Les propriétaires bailleurs individuels se trouvent fréquemment démunis face à des locataires indélicats qui ne règlent pas leur loyer.

Non seulement une procédure d'expulsion peut être longue et complexe, mais elle ne garantit pas toujours le recouvrement total des loyers impayés.

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, connue sous le nom de loi ALUR, visait à améliorer les relations entre propriétaires et locataires dans le parc privé.

Toutefois, elle n'a manifestement pas atteint ses objectifs.

La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite est venue compléter l’arsenal législatif, mais sans prendre en compte les réalités techniques et humaines de la justice française actuelle, qui manque cruellement de moyens pour rendre des décisions rapides.

Dès lors, l’expulsion peut paraitre un véritable parcours du combattant pour le bailleur.

Voici un vade-mecum pour vous guider dans la conduite efficace d'une procédure de recouvrement de loyers impayés et d'expulsion du locataire, tout en perdant le moins de temps possible.


  • ETAPE 1 : LE COMMANDEMENT DE PAYER VISANT LA CLAUSE RESOLUTOIRE 

En cas de non-paiement du loyer par le locataire, le premier réflexe du bailleur doit être de lui faire délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, prévue pour le défaut de paiement du loyer et des charges.

Il faut pour cela s’adresser à un Commissaire de justice (anciennement dénommé Huissier de justice).

Le délai laissé au locataire pour apurer sa dette diffère selon la date de conclusions du contrat :

  • Pour les contrats antérieurs au 29 juillet 2023 : 2 mois
  • Pour les contrats conclus à compter du 29 juillet : 6 semaines

Il faudra évidemment analyser et vérifier le contenu du contrat de bail et la rédaction de la clause résolutoire.

Si le locataire ne se libère pas de ses obligations dans le délai prévu au commandement de payer, la clause résolutoire reprend son plein effet et le locataire est déchu de tout titre d’occupation.

Cela permet alors d’agir devant le tribunal.


  • ETAPE 2 : LA PROCEDURE JUDICIAIRE

Le juge des contentieux de la protection est compétent pour connaitre de l’ensemble des litiges issus des baux d’habitation, dont les expulsions et le recouvrement des loyers impayés.

Ce juge doit être saisit par une assignation devant le tribunal géographiquement compétent.

Cette assignation doit également être notifiée au Préfet, à peine de nullité de la demande en expulsion.

La date d’audience est fixée par le greffe et dépend donc de l’encombrement du tribunal et de la période de l’année.

Il faut compter entre 2 à 6 mois pour une première date d’audience, les délais pouvant varier du simple au double selon les juridictions.

Le bailleur doit avoir à l’esprit qu’il s’agit du premier obstacle à franchir mais que la route procédurale est encore longue.

En effet, le dossier ne sera pas forcément évoqué à la première audience.

Si le locataire sollicite un renvoi pour préparer sa défense par exemple, le dossier fera l’objet d’un renvoi à une nouvelle date, avec un nouveau délai d’environ 2-3 mois.

Une fois que chaque partie à fait valoir ses arguments, le juge va pouvoir trancher et décider si une expulsion s’impose.

L’expulsion n’est en effet jamais automatique.

Si le locataire indélicat est de bonne foi et qu’il sollicite des délais de paiement pour apurer sa dette, le juge peut suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder des délais de paiement pouvant s’étaler sur trois années (au maximum).

Si le locataire ne respecte pas l'échéancier fixé par le juge, la suspension de la clause résolutoire prend fin et son expulsion devient alors possible.

L a loi du 27 juillet 2023 est venue encadrer cette demande de délai de paiement, en imposant désormais au locataire d’avoir repris le paiement de son loyer courant, comme condition de recevabilité de sa demande.

Cela signifie qu’un locataire qui n’aurait pas repris le paiement de son loyer avant l’audience ne serait pas recevable à solliciter des délais de paiement pour apurer sa dette.

Une fois le dossier plaidé devant le juge, ce dernier va fixer une date de délibéré, à laquelle sa décision sera rendue, souvent un mois ou deux mois plus tard.

Une fois le jugement d’expulsion rendu, il faut alors le signifier au locataire pour entamer la procédure en expulsion.

Pour le bailleur l’attente n’est donc pas finie.


  • ETAPE 3 : LA PROCEDURE D’EXPULSION

Si le jugement ordonne l’expulsion du locataire, cette dernière n’est pour autant immédiate.

Il faut d’abord tenir compte de la trêve hivernale, qui s’étend du 31 octobre au 31 mars de l’année suivante.

La trêve hivernale empêche toute mesure d’exécution forcée.

En dehors de la période protégée par la trêve hivernale passée, les mesures d’expulsion peuvent avoir lieu.

D’abord, un Commissaire de justice va signifier de manière officielle la décision au locataire, qui est désormais occupant sans droit ni titre du logement.

Si le locataire ne quitte pas de lui-même les lieux, le Commissaire de justice va alors devoir lui signifier un commandement de quitter les lieux, dans un délai de deux mois.

Durant ces deux mois laissés au locataire par le commandement de quitter les lieux, il ne peut rien se passer d’autre.

En effet, l’article L 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution interdit toute expulsion avant l’expiration de ce délai, dès lors que l’expulsion porte sur un local affecté à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef.

Il s’agit pour la personne expulsée d’organiser son relogement et son déménagement.

Le non-respect de ce délai peut entraîner la nullité de la procédure.

La loi permet également à l’occupant sans droit ni titre de solliciter auprès du Juge de l’exécution des délais d’évacuation pour quitter le logement.

Ses délais peuvent être accordés selon le montant de la dette locative, la situation personnelle et familiale de l’occupant ou encore de sa bonne ou mauvaise foi.

Une fois la décision du juge de l’exécution rendue, qu’elle accorde ou non des délais d’évacuation, l’expulsion devient donc inéluctable.

Malheureusement, le bailleur n’est souvent pas au bout de ses peines car il n’est pas rare d’observer un maintien dans les lieux par le locataire, sans qu’aucun règlement de loyer ne soit effectué et au mépris de la décision d’expulsion rendue.

Le bailleur doit donc recourir au concours de la force publique.

L’obtention du concours de la force publique s’obtient auprès du Préfet. Si ce dernier refuse (dans de très rares cas), le bailleur peut alors engager la responsabilité de l’état devant le Tribunal administratif.

L’expulsion pourra alors enfin avoir lieu.


Aujourd'hui, l'état d'encombrement des juridictions entraine des procédures toujours plus longues pour le bailleur. 

Les conséquences financières peuvent être dramatiques pour le bailleur particulier sur qui pèse parfois des charges de propriété lourdes (prêt immobilier, charges de copropriété etc).

Des solutions juridiques existent pour tenter de recouvrer les loyers, dans le cas d'un locataire qui serait solvable.

Le bailleur ne doit donc pas hésiter à se rapprocher d'un conseil pour se faire accompagner et entamer les démarches au plus vite.