Dans cette affaire du 12 septembre 2018, une salariée, engagée en 2004 en qualité de négociatrice immobilier par la société employeur, fut licenciée en 2009 pour faute grave, parce qu’elle avait diffusé sur le réseau social Facebook, des propos injurieux et humiliants à l'encontre de son employeur.

Un procès-verbal d’huissier de justice constata que la salariée avait adhéré à un groupe sur Facebook, intitulé « Extermination des directrices chieuses ».

S’agissait-il :

  • de sa liberté d’expression ?
  • de propos injurieux et offensants tenus dans un groupe privé, ou portés à la diffusion publique ?
  • d’un simple défouloir légitime d’une salariée à l’endroit de sa direction ?
  • d’une sanction liberticide par l’employeur ?

Précisons tout de même, et ce point à son importance, que les termes employés par la salariée, selon la Cour d’appel et la Cour de cassation, « n'étaient accessibles qu'à des personnes agréées par le titulaire du compte et fort peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de 14 personnes ».

L’arrêt ne précise pas si l’huissier de justice faisait partie des 14 « élus », ni comment il avait pu établir son constat, ni si l’un des 14 lui avait donné accès au « groupe fermé », questions qui ouvriraient d’autres sujets de droit.

Pour rappel, la Cour de cassation, sur le même sujet facebook, s’était déjà intéressé à la licéité des informations recueillies par l’employeur, et à rechercher si leur extraction portait une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée du salarié (Cass. soc. 20/12/2007 n°16-19609).

Question qui ne poserait pas, si le salarié laisse sa session facebook ouverte sur l’ordinateur de l’entreprise permettant à l’employeur de se prévaloir du contenu des conversations (CA Toulouse 4è ch, 02/02/2018 n°16/04882).

Il reste que, et le lecteur l’aura pressenti, c’est bien parce que ce groupe était en accès privé réservé, donc restreint, que les Cours d’appel et de cassation ont considéré que les propos litigieux diffusés sur le compte ouvert par la salariée sur le site facebook, accessibles qu'à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de 14 personnes, relevaient ainsi d'une conversation de nature privée, et que le grief ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Cela étant, faut-il en déduire que les propos tenus dans un groupe, où l’on doit y être agréé, relèvent toujours d’une conversation privée ? La solution de la Cour de cassation aurait-elle été différente si le groupe était passé au nombre de 15 agréés, sinon à partir de quel nombre la conversation deviendrait-elle publique ?

Cette méthode des quotas (i.e. déterminer un nombre d’amis de l’utilisateur pour juger si le mur de facebook est public ou privé) avait été mise en question dans un arrêt CA Reims 9 juin 2010 n°09-3209.

Il est certain que lorsque le site internet est accessible à tous, des termes peu élogieux, entrant dans le champ de l’abus de la liberté d’expression, sont sanctionnables (Cass. soc. 11/04/2018 n°16-18590).

 

A rapprocher de : Cass. soc. 06/05/2015 n°14-10781 ; Cass. soc. 1ère civ. 10/04/2013 n°11-19530 ; CA Reims 09/06/2010 n°09-3209 ;

 

Stéphane VACCA

Avocat au barreau de Paris - Droit du travail

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