LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE

OU LA PARTICIPATION DE LA VICTIME AU PROCES PENAL

De façon générale, pour obtenir la réparation d’un préjudice qui vous a été causé par un tiers, il vous est possible de saisir une juridiction civile pour faire valoir votre demande.

Toutefois, lorsque vous êtes victime d'un fait susceptible de revêtir une qualification pénale, la loi vous offre la possibilité de vous constituer partie civile tant pour suivre le dossier, que pour obtenir une indemnisation.

Cette possibilité est prévue par l’article 3 du Code de procédure pénale, lequel dispose ainsi :

« L'action civile peut être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction.

Elle sera recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite. »

Ce texte prévoit ainsi qu’une partie civile peut solliciter devant la juridiction répressive (Tribunal de Police, Tribunal correctionnel ou Cour d’Assises selon la nature de l’infraction) la réparation de l’intégralité des préjudices dont elle a souffert et qui ont été causés par l’infraction.

Si rien n’interdit à la partie civile de préférer faire valoir ses demandes devant une juridiction civile, il sera souvent préférable d’avoir recours à la voie pénale : les dispositions de l’article 5 du Code de procédure pénale interdisent, à peine d’irrecevabilité, à la victime qui a déjà saisi la juridiction civile compétente de faire valoir ses demandes devant une juridiction répressive.

Il importe donc de préciser selon quelles modalités cette constitution de partie civile peut être réalisée (A) et les droits qu’une constitution de partie civile ouvrent à la victime (B).

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  1. LES MODALITES DE CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE :

Il est important de préciser que la Constitution de partie civile peut avoir lieu dès le dépôt de la plainte auprès des services de Police Judiciaire ou du Parquet, et jusqu’au jour de l’audience pénale.

Cette constitution de partie civile peut avoir lieu par voie d’intervention (A) ou par voie d’action (B).

A) La constitution de partie civile par voie d’intervention :

Lorsqu’une infraction est commise et donne lieu à des poursuites sous l’égide du Procureur de la République ou fait l’objet d’une information judiciaire sous le contrôle d’un juge d’instruction, les victimes sont avisées qu’une audience de jugement va avoir lieu.

La délivrance de cet avis permet à la victime de se manifester auprès de la juridiction répressive pour faire valoir ses droits et ses éventuelles demandes.

Cette modalité de constitution de partie civile est la plus simple, car le poids de l’action publique - c’est-à-dire des poursuites pouvant entraîner des sanctions pénales - est supportée par le Procureur de la République ou le Juge d’instruction.

La partie civile n’est cependant pas dénuée, comme nous le verrons plus tard.

B) La constitution de partie par voie d’action :

Lorsque le Ministère Public a décidé de classer sans suite les faits dont vous avez été victime, ou lorsqu’il ne vous a pas fait connaitre les suites qu’il entend réserver à ces faits dans un délai de trois mois, la partie civile peut agir par voie d’action en déposant une plainte avec constitution de partie civile. Cette plainte, qui prend la forme d’un courrier circonstancié auprès du Juge d’Instruction compétent, dans les conditions prescrites par l’article 85 du Code de procédure pénale.

La partie civile peut également avoir recours à la voie de la citation directe devant le Tribunal correctionnel lorsqu’elle dispose d’éléments suffisants pour caractériser une infraction à l’encontre d’une personne déterminée dont elle a été victime.

Ces deux possibilités permettent à la victime d’une infraction qui n’aurait pas fait l’objet de poursuites pénales, d’agir aux fins de « déclencher » l’action publique, c’est-à-dire permettre que ces faits fassent l’objet d’un examen pénal en vue d’être réprimés.

Le juge peut alors demander que la partie civile verse une somme à titre de consignation, visant à garantir le sérieux et le bien-fondé de l’action exercée par la partie civile. Ladite somme sera alors consigné jusqu’à ce que le juge en ordonne la restitution.

  1. LES PRINCIPAUX DROITS OUVERTS A LA PARTIE CIVILE :

Outre la possibilité pour la victime d’être entendue et de pouvoir s’exprimer sur les faits dont elle a été victime, la constitution de partie civile permet à celle-ci d’exercer certains droits, au premier rang desquels se trouvent l’accès au dossier de la procédure (A) et la possibilité de formuler des demandes d’actes (B).

A) La consultation du dossier :

Que les faits aient fait l’objet d’un renvoi devant le Tribunal correctionnel sur citation du Procureur de la République, ou fassent l’objet d’une information judiciaire sous la direction d’un Juge d’Instruction, le premier des droits de la partie civile est l’accès au dossier pénal.

En effet, la constitution de partie civile permet à la victime, soit seule, soit par l’intermédiaire de son avocat (selon des modalités différentes) de prendre connaissance du dossier, de la nature et de la qualification pénales des faits.

Cette étape est importante, car sans une connaissance précise de la qualification des infractions poursuivies, un certain nombre de demandes d’indemnisation peuvent ne pas aboutir, à défaut de lien étroit avec les faits poursuivis.

B) la possibilité de formuler des demandes d’actes :

Au cours de l’information judiciaire, la partie civile dûment constituée pourra solliciter du juge d’instruction la réalisation d’un certain nombre d’actes destinés à faire valoir ses droits.

A titre d’exemple, l’article 89-1 du Code de procédure pénale prévoit qu’au cours de l’audition de la partie civile, celle-ci est informée de son droit à formuler des demandes d’actes ou des requêtes aux fins d’annulation de certains actes de la procédure.

La partie civile peut à cet égard solliciter une expertise si celle-ci est susceptible de mettre en lumière des éléments en lien avec l’infraction et son préjudice, dans les conditions prévues par l’article 88-2 du Code de procédure pénale.

A l’issue de l’information judiciaire, à réception d’un avis de fin d’information, celle-ci a également la possibilité de faire des observations sur l’instruction réalisée et le cours de la procédure dans le cadre des dispositions des articles 175 et 175-1 du Code de procédure pénale.

Ces observations et demandes peuvent porter sur la qualification des faits, la nécessité ou non de renvoyer telle ou telle personne devant la juridiction répressive etc…

Elles peuvent donc avoir une importance certaine sur le cours de la procédure, notamment quand une requalification des faits est envisagée.

Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2014-535 du 27 mai 2014, l’article 388-5 du Code de procédure pénale prévoit que toutes les parties au procès pénal – y compris la partie civile – ont la possibilité de demander par écrit au Tribunal correctionnel, avant ou au cours des débats, qu’il soit procédé à tout acte nécessaire à la manifestation de la vérité. 

Cette possibilité récente peut permettre à la victime de solliciter des actes d’investigations complémentaires pouvant permettre d’étayer des éléments en lien avec l’infraction dont elle a été victime ou le préjudice qui en a résulté.

Ainsi, la partie civile voit ses possibilités d’expression et son concours au procès pénal renforcée, tant au cours d’une information judiciaire, qu’à l’occasion d’un renvoi devant le Tribunal correctionnel à l’initiative du Procureur de la République.

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En tout état de cause, lorsque l’affaire est prête à être jugée et que la victime en est avisée, celle-ci peut faire valoir sa demande d’indemnisation au regard de l’ensemble des préjudices qu’elle a subi du fait de l’infraction.

Cette demande devra être faite par écrit, et être accompagnée de tous les justificatifs utiles.

Il convient de garder à l’esprit le fait que la loi prévoit que le ministère d’avocat n’est pas obligatoire pour la partie civile.

Toutefois, tenant la nature particulière des faits en cause, la consultation d'un professionnel du droit habitué à assister ou à représenter des parties civiles peut être utile, tant pour la préparation et la constitution de votre dossier et le chiffrage de votre demande d'indemnisation, que pour vous protéger des éventuels aléas de la procédure pénale.

La désignation d’un avocat permet aussi à la partie civile d’être représentée à l’audience par celui-ci, de sorte que son éventuelle absence lors de l’audience de jugement n’entrave en rien pour elle la possibilité de faire valoir ses droits.  

Cela permet aussi à la victime d’être accompagnée et suivie dans des démarches qui sont bien souvent éprouvantes.

Je me tiens à votre disposition pour toutes précisions complémentaires relativement au contenu de cet article.

Maître Pierre PALMER

Avocat au Barreau de Paris