Article également disponible sur le site du Cabinet NEFF AVOCAT http://sandrine-neff-avocat.fr/actualite-juridique/

Il est précisé que sera uniquement abordé dans le cadre de cet article la question d’une vaccination « non obligatoire » contre la COVID 19 d’un mineur et non de la question des vaccins obligatoires ou recommandés pour les enfants.

L’autorité parentale est définie par l’article 371-1 du Code civil comme étant « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.  Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques. Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.»

Par principe, l’autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents et ce même en cas de séparation du couple parental (article 372 et 373-6 al 1 du Code civil) sauf à ce que le Juge aux Affaires Familiales pour des motifs graves confie l’exercice de l’autorité parentale à l’un seul des parents.

Ainsi, les décisions importantes concernant la santé, l'orientation scolaire, l'éducation religieuse et le changement de résidence de l'enfant doivent être prises en accord par les deux parents titulaires de l’autorité parentale.

La loi prévoit cependant un tempérament à cet exercice conjoint de l’autorité parentale à l’article 372-2 du Code civil  « A l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant. »

En effet, les actes de l’autorité parentale n’ont pas tous la même portée. C’est pourquoi ils se répartissent entre les actes usuels pouvant être réalisés par un seul parent (le consentement de l’autre étant présumé à l’égard du tiers de bonne foi) et les actes non usuels nécessitant l’accord exprès des deux parents titulaires de l’autorité parentale.

Ainsi, le père ou la mère qui agit seul pour les actes usuels est dispensé de prouver l’accord de l’autre parent.

Le tiers de bonne foi est celui qui n’est pas informé du désaccord de l’autre parent et qui peut ainsi croire en toute bonne foi que l’autre parent est d’accord. Ainsi, la présomption tombe lorsque le tiers de bonne foi est valablement informé du désaccord de l’autre parent.

Si le législateur n’a pas défini la notion d’acte usuel il demeure qu’il s’agit d’acte peu important de la vie courante de l’enfant. Il appartient aux juges de faire une appréciation au cas par cas.

 

Il ressort de la jurisprudence dégagée par les Juges que l’acte usuel est un acte de la vie quotidienne qui :

  • N’engage pas l’avenir de l’enfant
  • Ou n’engage pas ses droits fondamentaux
  • Ou s’inscrit dans un pratique antérieure établie par les parents et non contestée par l’autre parents (CA Aix en Provence du 28 octobre 2011)

Ainsi et a contrario, est un acte non usuel, l’acte qui :

  • Rompt avec le passé
  • Engage de façon déterminante l’avenir de l’enfant
  • Engage les droits fondamentaux de l’enfant

     

Dans le domaine médical ont notamment été qualifiés d’acte usuel :

  • Suivi médical ordinaire
  • Séances ponctuelles et d’une portée limitée avec un psychologue, dans un but de prévention de la santé mentale (CA Lyon, 28 fév. 2011, n°10/03604 2007/00476)
  • Circoncision revêtant un caractère médicalement nécessaire et non rituel (CA Versailles, 1er janv. 2016, n°15/08970)
  • Poursuite d’un traitement récurrent
  • Suivi de santé

Ont notamment été qualifiés d’acte non usuel :

  •  Hospitalisation hors cas d’urgence
  •  Intervention chirurgicale et anesthésie
  • Psychothérapie de longue durée avec une grande régularité

 

Vaccination contre la COVID 19 : acte usuel ou non usuel ? accord de l’un seul des parents ou des deux parents


Un parent peut-il faire vacciner son enfant contre la COVID 19 sans l’accord de l’autre parent ? La question va être amenée à se poser et le plus souvent dans le cas de parents séparés.

La question est ainsi de savoir si la vaccination d’un mineur contre la COVID19 sera considérée comme un acte usuel pour lequel un parent agissant seul est réputé agir avec le consentement de l’autre parent ou un acte non usuel nécessitant l’accord exprès des deux parents.

Dans le cas d’un vaccin non obligatoire, le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de se prononcer dans un arrêt du 4 octobre 2019 (CE, ch. Réunies, 4 oct. 2019, n°417714)

La Haute juridiction rappelle ainsi les éléments permettant de caractériser un acte usuel et un acte non usuel « Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sauf en cas d'urgence, lorsqu'un acte médical ne constitue pas un acte usuel de l'autorité parentale, il ne peut être accompli à l'égard d'un mineur qu'après que le praticien s'est efforcé de contacter les titulaires de l'autorité parentale et d'obtenir leur consentement. A ce titre, le médecin appelé à accomplir, à la demande d'un des parents exerçant en commun l'autorité parentale avec l'autre parent, un acte médical à l'égard d'un enfant, doit apprécier si, eu égard à la nature de cet acte, aux caractéristiques du patient, en particulier de son âge, et compte tenu de l'ensemble des circonstances dont il a connaissance, cet acte peut être regardé comme un acte usuel de l'autorité parentale »

Et le Conseil d’Etat de conclure : « la chambre disciplinaire nationale s'est fondée sur la seule circonstance que la vaccination en cause n'était pas obligatoire, pour en déduire qu'elle ne pouvait être qualifiée d'acte usuel de l'autorité parentale quelle que soit l'appréciation portée sur l'absence ou non de risque pouvant en résulter. »

Ainsi, la seule circonstance du caractère non obligatoire du vaccin envisagé ne peut suffire à caractériser le caractère non usuel de l’acte.

Ainsi les Juges amenés à statuer sur la question de la qualification (usuel/non usuel) de l’acte médical envisagé doivent prendre en considération un faisceau d’indice tel :

  • La nature de cet acte
  • Les caractéristiques du patient, en particulier de son âge,
  • L'ensemble des circonstances dont le médecin a connaissance

Dans le cas de la vaccination contre la COVID 19, il sera à mon sens difficilement concevable de considérer que la vaccination des enfants soit un acte usuel et devra à mon sens être qualifié d’acte non usuel devant recueillir l’accord exprès des deux parents titulaires de l’autorité parentale.

En effet, un faisceau d’indice permette de le considérer :

1. Le ministère des Solidarités et de la Santé en bas de page de l’autorisation parentale pour la vaccination COVID 19 porte l’obligation de l’accord des deux parents

https://solidarites-sante.gouv.fr/grands-dossiers/vaccin-covid-19/je-suis-un-particulier/article/la-vaccination-des-mineurs

https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_-_autorisation_parentale_vaccin_covid-19.pdf

 

2. Les éléments techniques et médicaux notamment avancés par le Conseil Constitutif National d’Ethique (CCNE) dans son Avis du 9 juin 2021

https://www.ccne-ethique.fr/fr/actualites/enjeux-ethiques-relatifs-la-vaccination-contre-la-covid-19-des-enfants-et-des-adolescents

Il appert à la lecture du rapport du CCNE que :

  • Les mineurs ne sont pas des populations à risque
  • Les effets à long terme de la vaccination sont méconnus pour cette population
  • Le bénéfice individuel direct est mineure
  • Sur un plan éthique, l’immunité collective ne doit pas reposer sur des mineurs d’autant que des populations à risque ne sont pas encore vaccinées
  • Le CCNE met également en avant la question du consentement libre du mineur :

Le CCNE précise :« La situation pour ces populations pédiatriques diffère de celle des personnes âgées et des groupes à fort risque d’exposition, comme les personnels de santé, en raison d’incertitudes sur le bénéfice individuel direct, de leur vécu de la pandémie, du peu d’études sur les vaccins les concernant et enfin sur la question d’une information délivrée et comprise, ainsi que de la liberté de consentit des enfants et adolescents. »

La question du bénéfice individuel - Pour le CCNE « La première condition qui permettrait d’ouvrir la vaccination aux enfants et adolescents serait le bénéfice individuel direct »

Or, il relève en suivant le faible bénéfice individuel : « En tenant compte des données disponibles dans la littérature et de la situation actuelle en France, les formes graves de l’infection par la Covid-19 sont très rares chez les moins de 18 ans. Les facteurs de risque de mortalité sont : l’âge de plus de 10 ans et la présence d’au moins une comorbidité. La morbidité à moyen et long terme de l’infection semble également exceptionnelle dans cette population selon les premières données disponibles. Ainsi, le bénéfice individuel direct de la vaccination pour les enfants et les adolescents est très limité en termes de risques liés à l’infection. »

La question de la sécurité du vaccin - Le Conseil évoque ensuite la question de la sécurité du vaccin proposé aux enfants.

Très pédagogiquement le Conseil exprime que les vaccins ARN MESSAGER sont issus d’une nouvelle technologie « En effet, les évaluations d’effets secondaires rares et dangereux chez les enfants n’ont débuté que récemment lors les études pharmaceutiques de phase III, qui ont chacune pour objet quelques milliers de cas (31), et l’on ne dispose pas, comme avec les adultes, des données qui résultent d’une vaccination massive en population générale. De plus, il existe des différences dans les réactions immunologiques d’un nouveau-né, d’un enfant et d’un adolescent qui pourraient engendrer des réponses vaccinales différentes. Ceci n’a pas encore été évalué (33, 52) »

De plus « le recul existant ne permet pas d’assurer la pleine sécurité de ces nouveaux vaccins chez l’adolescent, (en dehors de l’étude mentionnée ci-dessus, il n’existe, à ce jour, aucune autre donnée) et chez l’enfant aucune donnée n’est disponible mais on peut noter que plusieurs dizaines de millions d’adolescents ont été vaccinés aux USA. »

La question éthique de faire peser sur les mineurs l’immunité collective - Le CCNE précise enfin « Sachant qu'un nombre significatif d'adultes, dont des personnes présentant des comorbidités, ne procèderont pas à la vaccination, est-il éthique de faire porter aux mineurs la responsabilité, en termes de bénéfice collectif, du refus de vaccination d'une partie de la population adulte ? »

La question d’un consentement libre et éclairé – Le CCNE interroge sur la notion de libre consentement « la motivation induite par la possible liberté retrouvée par le biais de la vaccination, en particulier dans la population des adolescents, doit s’assurer de la non malfaisance d’une telle pratique à court, moyen et long terme. Elle questionne aussi la notion de consentement libre. »  (NB – Note de l’auteur : l’avis a été rendu avant l’annonce présidentielle du 12 juillet 2021). Le mineur et son parent ont-ils consenti librement à l’acte ou ont-ils été contraints par la privation de liberté subie. La question se pose...

Le CCNE de poursuivre sur la notion de consentement éclairé « La balance bénéfices/risques comprenant toutes les incertitudes exposées dans ce texte devra être expliquée à l’adolescent et à ses parents, détenteurs de l’autorité, mais aussi les différentes alternatives qui sont offertes pour éviter d’être contaminé par le SARS-CoV-2. Prendre le temps d’une information éclairante sera-t-il compatible avec la durée très courte d’échange avec le professionnel de santé au moment de la vaccination ? En d’autres termes, la recherche d’un consentement « libre et éclairé » constitue un réel enjeu à relever, à décliner selon l’âge des mineurs. »

 

Il appert ainsi que ces éléments penchent pour la qualification d’acte non usuel de la vaccination de l’enfant contre la COVID 19 et nécessitant ainsi l’accord exprès des deux parents titulaires de l’autorité parentale.

 

Les obligations du médecin face au mineur accompagné de l’un de ses parents


1.La recherche de l’accord exprès des deux parents titulaires de l’autorité parentale.

Le médecin doit effectuer des démarches positives et ne pourra à mon sens s’exempter de cette obligation par la production de l’attestation sur l’honneur que produira l’un des parents d’avoir recueilli l’accord de l’autre. Les deux titulaires de l’autorité doivent exprimer leur accord de manière expresse.

L’article L. 1111-4 et L. 1111-5 du code de la santé publique dispose que « lorsque qu'un médecin accomplit un acte médical à l'égard d'un mineur, il lui appartient, en dehors des exceptions prévues par l'article L. 1111-5 du code de la santé publique, de rechercher le consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale ainsi que du mineur dès lors qu'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision »

2. Le recherche du consentement libre et éclairé du mineur lorsqu’il est apte à exprimer sa volonté.

La question se posera du consentement libre d’un mineur « contraint » de se vacciner pour recouvrer sa liberté de vivre « normalement ». Il en sera de même de l’accord des titulaires de l’autorité parentale souhaitant vacciner le mineur pour uniquement recouvrer les libertés d’une vie de famille normale.

A défaut de vaccination, l’enfant et ses parents sont contraints à vie en marge de la société équivalent à une mort sociale. Le consentement à la vaccination est-il vraiment libre pour ce jeune et ses parents. La question reste posée et ce d’autant plus d’autant plus en suivant des dispositions législatives annoncées par le Président lors de son allocution du 12 juillet 2021.

Pour le cas où le médecin constate que le consentement du mineur n’est pas libre et/ou qu’il ne peut recueillir l’accord des deux titulaires de l’autorité parentale, il est nécessaire de ne pas procéder à la vaccination contre la COVID 19 de l’enfant.

3. Obligation d’information sur les soins prodigués.

Le droit du patient à l’information est posé par l’article L. 1111-2 du code de la santé publique et précise que cette information porte sur :

  • Les traitements ou les actes de soins, ainsi que les actions de prévention qui vous sont proposés et leur éventuel degré d’urgence
  • Leurs conséquences
  • Les risques qu'ils comportent, c’est-à-dire les risques fréquents ou graves normalement prévisibles
  • Les autres solutions thérapeutiques possibles si elles existent
  • Les conséquences prévisibles en cas de refus de soins.

    Si de nouveaux risques sont identifiés, même après votre prise en charge, vous devez en être informé par le médecin ou l’établissement de soins.

     

Qui pour trancher en cas de désaccord des parents/ des titulaires de l’autorité parentale


Avant tout, le dialogue entre les parents doit être privilégié.

A défaut de trouver un accord, il appartient au parent le plus diligent de saisir le Juge aux Affaires Familiales selon différentes modalités conditionnées par l’urgence afin qu’une décision soit rendue autorisant ou pas le parent à prendre la décision.