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Dans le contexte actuel de reconfiguration de la mondialisation, la sécurisation des opérations du commerce international est un enjeu majeur.
Les opérations de vente, ou de « supply chain » internationale (de matières premières, de produits manufacturés etc.) peuvent prendre plusieurs formes et obéir à différentes règles. Or, ce sont des différences de nature, et non simplement de degré, qui séparent les modes d'intermédiation. Les obligations des intermédiaires, et donc leur régime de responsabilité civile, peuvent ainsi différer du tout au tout.
Nous nous concentrerons ici sur une forme spécifique d’intermédiation : le courtage international. Mode intégré, mais « allégé » d’intermédiation, le rôle du courtier consiste à « introduire » les parties, sans être investi d'un mandat général de représentation. Le courtage se distingue ainsi des missions de commissionnaire, ou encore d’agent.
Nous aborderons ici les principales clauses à insérer dans un contrat de courtage international (ou « international brokerage agreement ») et les problématique qu'il convient d'anticiper.
1°) Définitions et qualification juridique
Il est fondamental de bien définir l'objet du contrat. La qualification sera faite en procédant à la fois par sélection et par exclusion.
Il sera ainsi précisé que le contrat ne porte que sur la fourniture de services d'intermédiation, sous forme de courtage : c'est-à-dire rechercher, identifier et introduire des acheteurs ou vendeurs potentiels (selon l'angle choisi).
Les parties consciencieuses préciseront en outre :
- Qu’elles agissent l'une envers l'autre comme des entreprises indépendantes, sans qu'il soit possible de considérer que l'une d'entre elles agit en qualité de représentant, d'agent, d'employé ou mandataire de l'autre, ou qu'il existe entre elles une quelconque joint-venture, société (de capitaux, de moyens ou de fait), trust ou fiducie, ou tout autre arrangement comparable ;
- Que le contrat ne crée ni n'implique aucune relation de subordination entre les Parties (par exemple, un contrat de travail) ;
- Qu’il ne crée ni n'implique aucune relation de sous-traitance, en vertu de laquelle une partie exécuterait certaines tâches ou missions pour l'autre, en son nom ou pour son compte ;
- Qu’il ne crée aucune franchise, concession, relation d’agent commercial, gérance de succursale, mandat de gérance, ou location-gérance de fonds de commerce, etc.).
2°) Vérifications et déclaration préliminaires
Avant de signer un contrat international aux enjeux importants, il convient toujours de vérifier l’identité des parties (par ex. en se faisant remettre des certificat d’incorporation) et confirmer que les signataires sont investis du pouvoir d’agir au nom et pour le compte de l’entité qu’ils représentent.
Mais les vérifications préliminaires ne s'arrêtent pas là. Lorsque l’opération porte sur des produits ou des matières premières sensibles, ou impliquent des juridictions marquées par l’instabilité politique, les conflits armés, la corruption, la violation des droits humains ou d'autres formes d’irrégularités, ces recherches doivent être approfondies.
L’intermédiaire a tout intérêt de faire déclarer à son cocontractant (et, si possible, de vérifier personnellement), que le « sourcing » est régulier, que le fournisseur est habilité à exercer son activité et qu'il est respectueux des normes (locales et internationales)...
En matière de courtage international, la « compliance » est fondamentale et mérite la plus grande des attentions !
3°) Obligations respectives des parties
Les obligations mises à la charge du courtier sont légères. Son obligation de moyens (« duty of best effort ») et non de résultat (« duty of result »), implique qu’il doit simplement, mais activement, rechercher, identifier et introduire des acheteurs ou des vendeurs.
De la preuve de l'introduction dépendra l'exigibilité de la commission du courtier. Le processus d’introduction doit donc être défini. Ce qui constitue, ou ne constitue pas, une introduction sera utilement décrit en termes concrets (quite à donner des exemples). A contrario, les notions d’"existing and on-going business relationship", ou de "notorious commercial dealings" pourront être invoquées, à titre d'exception, pour contester l'introduction.
Outre cette introduction, rien n’interdit au courtier d'offrir certains services additionnels. Il pourra ainsi jouer un rôle déterminant en structurant juridiquement la vente sous-jacente. Assumant un tel rôle, il favorisera, avec l'aide de ses conseils, la cohérence juridique des opérations, en soumettant tous les contrats à une même législation et en suggérant un mode de résolution des différends unique. Le tout est de bien définir les services additionnel et leur rémunération.
Au plus le courtier s'impliquera dans l'opérations de vente (notamment au plan de la structuration juridique), au plus il réduira son risque d'éviction. Se rendant incontournable, il gardera aussi et surtout un droit de regard sur sa rémunération.
Les obligations du vendeur ou de l’acheteur sont plus nombreuses et significatives. Outre l’obligation générale d’agir et exécuter le contrat de bonne foi (ce qui implique évidemment une communication régulière et transparente), cette partie s’engagera surtout à ne pas évincer l’intermédiaire. L'éviction consiste, en somme, à conclure des « deals » dans le dos de l’intermédiaire, pour le priver de sa commission. Articulée avec une clause pénale dissuasive, cette interdiction est au cœur du contrat de courtage international. Elle mérite donc une définition contractuelle minutieuse.
Par ailleurs, les parties s’interrogeront sur :
- l’exclusivité (ou l’absence d’exclusivité) ; ainsi que
- les volumes : un minimum doit-il, ou non, être atteint ? Le franchissement de certains seuils a-t-il une incidence financière ?
4°) Aspects financiers : commission, moyen de paiements, etc.
Dès lors qu’une introduction est faite, entrainant la conclusion et l’exécution d’un contrat de vente, la commission du courtier doit être payée. Elle correspond en général à un pourcentage du prix de vente (déterminé grâce à un indice de référence).
Cette rémunération doit être sanctuarisée. Dès lors qu'il a valablement introduit les parties et qu'une vente a été conclue, le courtier mérite d'être payé. La commission ne doit pas être affectée par la survenance d'événements sur lesquels il n'a aucun contrôle. Par exemple, le fait que le vendeur ne reçoive in fine qu'une partie du prix de vente, après contrôles des produits ou matières premières, ne devrait pas impacter sa rémunération.
Afin de sécuriser l’opération et s’assurer que la commission sera bien perçue, certains modes de paiement sont à privilégier. On pense tout particulièrement à la lettre de crédit, qui prémunit le courtier contre le risque de volte-face arbitraire.
5°) Confidentialité et propriété intellectuelle
Les informations échangées dans le cadre de la négociation ou l’exécution d'un contrat de courtage international sont souvent sensibles. C'est pourquoi il est essentiel d’y insérer une clause de confidentialité robuste, adossée à une clause pénale dissuasive.
Vendeurs et acheteurs ont généralement leurs propres marques, logos, etc. Il convient donc de préserver leurs droits de propriété intellectuelle respectifs et d'encadrer leur usage. Par exemple, le courtier pourra être autorisé à utiliser certains signes distinctifs de l'acheteur/du vendeur pour commercialiser les produits, à condition d’y être préalablement autorisé.
6°) Exclusions de responsabilité et résolution des différends
Dans la mesure où il facilite la conclusion de transactions onéreuses, portant sur des produits ou des matières premières vendu(e)s en larges quantités, le courtier doit impérativement se prémunir des actions judiciaires de ses cocontractants.
Dans ses relations avec les acheteurs, il anticipera surtout les problèmes de qualité, de quantité, de conformité et de sourcing, sujets sur lesquels il n’exerce objectivement que peu d’influence.
Toute exclusion ou limitation de responsabilité implique d'en vérifier, en amont, la licéité et l’opposabilité. Il faudra donc étudier les normes (locales ou internationales) s’imposant au courtier en raison du type de produit ou matières premières concernés.
Voici un exemple standard de clause d'exclusion de responsabilité :
L'intermédiaire ne saurait être tenu responsable vis-à-vis de l’Acheteur en raison des actes, actions, manquements, défaillances, fautes, violations ou négligences imputable au(x) Vendeur(s) (y compris leurs représentants, agents, employés, directeurs, etc.). Cette exclusion de responsabilité couvre notamment l'origine, la qualité et la méthode d'extraction, de production, de culture ou de raffinage des Matières premières, ainsi que le degré de conformité, de légalité ou de régularité de ces opérations, lesquelles relèvent de la seule responsabilité du(es) Vendeur(s) et/ou de l’Acheteur. Ce dernier comprend et reconnait que l'Intermédiaire, agissant uniquement en qualité de courtier (intervention limitée au processus d'Introduction), n'offre aucune garantie à ces sujets. L'Acheteur sera personnellement responsable de toutes les vérifications en la matière, tant préalables que postérieures à la conclusion de tout contrat de vente de Matières Premières.
Du fait de leurs enjeux financiers et de la nationalité des parties, les contrats de courtage international sont généralement soumis à l'arbitrage. Les clauses d'electio juris (choix de loi) et d'electio fori (choix de juridiction) ne doivent surtout pas être négligées !
Conclusions
L'activité de courtage international est peu encadrée par la droit français. Pour être exercée efficacement et en sécurité, elle doit faire l'objet de contrats bien rédigés, tenant compte des problématiques abordées ci-dessus.
Le droit des affaires internationales étant le domaine d'excellence de notre cabinet, notre équipe répondra à toutes vos questions en la matière.
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