialisé en droit du travail à Lyon.