La question de savoir si un employeur peut exiger la présentation d’un extrait de casier judiciaire de la part d’un candidat ou d’un salarié repose sur un équilibre délicat entre la nécessité de préserver la vie privée et l’intérêt légitime de l’entreprise à s’assurer de l’intégrité des personnes qu’elle emploie. Si cette pratique est autorisée dans certains cas, elle demeure strictement encadrée par les lois en vigueur, notamment le Code du travail, le Code pénal et les recommandations de la CNIL.
Cet article explore en détail les droits et obligations des employeurs, ainsi que les protections offertes aux salariés pour garantir une relation de travail conforme au cadre légal.
Le cadre légal : encadrement de la demande d’un casier judiciaire
Le principe du respect de la vie privée
En vertu de l’article 9 du Code civil, chaque individu bénéficie du droit au respect de sa vie privée, y compris dans le cadre de ses relations professionnelles. Ce principe est renforcé par l’article L1221-6 du Code du travail, qui limite les informations pouvant être demandées à un salarié ou à un candidat à celles ayant un lien direct et nécessaire avec l’emploi concerné.
Exiger un casier judiciaire d'un salarié sans justification légale ou pertinente constitue une atteinte à ce droit fondamental. Par conséquent, toute demande doit répondre à un critère de proportionnalité et être motivée par la nature des fonctions ou des responsabilités du poste.
Les textes spécifiques réglementant l’accès
Le casier judiciaire national se compose de trois types de bulletins :
- Le bulletin n°1, accessible uniquement aux autorités judiciaires.
- Le bulletin n°2, destiné à certaines administrations ou organismes habilités par la loi.
- Le bulletin n°3, que seul l’individu concerné peut obtenir et présenter, le cas échéant, à un employeur.
L’accès des employeurs est donc strictement limité au bulletin n°3. Toute tentative d’obtenir un autre type de bulletin sans autorisation constitue une violation des règles légales.
Les professions concernées par une demande légitime
Certaines professions, en raison de leur nature ou des responsabilités qu’elles impliquent, peuvent justifier la présentation d’un bulletin n°3.
Métiers liés à la sécurité
Les métiers de la sécurité, tels que les agents de surveillance, les policiers, ou les gendarmes, exigent un casier judiciaire vierge. Ces professions nécessitent une probité exemplaire pour garantir la confiance et la sécurité des personnes ou des biens protégés.
Postes impliquant un contact avec des publics sensibles
Les emplois éducatifs ou sociaux, comme ceux d’enseignants, éducateurs, ou assistants maternels, nécessitent également une vérification du casier judiciaire. Cette pratique vise à s’assurer que les individus n’ont pas été condamnés pour des infractions incompatibles avec leurs responsabilités, notamment celles relatives à la protection des mineurs.
Fonctions de gestion financière
Les postes impliquant la gestion de fonds ou de biens, tels que les comptables ou les trésoriers, peuvent aussi nécessiter la présentation d’un extrait de casier judiciaire, afin de garantir l’intégrité des personnes en charge de ces fonctions.
Contenu du bulletin n°3
Le bulletin n°3, destiné uniquement à la personne concernée, contient les condamnations pénales les plus graves. Parmi elles :
- Les peines privatives de liberté sans sursis.
- Les interdictions d’exercer certaines fonctions ou professions.
- Les sanctions pénales ayant un impact direct sur les responsabilités du poste.
En revanche, ce bulletin exclut les infractions mineures, les amendes ou les condamnations ayant fait l’objet d’une réhabilitation judiciaire, conformément aux articles 133-12 et suivants du Code pénal. Cette limitation garantit que seules les informations pertinentes et proportionnées sont accessibles à l’employeur.
Les droits des salariés face à une demande abusive
Refus légitime de la demande
Lorsqu’un employeur exige un casier judiciaire sans justification claire et légale, le salarié ou le candidat est en droit de refuser. L’article L1132-1 du Code du travail interdit toute discrimination fondée sur des critères non pertinents pour l’exercice du poste.
Un refus légitime ne peut donc entraîner ni sanction, ni exclusion du processus de recrutement. En cas de litige, le salarié dispose de recours devant le conseil de prud’hommes pour faire valoir ses droits.
Confidentialité et conservation des données
Lorsqu’un employeur consulte un bulletin n°3, il est tenu par des obligations strictes en matière de confidentialité. Conformément au RGPD et aux recommandations de la CNIL, l’employeur ne peut conserver une copie de ce document qu’à condition de justifier cette conservation par des raisons légales. En l’absence de justification, il doit détruire l’extrait immédiatement après consultation.
Toute conservation abusive ou détournement des informations issues du casier judiciaire expose l’employeur à des sanctions civiles, administratives et pénales.
Sanctions en cas de non-respect des règles
Responsabilité civile et administrative
Un employeur qui ne respecte pas les règles encadrant la demande ou la conservation des données liées au casier judiciaire peut être sanctionné par la CNIL, qui dispose d’un pouvoir d’enquête et de sanction. Les amendes administratives peuvent atteindre 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial, conformément au RGPD.
Responsabilité pénale
L’article 226-21 du Code pénal réprime la conservation abusive de données sensibles, y compris celles issues du casier judiciaire. Les peines encourues incluent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
Ces sanctions témoignent de la volonté du législateur de garantir un équilibre entre les besoins des employeurs et les droits fondamentaux des salariés.
Recours en cas de litige
En cas de demande abusive ou de violation des règles de confidentialité, les salariés disposent de plusieurs recours :
- Saisir la CNIL : Cet organisme peut engager des enquêtes et prononcer des sanctions en cas de manquement au RGPD.
- Engager une procédure devant le conseil de prud’hommes : En cas de discrimination ou d’abus de pouvoir, cette juridiction peut ordonner des réparations financières ou la réintégration du salarié.
- Déposer une plainte pénale : En cas de conservation abusive ou de détournement d’un casier judiciaire, une action devant le tribunal pénal peut être engagée.
Conclusion
La demande d’un casier judiciaire par un employeur, bien qu’autorisée dans certains cas, est soumise à un cadre légal strict. Ce cadre vise à protéger les droits fondamentaux des salariés tout en permettant aux entreprises d’assurer la sécurité et l’intégrité des postes sensibles.
Pour les employeurs comme pour les salariés, une bonne compréhension de ces règles est essentielle. En cas de doute ou de conflit, l’accompagnement par un avocat spécialisé en droit du travail s’avère indispensable pour sécuriser les démarches et garantir le respect des droits de chaque partie.
LE BOUARD AVOCATS
4 place Hoche,
78000, Versailles
https://www.lebouard-avocats.fr/
Pas de contribution, soyez le premier