D’origine anglo-saxonne, la lettre d’intention ou letter of intent (LOI), à ne pas confondre avec son homonyme du droit des sûretés, est utile voire indispensable à l’organisation sereine de la négociation étalée dans le temps d’une cession d’entreprise.

Les phases successives nécessaires à la conclusion de l’opération envisagée (pour une cession d’actifs ou de contrôle, il s’agira notamment de l’obtention d’un financement et d’éventuelles autorisations, la réalisation d’audits, la détermination de la valeur puis du prix des différents éléments d’actif et de passif du patrimoine de la société, l’élaboration des garanties de passif et d’actif, etc.) sont en effet autant de risques juridiques, commerciaux et financiers qu’il convient d’encadrer afin de rationaliser les positions et d’apaiser les relations entre les parties négociantes.

La lettre d’intention est un contrat innommé offrant une réponse adaptée à ces besoins : elle propose un cadre de négociation à la fois souple et contraignant. Cette nature complexe ainsi que la totale liberté des parties quant à la détermination de son contenu rendent la rédaction de la lettre d’intention technique et justifient l’intervention d’un spécialiste de ces problématiques juridiques.

I. La lettre d’intention : concrétisation de l’avancée des négociations

La lettre d’intention est un avant-contrat témoignant tant de ce qui a été fait que de ce qu’il reste à accomplir sans qu’elle rende obligatoire la conclusion définitive de l’opération objet des négociations.

A. Une clarification utile des points d’entente 

Le choix d’opter pour l’élaboration d’une lettre d’intention témoigne du sérieux de chaque partie et de leur volonté réciproque de voir aboutir l’opération projetée. Certaines des clauses de ce contrat formalisent en effet les éléments de l’opération envisagée sur lesquels les parties sont d’ores et déjà d’accord et ne souhaitent pas revenir ; à l’inverse, d’autres indiquent les points sur lesquels il sera nécessaire de poursuivre la négociation.

La lettre d’intention concrétise ainsi l’avancée des pourparlers. En cas de rupture abusive de la négociation, elle limite un premier risque : celui de ne pas être en mesure de caractériser la mauvaise foi ou la légèreté blâmable de la partie à l’origine de la rupture (élément apprécié souverainement par les juridictions du fond et dont dépend l’indemnisation de l’éventuel préjudice subi par la partie victime de cette rupture).

B. L’absence d’engagement obligatoire de finalisation de l’opération

Si la lettre d’intention exprime la volonté des parties de mener au mieux les négociations, elle n’emporte pas une obligation de les faire aboutir. Chaque partie reste donc libre de mettre fin aux pourparlers.

Toutefois, si un soin particulier n’a pas été apportée à la rédaction, il existe un risque qu’une  lettre d’intention soit requalifiée par le juge en engagement définitif des parties à conclure l’opération projetée.

 C’est pourquoi l’assistance des parties par un professionnel est toujours préférable afin d’élaborer une lettre d’intention témoignant à la fois de l’accord de principe des parties sur certains aspects et/ou modalités de l’opération projetée et de leur liberté de faire ou non aboutir les négociations. L’emploi dans le contrat, ou dans tout échange qui pourrait être produit devant un juge, de termes ambigus voire à connotation contraignante (tels que l’emploi du futur ou la mention d’un prix fixe sans condition) pourrait avoir de graves conséquences. Une partie pourrait alors engager la responsabilité de l’autre partie car son refus de poursuivre la négociation serait considéré comme un manquement contractuel.

II. La lettre d’intention : sécurisation de la poursuite des négociations et du succès de l’opération

La lettre d’intention peut également s’avérer utile par l’introduction d’un certain nombre de clauses figeant des premiers engagements des parties. Les obligations de ces stipulations assurent à chacune des parties que les négociations se poursuivront de manière optimale.

A. L’organisation du déroulement des négociations par la lettre d’intention

En pratique, les intérêts des parties peuvent converger sur deux points : leur volonté de réduire le coût et le temps de la négociation ainsi que de limiter les risques que la lettre d’intention engendre. C’est pourquoi il est utile, alors que la négociation n’a pas encore abouti, d’imposer certaines obligations aux parties. Par exemple, l’acheteur pourra bénéficier d’une clause d’exclusivité afin de s’assurer de ne pas avoir de concurrent dans la négociation alors que les négociations auraient déjà bien avancées . Le cédant imposera au cessionnaire une obligation de confidentialité quant au contenu des audits et quant à l’existence des négociations afin de protéger l’entreprise des conséquences commerciales et réputationnelles d’un éventuel échec des négociations. Les parties peuvent également décider la mise en place de conditions suspensives afin de mieux contrôler l’avancée des négociations ainsi que convenir d’un calendrier, s’assurant alors de ne pas être prisonnières de négociations au point mort.

La lettre d’intention est également utile au succès de l’opération finale elle-même. Il est ainsi envisageable d’organiser une période de transition pour la transmission du contrôle de la société, le cédant restant dans un premier temps intéressé à ses résultats voire tenu d’exploiter l’entreprise ou de former le repreneur. Ce contrat pourra également évidemment imposer au vendeur une clause de non-concurrence.

B. Les fonctions à la fois préventive et répressive de la lettre d’intention

En l’absence d’encadrement des négociations par une lettre d’intention, le juge n’est tenu que par la jurisprudence et par des dispositions législatives dont le contenu peut évoluer . Anticiper contractuellement la rupture des pourparlers permet donc de minimiser l’aléa judiciaire.

Cette sécurisation de la relation juridique est de nature à permettre la sanction d’une rupture fautive des pourparlers, rupture qui peut être motivée par la volonté de nuire, la mauvaise foi ou la déloyauté. La jurisprudence, puis le législateur, ont imposé une exigence de négociation de bonne foi.

Tout d’abord, afin de prétendre à une indemnisation, la victime de la rupture doit démontrer une perte de chance. Il faudra alors examiner la situation afin de déterminer si le succès de la négociation était vraisemblable. Il sera notamment tenu compte de la proximité du moment où le contrat aurait pu être conclu et/ou du comportement des parties. Il convient également d’examiner si la victime aurait pu conclure un contrat similaire avec un autre partenaire dans un court délai.

Ensuite, un préjudice moral peut également être démontrée par la victime de la rupture fautive, notamment une atteinte à sa réputation. En effet, si des tiers avaient connaissance de négociations avancées entre les parties, l’absence de conclusion de l’opération projetée peut avoir des conséquences négatives sur la victime de la rupture.

Enfin, la victime peut être indemnisée des frais qu’elle aura exposés dans le cadre des négociations en fonction de la gravité de la faute de l’auteur de la rupture.

Grâce à la lettre d’intention, chaque partie a donc intérêt à poursuivre la négociation telle qu’envisagée dans la lettre d’intention sous peine de voir sa responsabilité engagée. Surtout, chacune des parties sait que l’autre réalise ses meilleurs efforts pour parvenir à la réalisation de l’opération projetée. La lettre d’intention permet donc une sécurité juridique favorisant un climat de confiance entre les parties. Elle augmente ainsi significativement les chances de succès de la négociation.

La lettre d’intention répond ainsi parfaitement aux besoins de sécurité des personnes projetant de réaliser une opération dont la négociation est déjà entamée. Rédigé par un conseil, ce contrat permet de réduire les risques de litige et de mettre en place les conditions propices à la réussite de l’opération.