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En cette fin d’année 2022, la recherche d’un équilibre entre la préservation de la faune protégée, d’une part, et le développement et le fonctionnement des éoliennes, d’autre part, alimente une actualité juridique riche, devant le Conseil d’Etat, le Parlement et la Cour de cassation.

 

  1. Le 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat a rendu un avis attendu sur l’application de la procédure de dérogation au principe de la protection des espèces protégées.

 

(https://www.conseil-etat.fr/actualites/realisation-de-travaux-et-protection-des-especes-protegees-le-conseil-d-etat-precise-les-regles )

 

Le Conseil d’Etat a rappelé qu’un examen doit être effectué par le responsable du projet dès que des spécimens protégés sont présents dans la zone.

Dans son avis, le Conseil d’Etat indique qu’une telle dérogation doit être obtenue « si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte ».

 

L’étude faunistique réalisée sur le terrain et les mesures prévues pour éviter de porter atteinte aux spécimens protégés et pour réduire ces atteintes constituent donc le socle de cette procédure.

L’apport important de cet avis que la dérogation « espèce protégée » n’a pas à être sollicitée lorsque « les mesures d’évitement et de réduction proposées présentent « sous le contrôle de l’administration, des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé ».

Il s’agit d’une position recherchant un certain équilibre, mais le critère de « risque suffisamment caractérisé » n’est pas exempt de subjectivité.

 

2. Un projet de loi relatif « à l'accélération de la production d'énergies renouvelables » en cours de discussion au Parlement.

Rappelons qu’une des conditions pour obtenir une dérogation « espèce protégée » est que le projet réponde à « intérêt public majeur ». Or, que certaines décisions de justice ont mis en difficulté des projets éoliens en ne leur reconnaissant pas un tel intérêt.

Pour pallier cet obstacle, à l’occasion du projet de loi relatif « à l'accélération de la production d'énergies renouvelables », le Sénat a voté le 3 novembre 2022 l’établissement d’une « présomption d'intérêt public majeur » pour les installations de production ou de stockage d'énergie renouvelable, de gaz bas-carbone, ou d'hydrogène renouvelable ou bas-carbone.

(https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0443_projet-loi#D_Article_4 )

Cette nouveauté n’a pas reçu le même accueil devant l’Assemblée nationale. Un amendement adopté en Commission par l’Assemblée nationale le 24 novembre 2022 a retiré cette disposition.

Le motif de ce retrait est que :

 « L’article 4 accorderait aux projets d’énergie renouvelable - en pratique, ceux de l’éolien – une priorité systématique sur la biodiversité. Or la protection des espèces en danger ou en déclin constitue un objectif de première importance. L’article 4 porte donc atteinte à la Charte de l’Environnement, document de valeur constitutionnelle, qui proclame cet objectif – alors qu’il ne comporte aucune référence aux énergies renouvelables, ainsi qu’à la loi de 2016 sur la reconquête de la biodiversité ayant institué le principe de non-régression. (…)

L’arbitrage entre la recherche d’un supplément d’énergie éolienne et l’impératif de protection de la
biodiversité ne peut être effectué qu’au cas par cas, en fonction des caractéristiques de chaque site et de chaque projet, et sous le contrôle du juge. Il ne saurait être décidé ex ante et de manière
générale ». (
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/0443/CION-ECO/CE1243.pdf )

 

Une telle vision « au cas par cas » semble aller dans le même sens que la position du Conseil d’Etat.

 

 

3. Enfin, le 30 novembre 2022, la Cour de cassation a jugé qu’une association agréée pour la protection de l'environnement est recevable à agir en réparation de son préjudice moral résultant de la destruction d’une espèce protégée, tant devant le juge pénal que le juge civil.

 

Cette affaire concernait la mort de faucons crécerellettes causés par le fonctionnement d’éoliennes, dont les sociétés exploitantes n'avaient pas sollicité de dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées prévue par le code de l’environnement.

 

Pour la Cour de cassation, cette action en réparation civile n’est « pas conditionnée par la constatation ou la constitution préalable de l'infraction » et l’atteinte « résultait de la constatation de la destruction d'un spécimen appartenant à l'espèce faucon crécerellette, en violation de l'interdiction édictée par l'article L..411-1, 1°, du code de l'environnement ».

 

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi et confirmé l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui avait condamné les sociétés exploitant les parcs éoliens à réparer ce préjudice moral de l’association agrée. La condamnation à hauteur de 3.500 euros paraît toutefois bien faible par rapport aux enjeux faunistiques.

 

En effet, 28 faucons crécerellettes avaient été tués entre 2011 et 2016 par collision avec les éoliennes des parcs du Causse d'Aumelas et cette destruction perdurait malgré la mise en place du système DT-BIRD. Le respect des prescriptions de fonctionnement était discuté par les parties.

 

(https://www.doctrine.fr/d/CA/Versailles/2021/C5EFBEB56CA64E795BC24