Pierre-Claver KAMGAING
Docteur en droit, Université Côte d’Azur et Université de Dschang
Enseignant-Chercheur des universités
Avocat au Barreau de Nice
Cass. civ. 1re, 2 oct. 2024, n° 22-20.883, FS-B+R
Résumé
La régularité internationale des jugements étrangers est contrôlée par le juge français lorsque celle-ci est contestée ou qu’il lui est demandé de la constater. Pour accorder l’exequatur, le juge français doit, en l’absence de convention internationale, s’assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure, ainsi que l’absence de fraude. Est contraire à la conception française de l’ordre public international de procédure la reconnaissance d’une décision étrangère non motivée, lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante. Il incombe la partie intéressée de produire ces documents.
Le juge français et la gestation pour autrui réalisée à l’étranger. La gestation pour autrui est certes interdite en France mais, de plus en plus, des personnes y ont recours dans des pays qui l’autorisent[1]. L’acte de naissance délivré par ces pays établit incontestablement la filiation à l’égard des parents d’intention conformément à la loi locale. Cependant, les parents d’intention qui souhaitent que cette filiation produise des effets sur le territoire français doivent solliciter la transcription directe de l’acte étranger sur les registres de l’état civil français ou l’exequatur. Dans cette dernière hypothèse, le juge français appréciera la régularité internationale de l’acte étranger, ce qui implique le contrôle de sa conformité à la conception française de l’ordre public international. L’arrêt de la première chambre de la Cour de cassation montre à quel point la mise en œuvre de ce contrôle est loin d’être évidente.
En l’espèce, une décision de la Superior Court of Justice de l’Ontario (Canada) reconnaît deux conjoints de même sexe comme les pères de deux enfants nés dans ce pays à la suite d’une gestation pour autrui. Le jugement déclare également que les géniteurs ne sont pas leurs père et mère et ordonne l’enregistrement de la naissance des conjoints de manière à n’y faire figurer que les noms des parents d’intention. De retour en France, les parents d’intention, agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux des enfants, les conjoints, qui résident en France, assignent le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris pour voir prononcer l’exequatur de cette décision. Le tribunal rejette la demande d’exequatur et le jugement est confirmé en appel[2]. Les conjoints se pourvoient alors en cassation. D’une part, ils soutiennent qu’il suffit que le jugement étranger soit motivé en droit pour que soit satisfaite l’exigence de conformité à l’ordre public international qui découle de l’article 509 du Code de procédure civile. Dès lors, selon eux, l’argument de la cour d’appel selon lequel, si les appelants font état d’une mère porteuse dans leurs conclusions, le jugement étranger ne fait pas état d’une convention de gestation pour autrui, qu’il ne précise pas les qualités des toutes les personnes visés dans la décision et, le cas échéant, leur consentement à une renonciation à leurs éventuels droits parentaux, est inopérant. D’autre part et subsidiairement, les requérants estiment que le refus de reconnaître la filiation des enfants établie par la décision étrangère, fût-t-elle irrégulière, qui résidaient depuis plusieurs années avec les parents désignés, porte atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée des enfants protégé par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme et l’article 3 de la convention internationale sur les droits de l’enfant. Ainsi, le juge d’appel, qui devait veiller d’office au respect des engagements internationaux de la France, ne pouvait leur reprocher de n’avoir pas fourni d’éléments de nature à servir d’équivalent à la motivation du jugement canadien. Comme on peut le constater, la difficulté de cette affaire réside dans le contrôle de l’existence de la motivation du jugement étranger par le juge de l’exequatur français.
Un problème de motivation du jugement étranger. La Cour de cassation devait répondre à la question de savoir si la décision étrangère non motivée, en l’absence de production des documents de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante, est contraire à la conception française de l’ordre public international de procédure. Pour répondre à cette question, la Cour de cassation recourt à la motivation enrichie, assortie d’une explication d’ordre pédagogique[3]. Après avoir rappelé les règles encadrant le contrôle de la régularité internationale des jugements étrangers relatifs à l’état des personnes[4], la Cour de cassation répond à la question par la négative et rejette le pourvoi : « Est contraire à la conception française de l’ordre public international de procédure la reconnaissance d’une décision étrangère non motivée lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante. Il incombe au demandeur de produire ces documents ». Elle approuve ainsi la cour d’appel qui, ayant relevé que le jugement étranger ne précisait ni les qualités des différentes personnes qui y étaient mentionnées ni leur consentement à une renonciation à leurs éventuels droits parentaux et que les demandeurs n’avaient produit aucun élément de nature à servir d’équivalent à une telle motivation, a retenu que le jugement était contraire à la conception française de l’ordre public international pour motivation défaillante. La Cour de cassation rejette également le moyen tiré de la violation des conventions internationales, car les intéressés n’ont fourni aucun élément permettant d’apprécier concrètement la réalité de l’atteinte invoquée aux droits garantis.
Organisation du propos. Certes, au fond, la solution n’est pas nouvelle[5], mais elle s’applique à une question très sensible, celle de la gestation pour autrui réalisée à l’étranger. C’est très probablement la raison pour laquelle l’arrêt a été précédé de travaux préparatoires et sera suivi d’une publication au Bulletin des arrêts de la première chambre civile, puis au Rapport annuel de la Cour[6]. Cependant, deux constances traversent l’arrêt. D’une part, la Cour rappelle la contrariété à la conception française de l’ordre public international de procédure du jugement étranger entaché d’une motivation défaillante (I) tout en insistant particulièrement sur les critères d’appréciation de l’existence d’une telle motivation dans le cadre d’une gestation pour autrui. D’autre part, elle évoque la possibilité de régularisation du jugement étranger par la production des éléments de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante (II).
Le contrôle exceptionnel de la régularité internationale des jugements étrangers. Il ressort de l’article 509 du Code de procédure civile que les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi. Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation rappelle que les jugements étrangers relatifs à l’état des personnes produisent de plein droit leurs effets en France – sauf s’ils doivent donner lieu à une mesure d’exécution sur les biens ou de coercition sur les personnes – et peuvent être mentionnés sur les registres français de l’état civil indépendamment de toute déclaration d’exequatur[7]. En l’espèce, le jugement canadien concernait la filiation des enfants nés d’une gestation pour autrui (état des personnes). Il était dès lors censé produire de plein droit ses effets en France et faire l’objet d’une transcription sur les registres d’état civil français, sans qu’il soit nécessaire de solliciter au préalable l’exequatur du jugement. Ainsi, les jugements étrangers relatifs à l’état des personnes bénéficient en quelque sorte d’une présomption de régularité internationale. Cependant, il s’agit d’une présomption simple et non d’une présomption irréfragable.
En effet, selon la Cour, la régularité internationale des décisions étrangères est contrôlée par le juge français « lorsque celle-ci est contestée ou qu’il lui est demandé de la constater ». Dans l’affaire qui nous occupe, ce sont les parents désignés qui ont assigné en justice le procureur de la République afin que soit constatée la régularité de leur filiation[8]. Dès lors, le juge était dans l’obligation de contrôler la régularité du jugement étranger. À cet égard, la Cour rappelle les conditions à remplir par un jugement étranger telles qu’issues des arrêts Cornelissen[9] et Gazprombank[10]. Il ressort de ces arrêts que « pour accorder l’exequatur, le juge français doit, en l’absence de convention internationale, s’assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure, ainsi que l’absence de fraude. Il lui est interdit de réviser au fond le jugement ». En l’espèce, seule la question de la conformité du jugement étranger à l’ordre public international de procédure est discutée aussi bien devant les juges du fond que devant la Cour de cassation. La cour d’appel a estimé que la décision étrangère n’était pas motivée et contrevenait ainsi à l’ordre public international procédural, car elle ne faisait pas état d’une convention de gestation pour autrui, sans toutefois préciser les qualités des différentes parties prenantes, ni leur consentement à une renonciation aux droits parentaux. La Cour de cassation approuve ce raisonnement, confortant ainsi sa jurisprudence selon laquelle la motivation du jugement étranger est une composante de l’ordre public international de procédure.
Motivation du jugement étranger et ordre public international. La motivation des jugements est certes une exigence universelle en droit processuel, mais son importance peut varier d’un État à l’autre, en fonction des prescriptions de la législation locale. En droit international privé français, la motivation du jugement étranger fait partie de l’ordre public international de procédure[11] et le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation de son (in)existence[12]. L’arrêt commenté a le mérite de préciser les deux éléments à prendre en compte dans l’appréciation de l’existence de cette motivation, notamment lorsqu’il s’agit d’une décision établissant la filiation d’un enfant né d’une gestation pour autrui. D’une part, l’existence d’une motivation « s’apprécie au regard des risques de vulnérabilité des parties à la convention de gestation pour autrui et des dangers inhérents à ces pratiques ». Mais la Cour de cassation n’indique pas comment le juge français peut concrètement apprécier le risque de vulnérabilité des parties à une convention de gestation de pour autrui réalisée à l’étranger. En a-t-il le pouvoir et les moyens ? Cette appréciation ne relève-t-elle pas plutôt de la compétence du juge étranger ? De même, on ne peut pas affirmer sans réserve que la prise en compte des « dangers inhérents à ces pratiques » relève du droit processuel plutôt que du droit substantiel. Au demeurant, pour la Cour, le juge de l’exequatur doit être en mesure, « à travers la motivation de la décision (…) d’identifier la qualité des personnes mentionnées qui ont participé au projet parental d’autrui et de s’assurer qu’il a été constaté que les parties à la convention de gestation pour autrui, en premier lieu la mère porteuse, ont consenti à cette convention, dans ses modalités comme dans ses effets sur leurs droits parentaux ». Ces éléments faisaient défaut dans le jugement canadien. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation approuve la cour d’appel de Paris sur ce point.
D’autre part, l’existence de la motivation du jugement étranger doit être appréciée au regard « du droit de l’enfant et de l’ensemble des personnes impliquées au respect de leur vie privée garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’intérêt supérieur de l’enfant protégé par l’article 3 § 1 de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant constituant une considération primordiale ». Les requérants ont en effet soutenu que le refus de reconnaître la filiation des enfants établie par la décision canadienne – fût-t-elle irrégulière –, qui résidaient depuis plusieurs années avec les parents désignés, contrevient aux engagements internationaux de la France. Cependant, pour la Cour de cassation, « ayant relevé en outre que les intéressés ne fournissaient aucun élément permettant d’apprécier, in concreto, la réalité de l’atteinte invoquée aux droits garantis (…), c’est sans encourir le grief de la troisième branche que la cour d’appel s’est prononcée comme elle l’a fait ». La réponse est claire. Il ne suffit pas d’invoquer la durée de la communauté de vie avec l’enfant[13] ou le refus de reconnaissance du lien de filiation en France pour conclure à la violation par le juge des conventions internationales. Les requérants auraient dû montrer concrètement en quoi le refus d’exequatur portait atteinte à leurs droits, en démontrant par exemple que l’un des parents étaient le père biologique de l’enfant[14].
Quoi qu’il en soit, il reste à déterminer si les deux critères d’appréciation de la l’existence de la motivation du jugement étranger sont cumulatifs, alternatifs ou en cascade[15]. En d’autres termes, l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit au respect de la vie privée sont-ils suffisants pour accorder l’exequatur au jugement étranger, même celui-ci n’indique pas la qualité et l’intention des parties à la convention de gestation pour autrui ? Une analyse globale du sens de l’arrêt ne permet pas d’avancer péremptoirement une réponse affirmative. À l’inverse, à la lecture du paragraphe 12 de l’arrêt, il semble que l’identification des parties à la convention et leur consentement éclairé sont à la fois indispensables et suffisants pour accorder l’exequatur au jugement étranger. En l’absence de ces éléments, la motivation du jugement étranger est défaillante et le refus d’exequatur inévitable, à moins que les requérants produisent des documents permettant de suppléer la motivation défaillante.
- La régularisation du jugement étranger par la production des éléments de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante
La nature des éléments pouvant suppléer la motivation défaillante. La contrariété d’un jugement étranger à la conception française de l’ordre public international de procédure pour défaut de motivation ou motivation défaillante peut être corrigée par la production « des documents de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante ». Autrement dit, à défaut de motivation suffisante ou renforcée du jugement étranger, le juge français peut se fonder sur les documents versés au débat pour apprécier l’existence d’une telle motivation et, par conséquent, la régularité internationale de la décision. Selon la Cour de cassation, « il incombe au demandeur de produire ces éléments »[16] et le juge jouit en la matière d’un pouvoir souverain d’appréciation de l’existence et de la suffisance de ces éléments[17]. En l’espèce, le ministère public avait sollicité des requérants qu’ils produisent des documents pour pallier la défaillance de la motivation du jugement. Or, en dépit de la réouverture des débats ordonnée à cette fin, les parents désignés n’avaient pu produire aucun élément de nature à servir d’équivalent à une telle motivation. La Cour de cassation estime que c’est à bon droit que la cour d’appel a pu en « déduire que le jugement heurtait l’ordre public international français ».
La Cour de cassation ne donne cependant aucune précision sur la nature des éléments supplétifs de la motivation défaillante. Il faut donc se référer à sa jurisprudence antérieure pour tenter de trouver une réponse. Dans une affaire similaire, elle a estiméqu’une attestation du juge étranger ayant rendu la décision objet de la demande d’exequatur n’était pas de nature à combler le motivation défaillante[18]. Dans une autre affaire, la Haute juridiction de l’ordre judiciaire a décidé que les juges du fond avaient souverainement retenu que l’acte d’assignation et ses annexes ne constituaient pas des équivalents à la motivation[19]. Elle a enfin considéré qu’un jugement étranger dont la motivation est défaillante ne peut pas être complété par des décisions rendues postérieurement à la saisine du juge[20].
Tout porte donc à croire que seuls des éléments extérieurs au jugement étranger, émanant des parties au procès, peuvent pallier la motivation défaillante. Ainsi, à l’instar d’un auteur qui s’est demander si l’exigence de motivation relève réellement de l’ordre public international[21], on peut être surpris par le fait que la motivation défaillante du jugement étranger puisse être comblée par des éléments provenant des parties. Or, par hypothèse, ces éléments ne sont pas objectifs[22]. Cependant, certaines données du procès sont a priori neutres ou objectives, même si elles peuvent être interprétées différemment par les parties. Tel est notamment le cas du contenu d’un contrat de travail écrit ou encore d’un contrat de mariage. Plus spécifiquement, quels documents les requérants pouvaient produire pour combler la motivation lacunaire du jugement canadien ? Suivant la motivation de la Cour de cassation, il s’agit de tout document permettant « d’identifier la qualité des personnes mentionnées qui ont participé au projet parental d’autrui et de s’assurer qu'il a été constaté que les parties à la convention de gestation pour autrui, en premier lieu la mère porteuse, ont consenti à cette convention, dans ses modalités comme dans ses effets sur leurs droits parentaux ». À cet égard, l’exigence d’éléments supplétifs peut être satisfaite par la production de la convention de gestation pour autrui dûment signée par les parties[23] ou des pièces médicales apportant les précisions absentes du jugement.
Le refus d’exequatur d’un jugement non motivé. Faute pour le jugement étranger d’être suffisamment motivé et pour la partie intéressée de produire des éléments permettant de combler la motivation défaillante, l’exequatur doit être refusé. Ce refus ôte au juge étranger relatif à l’état des personnes, la présomption de régularité internationale. Il s’agit d’une jurisprudence constante depuis l’arrêt Hainard[24]. Dès lors, le jugement étranger ne peut produire aucun effet de droit en France. Cette situation est-elle pour autant irréversible ? Il est difficile d’avoir une réponse tranchée, car les solutions théoriques envisageables peuvent se heurter aux difficultés pratiques réelles. En premier lieu, les parents d’intention peuvent solliciter la transcription de l’acte de naissance des enfants sur le registre d’état civil français, en application de l’article 47 du Code civil qui dispose que « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». Toutefois, cette démarche a de fortes chances de ne pas aboutir car, en l’espèce, la mention des noms des pères dans le jugement canadien ne correspond pas à la réalité biologique au regard de la loi française. En outre, il est peu probable qu’un officier d’état civil français procède à une transcription sur la base d’un jugement étranger jugé – de manière irrévocable – contraire à la conception française de l’ordre public international[25]. En ce sens, la Cour de cassation a décidé qu’« est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de cette décision, lorsque celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français »[26]. En seconde lieu, les parents d’intention peuvent solliciter à nouveau l’exequatur du jugement canadien[27], mais encore faut-il produire les éléments de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante et dont l’absence a justifié le refus de la première demande.
En définitive, l’arrêt commenté montre à quel point le droit international privé influence – ou devrait influencer – la manière de rédiger les jugements. Ainsi, le juge doit motiver son jugement, non seulement en application de sa loi, mais également de telle manière que celui-ci puisse s’insérer sans difficulté dans l’ordre juridique où il doit produire ses effets. Dans l’affaire en examen, le juge canadien avait certes motivé sa décision en droit (en appliquant en l’occurrence la Loi sur la réforme du droit des enfants)[28], mais l’avait insuffisamment motivée en fait au regard des exigences françaises. Quid de l’hypothèse où l’ordre public interne ou international canadien interdirait la mention de l’identité des parents biologiques dans un jugement relatif à la filiation d’un enfant né d’une gestation pour autrui ?[29]. Nous assisterions inéluctablement à un conflit d’ordres publics internationaux qu’on peut difficilement résoudre. On comprend dès lors pourquoi cette question et tant d’autres alimentent les réflexions du Groupe de travail sur la filiation/gestation pour autrui de la Conférence de La Haye qui œuvre pour l’élaboration d’un instrument international encadrant la reconnaissance et la circulation des situations créées en exécution d’une gestation pour autrui[30].
[1] E. Roger, « Le parcours du combattant des couples français ayant recours à la GPA », Europe 1, 25 janv. 2018.
[2] Cour d’appel Paris, 14 juin 2022, RG n°21/09743.
[3] Cour de cassation, Motivation enrichie. Guide de rédaction, sept. 2023, 53 p., spéc. p. 9.
[4] Article 509 du CPC.
[5] V. déjà, Cass. civ. 1re, 28 nov. 2006, n° 04-14.646, Bull. 2006, I, n° 520.
[6] V. aussi l’arrêt du même jour (cass. civ. 1re, 2 oct. 2024, n° 23-50.002, FS-B+R) qui semble plus laxiste.
[7] Art. 47 du CC.
[8] Le procureur de la République peut également assigner les parents en contestation de la régularité de la filiation.
[9] Civ. 1re, 20 févr. 2007, n° 05-14.082, Cornelissen c/ Avianca Inc (Sté), D. 2007. 1115, obs. I. Gallmeister ; Rev. crit. DIP 2007. 420, note B. Ancel et H. Muir Watt.
[10] Civ. 1re, 30 janv. 2013, n° 11-10.588, Dalloz actualité, 12 févr. 2013, obs. S. Menetrey ; Cass. civ. 1re, 30 janv. 2013, n° 11-10.588, Publié au bulletin, Gazprombank (Sté) ; RTD com. 2013. 389, obs. P. Delebecque.
[11] Civ. 1re, 17 oct. 1972, n° 71-12.616 ; Cass. civ. 1re, 9 oct. 1991, n° 90-13.449, Rev. crit. DIP 1992. 516, note C. Kessedjian.
[12] Civ. 1re, 28 mai 2014, n° 13-10.553, D. 2015. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke.
[13] V. cependant, Cass., ass. plén., 4 oct. 2019, n° 10-19.053, Dalloz actualité, 8 oct. 2019, obs. T. Coustet ; AJ fam. 2019. 592, obs. J. Houssier ; RTD civ. 2019. 817, obs. J.-P. Marguénaud ; JDI 2020, n° 8, note J. Heymann et F. Marchadier.
[14] CEDH 26 juin 2014, nos 65941/11 et 65192/11, Dalloz actualité, 30 juin 2014, obs. T. Coustet ; Rev. crit. DIP 2015. 1, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; RTD civ. 2014. 616, obs. J. Hauser.
[15] Les requérants ont invoqué le moyen tiré de la violation des conventions internationales à titre subsidiaire.
[16] Plus exactement, cette charge incombe à la partie à laquelle est opposée l’absence de motivation du jugement étranger. Ainsi, même si c’est le procureur de la République qui agit en contestation de la régularité internationale du jugement étranger sur le fondement de la motivation défaillante, il incombe au défendeur de produire les documents de nature à servir d’équivalent à cette motivation.
[17] Civ. 1re, 9 sept. 2015, F-P+B, n° 14-13.641.
[18] Civ. 1re, 9 sept. 2015, F-P+B, n° 14-13.641.
[19] Civ. 1re, 22 oct. 2008, n° 06-15.577, D. 2008. 2801, obs. I. Gallmeister.
[20] Civ. 1re, 7 nov. 2012, n° 11-23.871, D. 2012. 2671 ; Rev. crit. DIP 2013. 898, note L. Usunier.
[21] P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, 11e éd., Paris, LGDJ, 2014.
[22] G. Cuniberti, note sous n° 04-11.635, et 28 nov. 2006, n° 04-19.031, JDI 2007. 143.
[23] Sur le cadre légal de la GPA au Québec, v. Ch. Collard et G. Delaisi de Parseval, « La loi innovante adoptée au Québec montre qu’il peut exister une grossesse pour autrui éthique », Le Monde, 24. oct. 2023.
[24] Cas. Req. 3 mars 1930, Hainard, S. 1930. 1. 377, note J.-P. Niboyet ; Rev. crit. DIP 1931. 329, note J.-P. Niboyer. Contra, Civ. 1re, 6 avr. 2011, Menesson, n° 10-19.053, D. 2011. 1522, note D. Berthiau et L. Brunet.
[25] C. Bidaud, « La force probante des actes de l’état civil étrangers modifiée par la loi bioéthique : du sens à donner à l’exigence de conformité des faits à la réalité « appréciée au regard de la loi française », Rev. crit. DIP 2022. 35.
[26] Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 09-66.486, Dalloz actualité, 14 avr. 2011, obs. C. Siffrein-Blanc ; D. 2011. 1522, note D. Berthiau et L. Brunet ; AJ fam. 2011. 265, obs. B. Haftel ; RTD civ. 2011. 340, obs. J. Hauser.
[27] Civ. 1re, 22 oct. 2002, n° 00-14.035, Rev. crit. DIP 2003. 299, note E. Pataut.
[28] Mais il ne suffit pas que le juge étranger affirme que « la demande a été trouvée vérifiée » pour que sa décision soit compatible avec l’ordre public international français (Cass. civ. 1re, du 17 mai 1978, n° 76-14.843, Publié au bulletin).
[29] V. E. Derieux, « L’anonymisation des décisions de justice est-elle compatible avec la liberté d’expression ? », Actu-juridique, 13 avr. 2021, AJU191300.
[30] V. les rapports du Groupe de travail sur le site officiel de la Conférence de la Haye.
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